Photo de Dario Bronnimann sur Unsplash

Loi climat: des aides pour nous libérer des énergies fossiles

Les effets du dérèglement climatique affectent notre qualité de vie et notre santé ici et maintenant en Suisse en 2023. Les pics de températures élevées se multiplient avec des épisodes de chaleur suffocante: depuis l’ère préindustrielle, la hausse de température a augmenté de 2° Celsius en Suisse, deux fois plus vite qu’en moyenne internationale. L’érosion de nos forêts ne permet pas aux résineux dans le Jura de redémarrer leur cycle. Malgré les fortes précipitations de ce début de printemps, la sécheresse de cet hiver n’est pas parvenu à reconstituer entièrement la nappe phréatique.

Protéger les glaciers

Depuis 1860, le volume de nos glaciers a fondu d’environ 60% et s’accélère (12% de perte de volume entre 2016 et 2021). Les glaciers alpins pourraient disparaître d’ici la fin du siècle. L’initiative pour les glaciers signée par plus de 100 000 Suisses et Suissesses est précisément à l’origine de la loi fédérale sur le climat et l’innovation (LCI) sur laquelle nous voterons ce 18 juin 2023. Cette loi est un contre-projet indirect à l’initiative populaire et a convaincu les initiants de retirer leur texte. Contrairement à la loi sur le CO2 rejetée en votation populaire en 2020, la loi sur le climat et l’innovation ne prévoit aucune taxe. Cet élément est important. Premièrement, pour un niveau de consommation équivalent, les taxes affectent de la même manière les bas et hauts revenus et pénalise par conséquent les personnes à revenu modeste. Or nous ne devons laisser personne au bord du chemin dans notre combat face au dérèglement climatique. Deuxièmement, l’inflation soutenue qui sévit depuis une année et demie contraint les ménages à faire face à une hausse soutenue des prix (assurance maladie, électricité, frais de chauffage, carburant, loyers, alimentation) qui affecte particulièrement les classes moyennes et populaires.

Énergies renouvelables pour nos bâtiments et nos PME

Le secteur du bâtiment est avec celui du transport individuel motorisé le secteur qui émet le plus de CO2. C’est donc logiquement sur ce secteur que porte l’effort prévu pour le passage aux énergies renouvelables. Dans le bâtiment en Suisse, la majorité des maisons sont chauffées au mazout ou au gaz responsables d’environ 25% des émissions de CO2. Ces énergies fossiles consomment beaucoup d’énergie et coûtent chers. Pour l’essentiel, elles sont importées de l’étranger: la Suisse importe environ 75% de son énergie. Il faut inciter les propriétaires à remplacer leur chauffage au mazout (et électrique) au système de pompe à chaleur ou de pellet (moins polluants, car utilisant de l’électricité décarbonnée en Suisse). C’est la raison pour laquelle la loi prévoit CHF 200 millions de subventions par an sur dix ans pour accompagner les propriétaires dans ce changement. Ces montants s’ajoutent à ceux du programme bâtiment de la Confédération qui déploie déjà ses effets dans les cantons, avec une logique du premier arrivé, premier servi, ayant pour conséquence que toutes les demandes ne peuvent pas être honorées et que les délais d’attente sont longs. La loi repose sur la même logique pour soutenir les entreprises. Pendant six ans, CHF 200 millions seront à disposition des entreprise chaque année pour investir dans des technologies innovantes visant à réduire les gaz à effet de serre.

Action ou défaitisme

Après le premier succès en référendum contre la loi sur le CO2 en 2020, les opposants de la loi, UDC en tête, prétendent que loi sur le « gaspillage de l’électricité » aggraverait la crise énergétique en augmentant le coût des énergies. Cette critique ne propose pas d’alternative pour engager la transition énergétique qui engage la Suisse qui a ratifié l’Accord de Paris visant la neutralité carbone en 2050. Naturellement, les changements nécessaires passent par une réduction de consommation d’électricité et une certaine sobriété énergétique. Reste que renoncer maintenant à opérer ces changements nous coûterait beaucoup plus cher. Le coût des énergies fossiles se raréfie et augmente. Les ménages le constatent sur leurs factures de chauffage, la plupart des locataires (60% de la population suisse) étant chauffés au mazout ou au gaz. Les automobilistes aussi le voient avec la hausse du prix du carburant. Les investissements dans des systèmes de chauffage moins polluants seront facilités avec ces aides de la Confédération et ces investissements synonymes d’économie d’énergie seront rapidement amortis. Passer aux pompes à chaleur ou à un système de chauffage aux pellets, c’est aussi pour les locataires une diminution de leur facture de chauffage. Les soutiens à cette loi incluent les Socialistes, les Vert·e·s, la Gauche radicale, le Centre, le Parti vert’libéral, le Parti pirate et le PLR. Parmi les partis représentés au Parlement fédéral, seul l’UDC se range dans le camp du non.

Enjeu du vote

La loi sur le climat et l’innovation soutient le passage à des chauffages moins polluants. La réduction de nos émissions de CO2 a pour objectif de réduire notre dépendance énergétique à l’étranger et de protéger notre qualité de vie. Voter oui le 18 juin 2023, c’est accepter de voir la réalité en face et d’agir pour nous libérer progressivement des énergies fossiles; un pas dans la bonne direction.

Photo de Jo L'Helvète sur Unsplash

Initiative pour la protection du climat. De l’abstrait au concret

Le dérèglement climatique occupe nos discussions. Le 18 juin 2023, nous pourrons nous prononcer sur l’attitude à adopter, un privilège rare. Espérons que la participation soit au rendez-vous. En plus de la loi fédérale sur le climat, la population vaudoise s’exprimera aussi sur une initiative cantonale pour la protection du climat.

