Le populisme coûte très cher

Une information longtemps inaccessible vient d’être révélée par le Secrétariat d’Etat à la formation (SEFRI). Depuis la votation de 2014 contre l’immigration, la Suisse a pâti de son écartement du programme européen de recherche Horizon 2020. Comme cette décision était contraire au principe de libre circulation des personnes, l’UE a décidé de geler les négociations pour son futur programme de recherche. La même décision fut prise pour le programme d’échange d’étudiants Erasmus

Le coût de cette carence, c’est-à-dire l’absence de subsidiation par l’UE de certains projets suisses, a été supporté par la Confédération, soit 1,14 milliards. De même, le Conseil fédéral, qui estime qu’un retour au sein du programme Erasmus n’est plus réaliste, demande au Parlement de libérer en plus 114,5 millions de francs pour 2018-2020. Tel est le prix comptabilisable du vote populaire du 9 février 2014. Pendant des années, cette information fut refusée aux parlementaires qui en faisaient la demande, sous le prétexte invoqué que le SEFRI était dans l’incapacité de calculer. En fait l’information était politiquement explosive : l’UDC à l’origine de la votation aurait perdu la face.

Le peuple a tous les droits. En novembre il se prononcera à nouveau sur le droit à l’autodétermination qui menace 600 traités économiques. Il faudrait qu’il sache clairement que ses décisions ont des coûts exorbitants. Pas à la charge d’une sorte de caisse noire de la Confédération qui pourrait à tout moment imprimer des billets. A la charge du contribuable, c’est-à-dire de vous et moi. La Suisse grâce à la qualité de son système universitaire était bénéficiaire des échanges avec l’UE : elle percevait plus de subsides qu’elle n’avait payé de cotisations. Grâce au talent de nos négociateurs à partir de 2017 la Suisse a pu réintégrer le programme de recherche européen. Mais cet arrangement est précaire, à la merci d’une autre décision populaire.

Pourquoi notre parti populiste, premier parti suisse, s’obstine-t-il à mettre en péril nos relations scientifiques et économiques, qui sont du reste étroitement liées ?  Sans une recherche de pointe, les nouvelles entreprises lancées dans des projets ambitieux ne seraient plus alimentées en idées. Aucun parti n’a pour objectif, conscient ou inconscient, de ruiner notre économie, de détruire des places de travail et d’abaisser le niveau de vie.

Il faut donc plaider l’ignorance du populisme. Il souhaite simplement agiter le peuple avant de s’en servir, organiser des votations à répétition pour engranger des voix lors des élections. Rien de tel que de faire peur au peuple, en dépréciant les autorités politiques, en brandissant la menace d’une invasion par des immigrants, en plaidant l’incompatibilité de l’islam avec notre civilisation. Si le résultat de cette peur est des élections triomphales, quelle importance les effets collatéraux! Il faut d’ailleurs préciser que notre grand parti populiste place l’apprentissage avant la formation universitaire, suspecte de former des esprits critiques, irrécupérables pour un parti extrémiste.

Mauro dell Ambrogio, secrétaire d’Etat à la tête du SEFRI, prend sa retraite. Il ne risque plus la vindicte de la puissante UDC. Ceci expliquerait peut-être pourquoi une information très importante, l’ampleur d’un trou dans la caisse, n’a pas été révélée plus tôt au Parlement. Dans la dérive vers un pouvoir extrémiste, il est sans doute plus tard qu’on ne pense.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

6 réponses à “Le populisme coûte très cher

  1. “Le populisme coûte très cher” : la trahison aussi. Combien de milliards a coûté le choix (sans honneur) de Berne de s’essuyer les pieds sur la décision populaire du 9 février 20114 (frein à l’immigration massive) pour ne pas déplaire à ses maîtres de Bruxelles ?

    1. Bonne question à laquelle je ne puis répondre. Si vous la posez, serait ce que vous pourriez y répondre. Ou bien est-ce une question de pure rhétorique.

