Le mois de septembre

Le voilà arrivé plus tôt que je n’ imaginais . C’ est comme la décision de mourir . Je n’ arrive ni à quitter mon appartement ni la vie . Je me rends compte qu’il faut souffrir pour prendre ce genre de décision . Il ne suffit pas de l’ imaginer et de le vouloir . C’ est une leçon de vie . Je pense néanmoins qu’il est important d’ avoir la clé des champs lorsque la vie ne ressemble plus à la Vie . C’ est sûr : la vieillesse nous oblige à nous repenser , à renoncer à la séduction , à faire un pacte honorable avec la solitude ( citation de Garcia Marquez ) à réduire considérablement ses dépenses , à ne plus trop faire la fête . Mais on peut encore militer . J’ ai la chance de parler et d’ écrire en plusieurs langues . Insister pour que cette liberté pour laquelle je me suis battue soit accessible aux autres , à ceux qui souffrent en silence et ne savent pas s’ exprimer . La loi est en train de changer en Italie . Presque tous les pays européens sont en faveur de laisser les patients faire leurs propres choix à la fin de leurs vies . Je suis le meilleur exemple qu’il n’ y a pas de dérives . L’ être humain s’ accroche à la vie aussi longtemps qu’il le peut , même quand il a accès à une mort douce . C’ est partout la même chose . Je m’ étonnais de voir tellement de vieux militer pour le suicide de bilan en Suisse . Eh bien , voilà , l’ expérience me le fait comprendre : aucun mortel ne se résigne de gaîté de coeur à mourir , pas plus qu’une femme ne se résigne de gaîté de coeur à pratiquer une IVG .

Peut- être que je déciderai de prendre mon baluchon et que je partirai quand je n’ aurai plus goût à rien et que mon corps ne m’ obéira plus . En attendant , je me balade en regardant les feuilles jaunissantes sur les gazons épars ( citation de Lamartine )

Jacqueline Jencquel

Jacqueline Jencquel est née en 1943 à Tien-Tsin en Chine. Elle milite pour le droit de mourir dans la dignité, notamment au sein de l’ADMD France. Dans ce cadre, elle a accompagné des dizaines de Français en Suisse pour leur permettre d’obtenir un suicide assisté. Dans ce blog elle évoquera l’expérience d’une vie entre plusieurs continents ainsi que le quotidien de son combat.

53 réponses à “Le mois de septembre

  1. Il faut décidément un grand désespoir et un immense dégoût de la vie pour lui préférer le néant. Et ce n’est probablement que lorsque vivre devient une souffrance physique intolérable et un délabrement des organes avilissant qu’on peut lui préférer une mort salvatrice. Même triste, même seul il est des minutes de soleil et d’air pur, d’une rose éclose le matin-même ou du gazouillis d’un bel enfant pour vous réconcilier avec l’existence.

    1. C’ est qu’on s’ adapte et ce qui me semblait impensable il y a trois ans , j’ ai fini par l’ accepter 😏

    2. Oui on peut profiter des petits oiseaux et du soleil mais quand on est incontinent, qu’ on ne voit plus où qu’ on n entend plus je ne vois pas le plaisir, en plus toutes les douleurs . Tout ça est fréquent

      1. … Et attendre dans un fauteuil, toute la
        journée, ne voyant plus et n’entendant
        presque plus, ce qui affecte les facultés cérébrales, même chez soi, c’est attendre la mort stoïquement sans même savoir si elle sera douce et non
        douloureuse… Cela a été la vie des trois dernières années de ma mère qui est décédée (chez elle) à 101 ans. Voilà pourquoi il faut une loi pour tous types de fin de vie, pas seulement pour les maladies incurables. Le porte-parole du Président parle d’une loi pour les maladies incurables, ce n’est pas
        suffisant, ceux qui le souhaitent devraient pouvoir bénéficier d’une
        mort douce et non douloureuse.

        1. Point de vue partagé.
          L ‘ ADMD communique, mais se heurte aux
          lobbys bien connus.
          L ‘ Exécutif s ‘ honorerait de laisser ce libre choix, en depénalisant, à défaut d’ une loi.
          Qui a la puissance de Mme Simone WEIL ???