Des opportunités

L’Accord de Paris de 2015 prévoit d’atteindre la neutralité carbone de zéro émission nette de CO2 en 2050 pour limiter à 1.5° celsius la hausse du réchauffement climatique depuis l’ère pré-industrielle. La Confédération l’a ratifié en 2017. Huit ans après l’adoption de cet accord par 195 Etats (la Libye, la République islamique d’Iran et le Yémen ne l’ont toujours pas ratifié), les réalisations restent encore timides. Dans cette course contre la montre, les Etats ont pris du retard dans la poursuite de cet objectif. Enjeu international par définition, la protection de notre planète implique la participation active de tous les pays. La Suisse n’est pas en reste. Au cours des 150 dernières années, la température moyenne y a déjà augmenté de 2° Celsius, deux fois plus vite que la moyenne internationale. Ce dérèglement a un effet direct sur l’érosion de la biodiversité: un tiers des espèces animales et végétales voient leur habitat menacé. Au plan vaudois, un premier plan climat de CHF 173 millions a été adopté en 2020. Il en faudra d’autres pour renforcer l’effort: un plan climat de deuxième génération est annoncé pour 2024.

Et des actes

L’initiative pour la protection du climat demande d’implémenter cet accord pour l’appliquer au niveau cantonal et communal. Penser global, agir local. En substance, les principaux acteurs doivent passer à l’action pour limiter les conséquences du dérèglement climatique et de l’érosion de la biodiversité. La modification constitutionnelle soumise à votation impose des plans d’action au canton et communes avec des objectifs intermédiaires sur le chemin de la neutralité carbone 2050, pour 2030 et 2040.

Caisses de pension publiques et Banque cantonale vaudoise (BCV)

En moyenne, l’activité de la place financière et des caisses de pension favorisent une hausse de température de 4° à 6° Celsius. L’initiative s’étend aux aux personnes morales avec participation de l’Etat ou des communes. Les caisses de pension grosses émettrices de CO2 sont aussi mises à contribution. Chaque cinq ans, la Caisse de pension de l’Etat de Vaud (14.3 mia d’avoirs sous gestion) et la Caisse intercommunale de pension (CIP; 3.98 mia au bilan) doivent proposer une stratégie en faveur de la neutralité carbone. Quant à la Banque cantonale vaudoise, en cas d’acceptation de l’initiative, elle devrait aussi élaborer des plans d’actions reposant sur des objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040. Au Parlement, les tentatives d’élus bourgeois de sortir la BCV du champ d’application de l’initiative n’ont pas abouti. Quant aux entreprises (sans participation publique), l’Etat et les communes veillent à ce qu’elles mènent leurs activités pour contribuer aux engagements de la Suisse en matière de lutte contre le réchauffement climatique et ses dérèglements.

Pour une écologie sociale

L’implication forte des collectivités et des entreprises est déterminante pour des investissements socialement responsables à la hauteur des objectifs dans les énergies renouvelables. Sans cette implication, le combat face au dérèglement climatique est voué à l’échec et les plus fragiles seront les premiers à en subir les effets.
Lancée par les Vert·e·s, l’initiative est soutenue par les Socialistes, les Vert’libéraux, le POP, Ensemble à Gauche, le Centre Vaud, Pro Natura Vaud, WWF Vaud, Actif-trafiC, l’Association « Engagés pour la santé », le Grand Conseil et le Conseil d’Etat. Le PLR laisse la liberté de vote. Pour sa présidente, la priorité « est de réduire les émissions de CO2 plus que de défendre la biodiversité ». Une déclaration qui laisse songeur, sachant la fonction essentielle des espaces animales et végétales dans la régulation des écosystèmes pour lutter contre le dérèglement climatique. Quand à l’UDC, elle s’oppose à l’initiative, une position étonnante pour une formation réputée proche des agriculteurs dont les exploitations sont directement affectées par le réchauffement climatique. Face à cette division, rien ne garantit l’acceptation d’une initiative pourtant centrale pour mettre tous les acteurs à contribution pour combattre le dérèglement climatique. Chaque voix comptera.

Photo de Daria Pimkina sur Unsplash

Soigner les conditions de travail pour recruter et fidéliser le personnel

2%. C’est le taux de chômage actuel en Suisse. Il varie d’un canton à l’autre (un peu plus de 3% dans le canton de Vaud). Ce faible pourcentage n’enlève rien aux difficultés auxquelles se heurtent les chômeuses et chômeurs de plus de 50 ans pour trouver du travail ou de jeunes diplômés pour entrer sur le marché de l’emploi. Reste que ce taux de chômage a rarement atteint un niveau aussi bas et qu’il nous est envié par la plupart des autres pays.

Difficultés de recrutement

Par ailleurs, selon une enquête conjoncturelle de ce printemps 2023 publiée par la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), les difficultés de recrutement sont un problème pour plus d’une entreprise sur deux (contre 29% en 2021).

Volatilité

À ces facteurs conjoncturels s’ajoutent un changement de mentalité. Le maintien au sein de la même entreprise durant 10, 15 ou 20 ans se fait rare. Au fil de 40 ou 45 ans de carrière, il devient usuel de changer 7 ou 8 fois d’entreprise. Il est peu probable que cette tendance s’inverse.

L’importance de bonnes conditions de travail

Dans ce contexte, les comparaisons se multiplient. Évidemment, le salaire a son importance. Sans doute plus encore en période de renchérissement où tout augmente: primes d’assurance maladie, électricité, charges locatives, alimentation, prix des abonnements de transports ou des opérateurs, etc. En période d’inflation, un salaire qui n’est pas indexé est un salaire qui diminue. Le salaire a d’abord pour fonction de mener une existence correcte. Il est aussi un marqueur de reconnaissance pour le travail accompli.