    2. “S’essuyer les pieds sur la décision populaire du 9 février 20114” (au passage, disons plutôt “2014”, ce sera moins futuriste :-))? Les mesures d’application auraient pu faire l’objet d’un référendum; l’UDC, qui ne montre pourtant généralement guère de retenue à consulter les citoyens suisses, ne l’a pas fait, ni personne d’autre d’ailleurs. Pourquoi? “Qui ne dit mot, consent”; il faut croire que les modalités de cette mise en application arrangeaient finalement tout le monde. Une interprétation plus rigoriste aurait coûté trop cher aux milieux économiques, … dont les leaders de l’UDC sont proches, voire membres!

  2. Le populisme ou dans ce cas précis , le nationalisme, a un coût, certes, mais le mondialisme n’est pas gratuit pour autant: le monde a subit de plein fouet la crise de l’ultra libéralisme mondialisé pendant 10 ans et en reste marqué par ses conséquences, spécialement en Europe où la Grèce , puis l’Italie en sortent fragilisées.
    Le populisme n’est malheureusement qu’une conséquence des échecs successifs que l’UE n’a pas su gérer et maintenant elle doit faire face au Brexit ainsi qu’à des divisions internes quasi insurmontables qui mettent en péril son édifice tout entier.
    Ces mouvements ont été renforcés par la politique calamiteuse des migrations engagée par Mme Merkel qui d’un jour à l’autre changeait son fusil d’épaule sans consulter ses voisins ou ses partenaires !
    L’interminable hésitation de l’UE sur le choix du modèle à suivre, ses manques de cohésion, de stratégie, de vision à long terme, … lui a fait perdre des décennies de recherche en technologie, principalement informatique dominée maintenant par les groupes américains (GAFA..) .
    Les fonctionnaires de Bruxelles ne s’occupent que de règlements ridicules au moment où il faudrait des décisions vitales pour le futur , mais il n’y a plus de chefs d’Etat dignes de ce nom pour les prendre, ce n’est qu’une cacophonie de discours sans queue ni tête !
    La Suisse aussi a perdu des pans entiers de son industrie en voulant privilégier son secteur financier , maintenant en pleine crise. Son ouverture sur le monde se paie en sacrifiant des sociétés vendues au plus offrant autant aux Américains qu’aux Chinois et il ne restera bientôt plus de sociétés locales, les multinationales ne gardant qu’un siège pour le seul avantage fiscal !
    M. Scheider Ammann a beau être fier de notre modèle, mais il est déjà obsolète !
    En fait, tout le système libéral est à bout de souffle , incapable de voir les obstacles qui se dressent devant nous.
    Alors, les petits problèmes que vous soulevez ne représentent même pas la pointe de l’iceberg !

    1. Tout ce que vous reprochez à l’UE montre bien que le problème de l’Europe n’est pas qu’il y en a trop, mais au contraire pas assez! En effet, vous soulignez bien que dans beaucoup de domaines, qui ne peuvent être efficacement abordés qu’à l’échelle du continent, il manque une structure de décision suffisamment forte à ce niveau pour aboutir à des actions efficientes et cohérentes. Tout le monde est d’accord que la construction européenne dans sa forme actuelle n’est pas entièrement satisfaisante, car pas encore achevée (un peu comme la Confédération helvétique avant 1848). Mais “jeter le bébé avec l’eau du bain” n’est certainement pas la meilleure façon de supprimer les cacophonies qui vous inquiètent à juste titre. Revenir aux nations se battant entre elles sans plus aucun garde-fou pour imposer leur point de vue et assurer la suprématie de leurs seuls intérêts égoïstes ne peut conduire qu’aux mêmes résultats catastrophiques que l’on a que trop connus dans le passé. Œuvrons plutôt à améliorer la construction européenne, qui nous a quand même permis de vivre une période sans conflit majeur et relativement prospère sans équivalent dans l’histoire de notre continent, plutôt que tout démolir (ce qui est, bien sûr, plus facile!) pour revenir au chaos antérieur.

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