          1. Elle était soutenue par le Président Chirac qui l’avait nommée Ministre de la Santé. Dans l’hémicycle, c’est vrai,
            elle n’a pas flanché !
            Je crois que le gouvernement est mûr maintenant pour
            agir…

          2. Bien sûr Jacqueline, je rends hommage à Simone Weill et aussi au Président
            de cette époque qui lui a demandé de
            porter la loi 🙌
            Si je dis que le gouvernement est
            prêt à discuter (son porte parole
            l’a dit), c’est moins sûr qu’il laisse les
            300 députés déposer leur projet de loi à la prochaine cession. L’union fait
            la force et nous ne sommes plus
            à l’époque où une seule personne
            pouvait incarner une lutte parlementaire… Mais Simone Weil
            est une héroïne ❤️🙏

          3. Nous sommes dans une époque bizarre dans laquelle la raison fait place à toutes sortes d’ idéologies bizarres et presque plus personne ne songe aux libertés si dûrement acquises . Kouchner aurait pu légaliser l’ euthanasie et le suicide assisté lorsqu’il était ministre de la Santé . Il avait l’ intelligence mais pas le courage .Et Mitterand n’ était pas Chirac .

          4. Qu ‘ enlèverait une loi / aide active à partir, aux Parlementaires ? : des électeurs ? donc
            députés non réélus ? : au contraire, tous les Français, toutes tendances politiques, veulent une loi, sauf certains, bien identifiés.
            La Présidence s’ en trouverait magnifiée.
            Actuellement, il y a ceux qui ont accès aux réseaux,…et les autres. Égalité ??????????

          5. Aucune égalité . Je suis bien d’ accord . Nos animaux domestiques ont droit à une mort rapide et douce . Et nous ? Il nous faut assister à notre propre déchéance ou aller en Suisse . C’ est absurde et injuste .

  2. Bonjour Jacqueline,
    Tout ceci est bien humain et très
    compréhensible ! C’est la normalité,
    la logique, quoi ! Et j’en suis bien
    heureuse pour vous ! Toutefois je
    ne comprends pas, il faut un préavis
    pour l’appartement de Paris, et vous
    pouvez continuer à y vivre malgré
    tout ? Si vous pouvez, tant mieux !
    Je vous embrasse,
    Laure

    1. La propriétaire de cet appartement et sa fille sont mes amies et acceptent tous mes revirements avec humour et bonté

  3. Chère Jacqueline,
    Comment vous dire ? Moi qui suis un homme de maisons, qui porte un nom de territoire et qui ne possède ni l’un ni l’autre et qui rêve de je ne sais quelle masure quelque part dans le monde. Je comprends ô combien c’est difficile de quitter un espace, un lieu où l’on se sent chez soi. Bien des drames ont lieu dans les familles à commencer par la mienne, lorsqu’il faut placer un parent dans une maison spécialisée.
    Une de mes cousines plus âgée que moi de vingt ans mon aîné a vendu sa maison magnifique, une demeure, comme on en voit peu, en pleine campagne. Mais elle sent justement cette baisse et la perspective de ne plus être tout à fait autonome et même si elle vit seule depuis vingt ans puisque son mari a été emporté à la cinquantaine par une tumeur au cerveau, elle a pris la décision incroyable de vendre son habitation et d’investir dans un appartement avec ascenseur en centre ville. Ca m’épate. Je trouve qu’il faut un courage incroyable pour prendre ce type de décision. Une lucidité redoutable. Comme la vôtre. J’en serais incapable. Je suis trop attaché aux lieux justement, même si l’existence nous enseigne à nous libérer peu à peu de nos contraintes. C’est un long cheminement.
    Bien à vous,
    Emmanuel

  4. Un bonjour très amical à vous Jacqueline.
    Je suis votre parcours depuis une vidéo que j’avais visionnée où vous expliquiez votre décision.
    Nous sommes à peu près du même âge : j’ai eu 74 ans en avril dernier.
    Je souhaiterais également tirer ma révérence tant que je suis encore “présentable” avant la déchéance physique et mentale.
    Est-ce possible d’avoir un contact pour obtenir des renseignements chiffrés sur ce qu’il faut envisager pour être prise en charge en Belgique ou en Suisse ?
    Je bute sur ces informations car je ne sais pas à qui demander.
    J’échangerais avec plaisir avec vous sur votre vie actuelle ou autre.
    Bien amicalement, Joële

    1. Je vous répondrai par mail , car je ne peux pas vraiment faire de la promo sur ce blog .

        1. Pas compliqué : L’ ADMD ( association pour le droit de mourir dans la dignité ) vous donnera tous les renseignements sur la Suisse et la Belgique .