Temps partiel

Face à la nécessité de compter sur deux salaires pour entretenir une famille, la question de la conciliation entre activité professionnelle et vie privée devient incontournable. Le manque considérable de places en garderie (dans le canton de Vaud par exemple, le taux de couverture en accueil de jour n’est que de 23% avec des délais d’attente allant jusqu’à deux ans) implique le recours au temps partiel pour quantité de parents. D’autres choisissent de réduire leur taux d’activité pour passer plus de temps avec leurs enfants ou pour leurs activités de loisirs ou leurs engagements. La plupart des personnes ne vivent pas pour travailler, mais travaillent pour vivre. Le coût humain, social et financier des maladies et accidents professionnels (estimés entre 5 et 14 milliards/an pour la Suisse en se limitant aux coûts directs) nous conduit à accorder au travail une fonction moins exclusive. Le travail est un facteur de réalisation. Il en existe d’autres. Et ce choix du temps partiel, celui de passer un peu plus de temps pour voir grandir ses enfants par exemple, doit aussi être défendu. L’Etat ne saurait s’immiscer dans ces choix, malgré les tentatives de priver de subsides aux primes d’assurance maladie les personnes travaillant à temps partiel (voir notamment la motion du 02.05.2023 du Conseiller national Philippe Nantermod « Réduction des primes d’assurance maladie. Le travail doit payer »).

Temps de travail et temps de récupération

Tout employeur ouvert au temps partiel se démarquera. Les vacances ont leur importance aussi. Face à des activités professionnelles intenses au rythme soutenu, le minimum légal de quatre semaines de vacances annuel est trop faible pour se ressourcer, reprendre des forces, gérer la garde des enfants durant les nombreuses semaines de vacances scolaires. Le temps de travail aussi est scruté par les personnes en recherche d’emploi. La récupération des heures supplémentaires, hors fonction dirigeante élevée, est un droit de la loi sur le travail qui n’est pas toujours respecté. Est-ce que mon temps de loisir est protégé? Dois-je m’attendre à répondre à mon employeur pendant mes vacances? Le droit à la connexion aussi mérite d’être protégé.

Les travailleuses et travailleurs ont le choix et des aspirations. Dans un contexte de forte concurrence, l’employeur qui investit dans de bonnes conditions de travail mettra de meilleures chances de son côté pour engager du personnel compétent et le conserver.

Retraites

Retraites / LPP et pouvoir d’achat: les raisons du référendum

Au rayon des lois improbables, il y a la dernière révision de la loi sur la prévoyance professionnelle. Adoptée en vote final le 17 mars 2023, on se demande comment cette loi a pu obtenir une majorité à Berne.

Aperçu de la loi

Voici en un coup d’œil les changements prévus:

Loi en vigueur Nouvelle loi

Taux de conversion

6.8%

6%

Taux de cotisation

(en % du salaire coordonné)

25-34 ans: 7%

35-44 ans: 10%

45-54 ans: 15%

55-65 ans: 18%

25-44 ans: 9%

45-65 ans: 14%

Seuil d’accès

22050 CHF

19845 CHF

Baisse du taux de conversion

La mesure phare de la loi, c’est la baisse du taux de conversion de 6.8% à 6%. Ce taux de conversion sert à calculer la conversion du capital constitué en rente de vieillesse annuelle. La fixation de ce taux de conversion est essentielle sachant que la plupart des retraités optent pour la rente et non pour le capital en raison d’une espérance de vie élevée en Suisse: 85.6 pour les femmes et 81.6 pour les hommes. En 2010 déjà, une baisse du taux de conversion de la LPP avait été écartée en votation populaire par 72% de la population et par la totalité des cantons.

Compensations insuffisantes

Les baisses de rendements et des intérêts sur les marchés des placements (dans les obligations notamment) et l’augmentation de l’espérance de vie depuis plusieurs années plaident en faveur d’une baisse du taux de conversion. En réalité, le taux de conversion de 6.8% s’impose uniquement aux éléments du salaire annuel compris entre CHF 22 050 et CHF 88 200. Le taux de conversion pour la part surobligatoire (pour les caisses qui le prévoient) oscille autour de 5%. Quoi qu’il en soit, des compensations importantes pour les classes moyennes et populaires sont indispensables pour éviter des baisses de rentes. La loi prévoit certaines compensations pour les personnes ayant un avoir à la retraite inférieur à CHF 215 000. Cette compensation est dégressive en fonction du nombre d’années suivants l’âge de la retraite: CHF 200/mois les cinq premières années, CHF 150/mois les cinq années suivantes, puis CHF 100/mois cinq ans plus tard. D’autres compensations plus faibles sont prévues pour les assurés jusqu’à un avoir de CHF 430 000. En plus de pénaliser l’espérance de vie, ces compensations dégressives sont très insuffisantes.

Baisses du pouvoir d’achat pour les retraités et les femmes notamment

Pour la plupart des retraités, cette réforme aboutira à plusieurs centaines de francs de pertes à un moment où l’inflation (3.3%) et la vie chère atteignent des niveaux records. L’exemple cité par Mattea Meyer coprésidente du Parti socialiste suisse est assez parlant. Une infirmière à temps partiel de 50 ans au revenu mensuel brut de CHF 4500 francs devrait avec cette loi payer 147 francs de cotisations supplémentaires par mois pour obtenir 8 francs de rente en moins. 1/3 des femmes ne sont pas affiliées à une caisse de pension. Quant à celles qui touchent une rente LPP, elle est en moyenne deux fois moins élevée que celle d’un homme. Les compensations de la loi sont insuffisantes pour la rendre acceptable.

Réforme combattue par les syndicats et par plusieurs employeurs

Cette réforme s’est détournée du compromis initial des partenaires sociaux. Aujourd’hui, les syndicats d’employés et les partis de gauche demandent son rejet. Des associations professionnelles s’en détournent aussi comme GastroSuisse. Quant au Centre Patronal, il parle de projet « mort né ». La récolte de signatures pour le référendum débutera dans quelques jours. Le peuple est très attaché à ses retraites. Le sujet ressort en tête des préoccupations dans les enquêtes d’opinion et s’invitera dans les élections fédérales du mois d’octobre. Toute nouvelle réforme doit compenser le renchérissement et assurer des retraites dignes. Nous en sommes loin avec cette révision de la LPP. D’autres propositions comme l’initiative populaire pour une 13e rente AVS apportent de vraies réponses. L’initiative pourrait bien se trouver au coeur des débats en mars 2024 en même temps que la votation sur la révision de la LPP. Affaire à suivre

Photo de Jason Goodman sur Unsplash

Reconversion vers les métiers de la transition écologique

Durant ces vingt prochaines années, nos approches professionnelles devront se modifier en profondeur. La transition écologique ne se limite pas à des incitations à des comportements respectueux de l’environnement ou à des investissements dans les énergies renouvelables aussi indispensables soient-ils. Pour relever le défi de réduction de 50% de nos émissions de CO2 d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990) et de neutralité carbone en 2050 qui engage notre pays aux termes de l’Accord de Paris, il faut pouvoir repenser notre rapport au travail dans tous les secteurs d’activité sans exception.

Transition ou transformation?

Le mot « transition » n’est d’ailleurs pas le plus approprié. L’atteinte de la neutralité carbone n’a rien d’automatique. Elle ne se décrète pas. Dans son dernier rapport de 2018 sur l’environnement, le Conseil fédéral indique qu’en Suisse l’empreinte moyenne de gaz à effet de serre/personne est 23 fois supérieure à ce que les limites planétaires peuvent supporter. Un défi sans précédent s’impose à nous. Nous parlons d’une transformation écologique. L’ampleur des efforts nécessaires peut être vertigineux. Parmi les plus jeunes en particulier, mais pas seulement, un phénomène social d’eco-anxieté s’observe. Il faut en faire quelque chose. Plusieurs démarches existent pour repenser son orientation professionnelle, on peut citer notamment « Slow ta carrière » proposant des ateliers pour donner du sens et trouver sa voie professionnelle dans les limites planétaires. À la prise de conscience doit succéder une mise en mouvement. Nous sommes toutes et tous des acteurs du changement et nous ne sommes pas seuls.

Quels sont les métiers de la transition écologique ?

Une vision romantique et réductrice véhiculée par certains peut donner le sentiment que nous devrions tous retourner vers les métiers de la terre. Premièrement, nous n’avons pas tous des prédispositions ou affinités pour travailler à la ferme. Deuxièmement, ne serait-ce que pour préserver nos ressources, il n’y a aucune raison objective à tous nous reconvertir dans l’élevage ou l’agriculture.

En réalité, les secteurs professionnels favorables à la reconversion écologique sont innombrables: énergies renouvelables, agriculture de conservation, foresterie, régénération des sols, assainissement énergétique des bâtiments, transports publics et mobilité douce, accompagnement et conseil, formation, information et médias, finance durable, légal et institutionnel, recherche et séquestration de CO2, revalorisation des déchets, recyclage. Et cette énumération ne prétend pas à l’exhaustivité. Plus que des métiers en tant que tels, il y a des approches professionnelles à repenser en terme de durabilité et d’économie circulaire (voir le livre de Sophie Swaton de 2020 « Le revenu de transition écologique: mode d’emploi »). Dans un contexte où le secteur du bâtiment en raison d’isolations déficientes génère 26% des émissions internes de CO2, les ouvriers du bâtiment ont un rôle de premier plan à jouer dans la nécessaire transformation écologique. Peinant à recruter, la filière du bâtiment doit offrir de meilleures conditions de travail pour rendre ces métiers plus attractifs et pour faciliter les évolutions de carrière. Notre imaginaire aussi doit évoluer pour voir les ouvriers du bâtiment occupés à poser de nouvelles couches d’isolation comme des acteurs incontournables du combat contre le dérèglement climatique. Plus largement, la construction doit évoluer vers des matériaux moins dépendants du béton, vers des matériaux recyclés moins polluants ou vers le bois, comme le demande dans le canton de Vaud l’initiative populaire « Sauvons le Mormont ».

Comment y parvenir?

Comment accélérer cette reconversion? L’urgence climatique empêche de cibler l’effort de la nécessaire transition exclusivement sur les générations qui entrent sur le marché du travail. Quantité d’employés ne demandent qu’à se réorienter vers un métier plus durable. Seulement quand on a une famille à charge, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Des bourses sont nécessaires sous conditions de ressources pour les personnes qui n’ont pas les moyens de se lancer dans une nouvelle formation vers un métier durable. En un mot: nous avons besoin d’une écologie sociale. C’est la demande que j’ai faite dans une motion du 01.06.2021 portée par le Groupe socialiste au Grand Conseil vaudois: une motion soutenue par la gauche et le centre, mais combattue par un Parlement à majorité de droite. Au vote, le 30.11.2021, il a manqué trois voix à cette motion pour passer la rampe. Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous reviendrions à la charge. Mais par-delà les déclarations d’intention et les postures électoralistes (les élections dans le canton de Vaud ont lieu le 20.03.2022), les crispations des partis bourgeois font encore trop souvent échec à la nécessaire transition écologique. Nous devons emmener tout le monde sur la voie de la transition écologique. Elle ne doit pas être le privilège de quelques-uns, sinon nous échouerons.