          1. J ai 70 ans je vais contacter mourir dans la dignité pour dans 10 ans mais les hôpitaux en tiennent ils compte?

  5. bonjour Madame, Après des mois de silence, j’avais eu une pensée pour vous … me demandant si vous aviez finalement opté pour un départ anticipé et donc lu avec intérêt votre précédent message : la naissance d’un petit fils vous a redonné l’envie de vous attarder et c’est bien. Si je suis, comme mon mari l’était, pour que chacun ait le droit de faire respecter son choix, sa décision de pouvoir mourir lorsque la maladie, la dépendance nous rendent la vie insupportable. Il est nécessaire que nous tentions tous de faire entendre notre choix et obtenions ce droit. Je suis toujours heureuse de vous lire. Meilleures pensées. rdb

  6. Je vous remercie pour vos écritures. Vous êtes une femme remarquable, intelligente et instruite et encore très belle. Nous avons besoin de votre soutien. Je vous souhaite une agréable journée et de profiter
    de la vie…

  7. Chère Jacqueline,

    Tu as tout à fait raison et je partage ton sentiment. Mais, toi comme moi, avons la chance de pouvoir partir à l’étranger “le jour où”, ce qui est malheureusement impossible à bon nombre de nos compatriotes. Continuons donc de nous battre pour que ce droit à demander une mort digne et choisie devienne une réalité !

  8. Vous pouvez toujours aller voir ce qu’est devenu Tianjin à l’issue de la pandémie, si vous n’en avez pas encore eu l’occasion.

    1. Non merci . Je ne suis plus jamais retournée en Chine . Je préfère en garder les bons souvenirs – ceux de mon enfance . Je suis aussi consciente que les Chinois vont beaucoup mieux qu’à cette époque-là , mais je ne suis pas chinoise et je n’aime pas les révolutions . Trop vieille pour changer 😏

  9. Contente que vous continuiez de vous battre, pour vous, pour votre famille et vos amis, pour nous!
    Il sera bien temps de partir quand vous jugerez que la vie n’a plus aucun intérêt, vous serez prête.
    J’aimerais qu’il en soit de même pour moi plus tard…
    En attendant, je suis bien contente de vous lire et j’espère recevoir des messages encore longtemps!

  10. Dans ce mail, Mme Jenckel, figurent certaines redites, mais / et vous avez raison : le droit à partir devrait ENFIN !!!!! devenir INALIÉNABLE.
    Le reste de vos propos est également excellent : trop long à détailler.
    Bravo.
    Respectueuses salutations.

  11. Bonjour Jacqueline.
    Je suis heureux d’apprendre que vous avez postposé votre projet et je vous en remercie au nom de tous ceux qui ont besoin de vous lire pour garder le courage.

    J’ai 73 ans et j’ai le même projet que vous mais je n’ai pas décidé d’une date. Chimiste de formation je me suis préparé le nécessaire à utiliser un jour, le plus tard possible, où mes conditions de vie me l’imposeront.
    J’ai toujours voyagé seul pour n’importuner personne et c’est seul également que j’effectuerai mon aller simple vers l’au-delà.

    1. Je ne vous le conseille pas . Vous pouvez vous rater . Espérons que d’ ici là , la France aura suivi l’ exemple des autres pays européens en autorisant le suicide médicalement assisté . Il suffit de décriminaliser les médecins prêts à accompagner leurs patients jusqu’au bout.Tout de même pas sorcier !!

  12. j’ai été ce qu’on appelle “une belle femme” La vieillesse m’a apporté beaucoup de liberté…Débarrassée des regards inquisiteurs, des rivalités et des “évaluations”… Je me sentais comme une cible. A présent je suis devenue complètement transparente. Quelle liberté ! Je regarde mon corps se délabrer avec le temps avec humour et tendresse. Mes plaisirs ont également changés. Pleins de petits bonheurs à petite dose, c’est ce qui rempli ma vie à présent… J’aime ma vie, j’aime vivre. Jeune je regardais ces “vieux” taper les cartes au bistrot. Je me disais qu’il faudrait que je décède avant d’en arriver à “ça”…Il m’a fallu 50 ans pour comprendre que ces gens avaient sans doute plus de plaisir à s’adonner à cette activité que moi dans ce que je vivais à ce moment là… Etre jeune n’est pas non plus une évidence. Je crois que dans mon cas, le fait d’accepter les changements qui découlent de l’âge m’aident à vivre pleinement chaque période de ma vie. Ne pas regarder ce que je ne peux plus faire, ou n’ai plus envie, mais ce que je vais faire. Et le faire. Je suis heureuse de votre décision de vivre. Je pense que vous aviez un ( petit) pas à faire en avant, et qu’il est à présent fait… Continuez à militer pour une fin de vie digne, pour vous, pour moi et pour tous les autres. Merci….

    1. Vous avez atteint la sagesse . Je vais finir par y arriver aussi – je l’ espère en tous cas . Je souffre encore un peu de ne plus faire partie du monde des «  actifs « 
      mais j’ aime mes petits- enfants et je suis reconnaissante de pouvoir les voir grandir – même de loin .