La transition écologique n’a rien d’évident. Cette nécessaire transformation s’incarne dans des trajectoires professionnelles de femmes et hommes déterminés à être des acteurs du changement. Nous avons à soutenir cette dynamique sans réserve par tous les moyens possibles. Le temps presse. Attendre nous coûtera trop cher. Ne tardons pas.

Photo de Sunguk Kim sur Unsplash

Invasion de l’Ukraine par la Russie: neutralité de la Suisse à géométrie variable

C’est un cauchemar éveillé. Les chars russes sont aux portes de Kiev et la centrale nucléaire de Tchernobyl est occupée par les forces armées. Selon le Haut commissariat aux réfugiés, plus de 150 000 ukrainiens ont déjà quitté leur pays. Les premiers chiffres font déjà état de plusieurs centaines de mort au sein de la population civile ukrainienne.

Cette attaque unilatérale est condamnée par la quasi-totalité de la communauté internationale à l’exception notable de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Inde. Plusieurs des sanctions économiques nécessaires pour éviter à la Russie de financer sa guerre sont pourtant écartées par le Conseil fédéral. Cette position n’est pas acceptable. Selon les Ukrainiens, 1/3 des fonds des oligarques russes proches de Poutine se trouvent dans des banques suisses. Ces avoirs doivent être gelés sans délai pour éviter de financer l’invasion russe en Ukraine.

Confiscation de la neutralité

Il y a un malentendu dans la définition de la neutralité que cherchent à imposer les milieux conservateurs. La neutralité ne réduit pas dans chaque conflit qu’elles qu’en soient les circonstances et les disparités à se tenir à équidistance des belligérants pour se mettre à disposition en cas de pourparlers devenus de toute évidence impossibles. Ce discours révèle d’ailleurs de profondes incohérences. Les partisans les plus affirmés de cette passivité, bien représentés dans les rangs de l’Union démocratique du centre (UDC) ou de l’Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), expriment même leur sympathie à Vladimir Poutine (éditorial du 24.02.2022 « Poutine l’incompris » de l’influent conseiller national UDC zurichois Roger Köppel dans son propre hebdomadaire la Weltwoche). Les défenseurs de cette neutralité absolue ne s’émeuvent pas davantage de l’impossibilité d’établir la traçabilité d’armes livrées par la Suisse à l’Ukraine se retrouvant aujourd’hui dans le camp des séparatistes.

La neutralité doit devenir une politique active de promotion de la paix

Quand un Etat viole ouvertement le droit international en décidant d’envahir un Etat voisin, en s’en prenant à sa souveraineté territoriale (art. 2 § 4 de la Chartes des Nations Unies), la Suisse doit en tirer les conséquences. L’invasion russe ne repose ni sur une action de sécurité de sécurité collective des Nations Unies, ni sur la légitime défense de la Russie (art. 42 et 51 de la Charte des Nations Unies). Elle viole l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine. Or, la Suisse s’engage à respecter le droit international (art. 5 al. 4 Cst).

Quant aux axes de notre politique étrangère, ils sont définis dans notre Constitution. La promotion de la coexistence pacifique entre les peuples et le soulagement des populations dans le besoin en font partie intégrante (art. 54 al. 2 Cst). Ces priorités ont été acceptées à près de 60% par le peuple et les cantons en votation populaire en 1999. Le respect du droit international, la promotion de la paix et l’aide aux populations dans le besoin sont étroitement liées à notre neutralité. Ces fondements justifient que le Conseil fédéral fasse usage de tout ce qui en son pouvoir pour priver la Russie du financement d’une invasion sur le dos des populations civiles violant le droit international et fragilisant la sécurité internationale.

Débattre de la neutralité que nous voulons

Il manque à cette neutralité active incarnée par le Conseiller fédéral radical Max Petitpierre dans les années 1950 et reprise à son compte par la socialiste Micheline Calmy-Rey comme ministre des affaires étrangères au début des années 2000, une assise populaire ou/et associative qui fasse contrepoids au discours isolationniste de l’ASIN. Cette neutralité incarnée peut faire de la Suisse un Etat assumant pleinement ses responsabilités internationales en accord avec son rôle humanitaire de premier plan, contre une attitude d’égoïsme et d’indifférence. Cette neutralité gagnerait également en cohérence en s’évitant des livraisons d’armes dont nous nous sommes ni en mesure de contrôler les reventes, ni de garantir qu’elles soient utilisées lors de conflits armés. Et la Suisse n’en serait pas moins indépendante.

Morges

Droit à la déconnexion: le temps retrouvé

Grosse fatigue. En deux ans de pandémie, nous n’avons sans doute jamais passé autant de temps à la maison, jamais annulé autant de séance « en présentiel » et pourtant beaucoup se plaignent d’être épuisé. Comment l’expliquer? Les causes sont multiples, mais l’usage que nous faisons du télétravail (et non le télétravail en soi) est sans aucun doute un facteur d’explication.

Télétravail et déconnexion

Le télétravail implique une unité de lieu entre vie privée et vie professionnelle. Garde des enfants, tâches domestique et sollicitations professionnelles se confondent. Les horaires habituels peuvent rapidement se retrouver chamboulés. On peut être tenté d’aller chercher ses enfant plus tôt à la garderie, mais il faudra ensuite travailler jusqu’à tard dans la nuit. Le télétravail ne s’arrête pas avec la levée des mesures de restrictions de la pandémie entrées en force ce 17.02.2022. Pour rester attractif, tout employeur devra désormais proposer à ses salariés du télétravail. Les avantages sont nombreux: gain de temps du fait de l’absence de trajet, bienfait pour l’environnement et organisation facilitée, à condition justement … d’être très bien organisé.

Contre la dérégulation du temps de travail

Sous couvert d’autonomie, un discours très idéologique prend forme: celui d’un travailleur pleinement en phase avec les nouvelles technologies, disponible en tout temps, jamais vraiment complètement en vacances ou en week-end. L’initiative parlementaire du conseiller aux Etats Konrad Graber (Le Centre/LU) en fournit un bon exemple. Ce texte demande une réduction du temps de repos entre deux journée de travail à 8 heures, un déplafonnement par branche professionnelle du maximum de 45 heures de travail par semaine et des dérogations supplémentaires pour les cadres ou spécialistes à l’interdiction du travail du dimanche. Alors même que des négociations entre partenaires sociaux sont en cours sur les attentes et besoins des différentes branches professionnelles, la commission de l’économie du Conseil des Etats s’est prononcée dans la précipitation en faveur de l’initiative le 04.02.2022.

Le temps protégé

Les sollicitions en continu s’insinuent dans une zone grise susceptible de mettre les travailleurs en concurrence. Dois-je répondre à cet e-mail de mon supérieure reçu à 22h? Son e-mail ne pouvait-il pas attendre demain? Ces questions nous devons nous les poser et agir en conséquence. Notre apprentissage en accéléré du télétravail nous a fourni quelques enseignements: il est illusoire de pouvoir s’occuper d’enfants en bas âge en travaillant. Sans délimitation de ses horaires de travail, la charge mentale s’accroît et les atteintes à la santé, parfois jusqu’au burn-out, guettent. Nous avons besoin de temps pour nous vider l’esprit, faire autre chose que travailler et pour redémarrer ensuite à son bureau la tête reposée avec des idées neuves.

Comment m’y prendre

Le droit à la déconnexion, celui de ne pas recevoir de sollicitations professionnelles durant son temps libre, ses week-end ou ses vacances, est une contre-offensive à la dérégulation du temps de travail. Deux ans de télétravail ont souligné l’importance du droit à la déconnexion. Ce droit est encore à conquérir. Mais il peut déjà être une source d’inspiration dans notre rapport au travail. Il passe pas l’enregistrement quotidien de son temps de travail sur une plateforme à laquelle l’employeur a accès non seulement pour le porter à sa connaissance, mais aussi pour être conscient du temps consacré à son activité professionnelle. Dans nos vies trépidantes, le droit à la déconnexion prend la juste mesure de nos sollicitations continues pour se préoccuper de notre santé au travail.

Pour en savoir plus

>24 heures, Alain Détraz « Avec le retour au bureau, le droit à la déconnexion revient sur la table » 15.02.2022
>Sur mon blog Le Temps Changement et politique. « Déconnexion: un droit à conquérir » 28.07.2019
>Sur mon site « Droit à la déconnexion : pourquoi et comment » 28.07.2019
>Débat RTS Forum « Déconnexion : faut-il une loi ? » 27.06.2019

Mariage pour tous. De la tolérance à l’acceptation

Depuis la votation populaire de 2005 en faveur du partenariat enregistré, les couples de même sexe sont tolérés. Le scrutin du 26 septembre 2021 est l’occasion de passer à une véritable acceptation des couples homosexuels. Les arguments des opposants au mariage pour tous montrent une étonnante similarité avec ceux de 2005. Passage en revue et contre-argumentaire.

« Une différence biologique insurmontable ». FAUX

Selon cet argument, la nature voudrait que le couple se réduit à l’union d’un homme et d’une femme. Dès lors, il n’y aurait aucune discrimination à interdire le mariage aux couples de même sexe. D’un point de vue biologique, cette assertion est fausse. Le règne animal connaît quantité de comportements homosexuels chez les dauphins et les girafes notamment et chez 450 espèces vertébrées. Des comportements bisexuels sont aussi observés chez certains lions, putois ou lézards ou encore lesbiens comme parmi les macaques (voir le très beau livre « Amours » de Jacques Attali et Stéphanie Bonvincini). L’exposition à visiter en ce moment au Musée d’histoire naturelle de Berne « Queer – La diversité est dans notre nature » en fournit une riche illustration. Pour les tenant d’une vision essentialiste pourtant, la différence entre une femme et un homme ne se réduit pas aux aspects physiologiques, mais procède de goûts et d’affinités différentes. Poussée à son extrême, cette approche peut aller jusqu’à justifier les thérapies de conversion, encore bien présentes en Suisse, contraignant les homosexuels à (re)devenir hétérosexuels (voir la motion de mars 2020 du député socialiste Julien Eggenberger au Grand Conseil vaudois « Pour l’interdiction des thérapies de conversion »). Cette vision s’oppose à une représentation constructiviste de la personnalité libérée des assignations de genre. Cette représentation accepte la part de féminité présente à divers degrés chez de nombreux hommes hétéros ou homosexuels et inversement la part de masculinité chez bien des femmes. Il arrive parfois qu’une personnalité passe même du masculin au féminin (ou inversement), voire au genre neutre. On parle alors de genre fluide.

« Le bien de l’enfant n’est pas pris en compte ». FAUX

La loi soumise à votation autorise le don de sperme aux couples lesbiens. Les opposants au mariage pour tous y voient un danger pour l’enfant. La plupart des pays d’Europe occidentale connaissent déjà le mariage pour tous depuis de nombreuses années. En Suisse, depuis 2018, l’adoption est possible pour les familles arc-en-ciel, mais moyennant une procédure longue et intrusive. L’accès étendu aux dons de sperme facilitera la parentalité des couples homos. Aucune étude empirique sérieuse n’a pu établir que le fait d’avoir des parents homosexuels allait contre le bien de l’enfant. Un nouveau-né et un enfant a besoin de parents présents et aimants pour se développer. Leur sexe est sans importance. Seul les vexations et discriminations exprimés par des personnes hostiles aux familles arc-en-ciel peut porter atteinte au bien de l’enfant. Sur ce terrain, on peut mesurer le progrès considérable réalisé en une génération à peine. Il y a une vingtaine d’année, l’insulte « pédé » résonnait encore largement dans les préaux. Aujourd’hui, sous l’impulsion des nouvelles générations, plus grand monde ne se risque à proférer des insultes homophobes en public, et ce, même si ces discriminations restent encore beaucoup trop nombreuses. L’acceptation en février 2020 en votation populaire à plus de 63% de la loi Reynard contre l’homophobie en fournit l’illustration (art. 261bis CP).