      1. Toutefois c’est plus facile d’atteindre la sagesse, comme vous dites, pour moi qui ai eu une vie très classique, quelque fois monotone plutôt que pour une femme ayant eu votre chemin de vie. Vous avez beaucoup plus de choses à transformer. Plus on a vécu intensément, plus c’est difficile à accepter de devoir lever le pied.. Je comprends totalement votre frustration, vos doutes.

        1. Bon, mais je ne suis pas non plus à plaindre . Je suis libre et confortable . Mieux que la plus grande partie de la population mondiale . Voilà pourquoi j’ attache de l’ importance à ces échanges car même une contribution infime , c’ est mieux que pas de contribution du tout .

  13. Entièrement d’accord avec vos propos…
    C’est comme cela que je conçois la vie et sa fin, entouré de ceux que l’on aime.
    BRAVO…

  14. C’est exactement ce que je ressens actuellement. Mais, comme tu le dis, je n’ai pas cette possibilité!
    Je continue à militer, mais j’ai l’impression que c’est pour rien !

    1. Ne te décourage pas . La loi finira par changer en France . Ils ne peuvent pas indéfiniment faire la politique de l’ autruche . D’ autres prendront le relais :plus courageux , plus humanistes , plus intelligents .

  15. L’un de vos plus beaux textes . L’important est en effet d’avoir l’option de partir quand on veut, et de la garder en réserve. Cette option libère l’esprit! – esprit qui peut ensuite vaquer à autre chose, comme par exemple apprécier la vie, et même, pourquoi pas, apprécier vieillir, même si ce n’est pas toujours une mince tâche dans ce monde obsédé par la jeunesse… (jeunesse qui ne rime d’ailleurs pas toujours avec santé, ce qui est l’ultime injustice en notre bas monde mais cela, c’est une autre histoire).

  16. Il vous est donc possible de profiter encore de la vie, ce revirement ne remet pas pour autant en question le travail que vous avez mené toutes ces années dans le cadre du choix libre de sa fin.

    Donnez-vous le droit de prendre maintenant des vacances, ce serait humain aussi, afin d’avoir pour vous le temps qui reste, comme toute personne qui a accompli quelque chose de positif. Vous ne me donnez pas l’impression que vous profiterez de cette nouvelle liberté assise dans un confortable fauteuil. Je me souviens d’un beau récit, le jour où vous aviez rencontré dans une forêt la propriétaire du domaine qui promenait ses chiens… Durant la période où vous nous faisiez part de votre intention de vous en aller, vous nous avez transmis tant de vie, c’est une bonne nouvelle que ce ne soit pas trop tôt perdu.

    1. Contente que tu sois encore en vie! Ta mission sur terre n’est pas terminée !
      Profite, profite de la vie ! Fais le bonheur autour de toi et tu en recevras beaucoup plus! Tu penseras moins à la mort mais plus à la vie!

      Bisous

  17. Salut Jacqueline,
    Changer d’avis est encore heureux un droit. Super! C’est signe que cela va bien dans l’ensemble pour toi.
    Mais vrai aussi, le fait de savoir qu’on a la possibilité d’avoir une bonne aide, au cas où notre petit bonheur partirait en vrille, ça doit aider. Juste un petit hic dans ta tirade, pour moi vieillir ne veut pas forcément dire renoncer à la séduction. Mon amoureux préféré depuis bientôt 20 ans, est aujourd’hui âgé de 82 ans passé, et son âge nous fait bien rire. Sans souffrances intraitables on peut être amoureux très vieux.
    Merci pour tout ce que tu as fait en tout cas pour faire reculer le sapristi de tabou. 😉 😉 😉

  18. Droit à mourir dans la dignité devrait être la suite logique au droit à vivre dans la dignité à mon sens. Et la mort comme la vie,la fin comme le commencement sont autant de combats à livrer pour chacun. Ainsi une vie réussie est liée à une fin digne. Au fil des ans qui passent,on se rend compte du peu de liberté que le législateur accorde à la personne humaine parce qu’il ne voit qu’en cette dernière,un matricule doté d’un porte-monnaie dans lequel,il s’est attribué le droit de prendre ce qu’il veut ou presque. Si la vie est “encadrée”,la mort est “cadenassée”. Morts ou vivants,nous ne sommes que des montants à régler. Heureusement,notre parcours philosophique de vie échappe à ces actes mercantiles. La machine nous broie mais notre conscience nous évite cette folie. La vie est un cadeau et l’air que nous respirons est gratuit. Tant que l’on peut décider et agir,on reste digne. À vous lire encore….

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