« La gestation pour autrui et le don d’ovules seront les prochaines étapes ». IMPOSSIBLE À SAVOIR

Le texte de loi soumis à votation le 26 septembre 2021 n’autorise aucune de ces méthodes de procréation médicalement assistée. Notre Constitution fédérale interdit la gestation pour autrui (mère porteuse) et le don d’ovules (art. 119 al. 2 let. c et d Cst). Seul une majorité du peuple et des cantons pourrait autoriser ces pratiques. L’avenir nous dira si ces pratiques seront autorisées un jour. Actuellement, en Europe, la gestation pour autrui est interdite notamment en Allemagne, en Espagne, en France et en Italie. Le Danemark et les Pays-Bas l’autorisent en interdisant toutefois toute rémunération. Le Portugal la limite aux cas de stérilité féminine en cas de dysfonctionnement de l’utérus. La Grèce ou l’Ukraine l’acceptent avec plus de souplesse. Pour revenir à la Suisse, à ce stade, aucun projet de gestation pour autrui n’est à l’ordre du jour. Le don d’ovules est lui interdit notamment en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Norvège ou encore au Portugal. La France autorise le don d’ovocytes anonyme sans rémunération. L’Espagne le permet aussi en préservant l’anonymat des donneuses et avec une rétribution possible. En Angleterre, la donneuse n’est pas anonyme et une rémunération est autorisée. En Suisse, une initiative parlementaire a été déposée en mars 2021 par la conseillère nationale verte libérale de Bâle-Ville Katja Christ. Elle n’a pas encore été traitée au Conseil national. Il est difficile de savoir le sort que le Parlement lui réservera. En tous les cas, si un projet devait aboutir, le peuple et les cantons auraient le dernier mot.

Sur le même thème pour prolonger le débat dans les blogs du Temps voir aussi:
Pour le mariage pour tous
Ecologie politique et égalité. Le blog de Delphine Klopfenstein Broggini. 13.08.2021. Le mariages pour toutes et tous. Un droit fondamental. 13.08.2021
Contre le mariage pour tous
Le grain de sable. Le blog de Suzette Sandoz. Mariage pour tous: nouvelles inégalités. 19.08.2021

Pour les arguments des deux camps:
Le site des partisans du Mariage pour tous
Le site des opposants au Mariage pour tous

Pour le droit de vote à 16 ans

Voilà 50 ans les femmes finissaient par obtenir le droit de vote. Selon le principe « j’y vis, j’y vote », d’autres droits de vote sont à conquérir: celui des étrangers (la plupart des cantonaux ne connaissent pas le droit de vote communal des étrangers) et le droit de vote à 16 ans.

Discernement

À quel âge a-t-on suffisamment de discernement pour se prononcer pour ou contre le mariage pour tou·te·s, pour ou contre les pesticides? En permettant aux élèves de développer un esprit critique, de débattre, l’école leur donne les outils pour être en mesure de se forger une opinion. À 16 ans et jusqu’à preuve du contraire, un jeune a suffisamment de discernement pour se faire sa propre opinion sur un sujet de société. Dès qu’il suit ses cours de citoyenneté, on ne devrait pas faire attendre un jeune avant de lui donner son droit de vote. À 16 ans, le temps paraît plus long. Pour donner le goût de la chose publique, il faut pouvoir passer rapidement de la théorie à la pratique.

Droit de vote médian à 57 ans

En Suisse, l’âge de droit de vote médian (celui pour lequel il y a le même nombre de votants d’un âge inférieur et supérieur) s’établit à 57 ans. Il n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières décennies. En comparaison, l’âge médian en Suisse est de 42 ans. L’ « électeur moyen » a donc près de 20 ans de plus que la moyenne d’âge actuelle. Parallèlement, 2/3 des moins de 30 ans ont tendance à s’abstenir. Persévérer sur cette voie du vieillissement de l’électorat a quelque chose de préoccupant. Naturellement, une génération n’est pas homogène. Il n’en reste pas moins qu’elle partage des préoccupations communes, qui peut détourner son attention de nouveaux enjeux. Il y a donc un intérêt à promouvoir des mesures qui permettent de rajeunir l’âge des électeurs·trices. Le droit de vote à 16 ans est l’une d’entre elles. Elle doit s’accompagner d’un renforcement des cours de citoyenneté dans toutes les filières de formation (école obligatoire, formation professionnelle; lire mon post du 13.08.2019: Jeunes et politique: Un rendez-vous manqué?).

Le peuple décidera

Si en Suisse, seul le canton de Glaris connaît depuis 2007, le droit de vote à 16 ans, les lignes bougent. Longtemps considéré comme un gadget, le 02.02.2020, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats, imitant le Conseil national, se prononçait à 7 contre 6 en faveur de l’initiative de Sibel Arslan (Verts/BS) pour le droit de vote (et non d’éligibilité) à 16 ans, un vote encouragé par le Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ). Dans le canton de Vaud, la Commission des institutions et des droits politiques du Grand Conseil s’est prononcée à 7 contre 5 (et 3 abstentions) en faveur de la motion de l’écologiste Léonore Porchet pour le droit de vote à 16 ans (mon rapport de majorité et rapport de minorité de Grégory Devaud, PLR). Au plan fédéral, si le Parlement soutient le droit de vote dès 16 ans en vote final, le peuple et les cantons décideront. Dans le canton de Vaud aussi une votation populaire est nécessaire, puisque la Constitution devra être retouchée. Or cette étape sera sans doute la plus difficile. Le 09.02.2020, le canton de Neuchâtel rejetait en votation populaire une initiative pour le droit de vote à 16 ans à 58% de non, un score auquel l’âge relativement élevé des électeurs n’est sans doute pas étranger.

One wo·man, one vote

Selon le principe « One wo·man, one vote », nous n’avons rien à craindre d’un élargissement du droit de vote à 16 ans. Les Etats qui comme l’Argentine, l’Autriche, le Brésil ou encore l’Ecosse ont introduit le droit de vote à 16 ans n’ont pas fait marche arrière. Au contraire, le droit de vote dès 16 ans renforcera le principe d’égalité au coeur du suffrage universel. Elle incitera aussi les élu·e·s à intégrer les préoccupations des jeunes sur le réchauffement climatique ou, plus proche de nous, sur l’attention portée à leur santé mentale en période de distanciation sociale (pandémie oblige).

Multinationales responsables: soyons précurseurs

L’automne sera orange. L’orange vif de l’initiative populaire pour des multinationales responsables qui égaie nos balcons et atterrira bientôt dans vos boîtes aux lettres grâce à l’opération des 500 000 cartes postales. Le 29.11 prochain, nous avons l’occasion d’inscrire les multinationales parmi les nouveaux sujets du droit international.

De la responsabilité collective à la responsabilité individuelle

Longtemps, les seuls sujets du droit international ont été les Etats. S’y sont ajoutés dans le courant du XXe siècle, les organisation internationales (Société des nations remplacée en 1945 par l’Organisation des Nations Unies, Organisation mondiale du commerce, Union européenne, etc. ). En 1998, le Statut de Rome a mis sur pied à La Haye une Cour pénale internationale faisant des individus en cas de génocide, crime de guerre ou crime contre l’humanité, eux aussi des sujets de droit international, quand les Etats n’étaient pas en mesure de traduire les responsables devant leur justice interne. À ce jour, l’essentiel des affaires de la Cour pénale internationale ont mis en cause des dirigeants africains. Dans le même temps, plusieurs grandes puissances parmi lesquelles la Chine, les Etats-Unis et la Russie n’ont pas ratifié le Statut de Rome. Plusieurs voix en Afrique se sont élevées pour prétendre que la Cour pénale internationale reflétait les velléités des Etats occidentaux d’imposer leur justice aux pays en voie de développements.

Tentatives de compétences universelles  

Certains pays ont tenté de s’en prendre à des chefs d’Etat ou de gouvernement en exercice en contestant leur immunité sitôt le pied posé dans leur pays. Au début des années 2000 à la suite de plaintes déposées devant ses tribunaux, la Belgique cherche à s’en prendre à Ariel Sharon, alors premier ministre israélien, qui n’était pas le bienvenu à Bruxelles. À la même période, le juge d’instruction espagnol Batasar Garzon a aussi beaucoup fait parler de lui pour ses enquêtes sur les crimes commis au Chili par le général Pinochet à la suite des nombreuses victimes espagnoles tuées ou exécutées, allant jusqu’à tenter d’auditionner l’ancien Secrétaire d’Etat Henry Kissinger sur les relations des Etats-Unis avec les régimes autoritaires des années 1970 en Amérique latine. Enfin, les Etats-Unis et sa Drug Enforcement Administration (DEA) sont parvenus à extrader, incarcérer et juger plusieurs barrons de la drogue mexicaine notamment (on pense à la condamnation en 2019 de Joaquin Guzman alias El Chapo par un Tribunal de New York).

Faire des multinationales des sujets du droit international

Les multinationales en revanche sont jusqu’ici pour l’essentiel toujours restées en dehors du droit international. Elles ne sont en tous cas pas des sujets du droit international. Leur rôle dans la captation et l’exploitation des ressources naturelles en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie rend pourtant cette question légitime. Glencore est une de ces multinationales active dans le négoce, le courtage et d’extraction de matières premières. Elle contrôle l’essentiel du marché international du zinc, du cuivre ou du plomb. Dans le bassin du fleuve Congo, au Katanga, deux entreprises rattachées à Glenore ont été mises en cause en raison du travail d’enfants et d’adolescents dans des mines artisanales de cuivre rejettent de l’acide sulfurique empoisonnant les populations locales. Glencore comme d’autres multinationales sont devenues des acteurs extrêmement influents, souvent dénoncé dans des affaires d’évasions fiscales et de corruption auprès de pays en voie de développement. Plusieurs de ces multinationales, à l’image de Glencore, ont la particularité d’avoir leur siège en Suisse.

Nous pouvons être précurseurs

L’initiative populaire sur laquelle nous voterons le 29.11 prochain pose la question de la responsabilité environnementale et en matière de respect de droits humains devant nos tribunaux de ces entreprises suisses pour leur agissement à l’étranger. La captation et l’exploitation de ressources naturelles doivent impérativement être encadrées pour éviter qu’elles se fassent au détriment des populations locales et de notre environnement. Ces multinationales doivent rendre des comptes. Sans colonie bien que sa trajectoire historique s’inscrive dans la colonisation, la Suisse ne peut rester passive face à une exploitation sans précédent, susceptible de créer des dommages irréversibles à notre planète. Les regards se tourneront vers la Suisse au soir du 29 novembre. Comme Henry Dunant, précurseur du droit international humanitaire et des Conventions de Genève de 1949, nous avons l’occasion d’inspirer d’autres pays en votant Oui à l’initiative pour des multinationales responsables pour créer les fondements d’un ordre juridique plus respectueux des droits humains et de notre environnement.