«  Si Pierre Beck avait été acquitté , il aurait fallu changer la loi en Suisse

De quelle loi parlons- nous ? De la loi suisse sur l’assistance au suicide . Et qui a affirmé qu’il aurait fallu la changer si Pierre Beck avait été acquitté ? Le co- président d’Exit Suisse Romande , Jean- Jacques Bise . Comme il est juriste , je me sens obligée de réfléchir à cette phrase qu’ il a prononcée devant un journaliste de La Tribune après la sentence du TF qui renvoie Pierre Beck au tribunal cantonal de Genève tout en l’acquittant de l’accusation la plus grave , celle d’homicide . Rappelons- nous les faits : de quel crime est accusé le docteur Pierre Beck , qui était aussi vice- président de Exit ? Il a aidé un couple d’ octogénaires à mourir ensemble . Le mari a une maladie grave et incurable . La femme souffre de polypathologies liées à son âge – 86 ans . Elle n’en fait pas état , car sa motivation principale est d’accompagner son mari dans la mort . Ils sont mariés depuis 60 ans et elle ne se voit pas lui survivre . Le docteur Beck leur prescrit le médicament à tous les deux – ce que j’aurais fait aussi à sa place ( je ne suis pas médecin , donc je n’aurais pas pu le faire ) mais qui sommes-nous pour juger ? Et en quoi ce médecin courageux et humaniste aurait- il enfreint la loi suisse ? Il ne l’a pas fait pour des motifs égoïstes et la dame était lucide et capable de discernement . C’ est tout ce que demande la loi . Alors ? Exit a décidé d’inventer ses propres règles : il faut prouver qu’on est atteint d’une maladie incurable avec des souffrances intolérables pour avoir droit à un suicide assisté , même quand on est vieux . L’âge moyen en bonne santé est 63 ans , même en Suisse . Cette dame en avait 86 . Comment imaginer et oser dire et écrire qu’elle était en parfaite santé ? Juste parce qu’on ne se plaint pas de l’arthrite , de l’arthrose , de l’ ostéoporose ou même de l’anhédonisme qui accompagnent le grand âge , cela ne signifie pas qu’on n’en souffre pas . Je suis bien placée pour le savoir avec mes 78 ans accomplis . On s’accroche à la vie – même nous , les vieux – et il faut avoir du courage et de bonnes raisons qui nous sont propres à chacun de nous pour vouloir la quitter , la vie . Le médecin a agi avec humanisme et empathie . Lorsque je suis arrivée du Vénézuéla en 2006 et que j’ai assisté à ma première AG d’ exit Suisse Alémanique , j’y ai rencontré des personnes de la qualité d’ un Werner Kriesi , d’un Hans Wehrli , d’ une Elke Baezner , d’ un docteur en droit de St Gall , Petermann , si je me souviens , qui avait écrit tout un livre sur le Natrium de Pentobarbital . Plus tard , j’ai fait la connaissance d’ un Jérôme Sobel à Lausanne . Tous des battants . Tous se battaient pour l’ autodétermination des patients à la fin de leurs vies . J’ étais impressionnée et admirative et j’espérais que la France et que l’Allemagne allaient emboîter le pas aux Suisses . Eh bien , force est de constater que c’est l’Allemagne qui a fait le choix de légiférer en février 2020 à Karlsruhe et que la France reste immobile . Les associations suisses ? Mais que font- elles ? Elles ne veulent plus se battre et ne sont pas solidaires d’un des leurs , le docteur Pierre Beck , dernier vestige d’une époque révolue ? Avons- nous vraiment changé d’époque ? Simone de Beauvoir avait prévenu les femmes : «  soyez toujours sur vos gardes , car vos libertés ne seront jamais acquises « 

En va-t- il ainsi du droit à l’autodétermination de personnes âgées qui ne veulent pas prolonger leur vieillesse ? Allons- nous condamner et / ou intimider les médecins humanistes et bienveillants , qui sont prêts à nous aider ? Réveillons- nous avant qu’il ne soit trop tard .

Jacqueline Jencquel

Jacqueline Jencquel est née en 1943 à Tien-Tsin en Chine. Elle milite pour le droit de mourir dans la dignité, notamment au sein de l’ADMD France. Dans ce cadre, elle a accompagné des dizaines de Français en Suisse pour leur permettre d’obtenir un suicide assisté. Dans ce blog elle évoquera l’expérience d’une vie entre plusieurs continents ainsi que le quotidien de son combat.

51 réponses à “«  Si Pierre Beck avait été acquitté , il aurait fallu changer la loi en Suisse

  1. 1.
    L’arrêt du TF n’est pas encore publié, seul un communiqué de presse.

    https://www.bger.ch/files/live/sites/bger/files/pdf/fr/6b_0646_2020_yyyy_mm_dd_T_f_13_32_27.pdf

    2.
    Il n’existe pas de loi (fédérale) en Suisse sur l’assistance au suicide, même si certaines réglémentations cantonales s’y rapprochent.

    3.
    Le TF ne devait juger pas l’assistance au suicide, mais si le médecin a violé la loi sur les produits thérapeutiques en prescrivant du pentobarbital à une personne qui n’en avait pas besoin à des fins thérapeutuques (p. ex. pour abroger des souffrances physiques ou psychiques).

    Le TF a dit non. Donc pas de violation de cette loi.
    J’attends l’arrêt pour en connaître les motifs.

    4.
    Le TF renvoie la cause au tribunal genevois pour examiner la loi sur les produits stupéfiants. Le problème est de savoir si l’acte d’accusation permet cette requalification juridique.

    5.
    Cet arrêt ne porte donc pas sur l’assistance au suicide, mais sur les produits qui peuvent être utilisés dans ce but. Et, surtout, sur la réglementation de ces produits.

    A mon avis: vous n’êtes pas objective dans votre critique de cet arrêt. Peut-être que vous auriez dû attendre sa rédaction et le lire 😁

    1. Vous avez raison . Je réagis au quart de tour car je suis indignée qu’aucun geste de solidarité de la part de Exit n’ait eu lieu pour soutenir Pierre Beck .

      1. Il faut bien comprendre.
        Un encadrement éthique et déontologique est nécessaire. Il n’est pas possible de laisser un médecin seul à sa conscience et décider selon ses propres critères comment réagir à la détresse d’une fin de vie.

        Nous sommes une société civilisée, nous avons besoin de discuter de ce qui est bien et mal; et de nous entendre collectivement sur les moyens. On le voit avec la Covid, des années d’étude ne préservent pas les médecins de leur humanité, avec ses forces et ses faiblesses.

        1. Mais la loi fédérale a encadré les demandes de suicide depuis de nombreuses années : elle est très claire : pas de motif égoïste de la part de celui qui aide – toujours un médecin , car c’est lui qui prescrit le pentobarbital . Et l’assurance que le patient est lucide et capable de discernement , ce que le médecin traitant est plus à même d’évaluer qu’ un psychiatre qui ne connaît pas le patient . Il n’y a jamais eu de dérives en Suisse , pour la bonne raison que personne ne va aider une personne qui est déprimée pour des raisons circonstancielles . Il ne s’agit pas de distribuer le médicament à n’importe qui . Par contre , la souffrance de la vieillesse avec son cortège de polypathologies et le sentiment de solitude que peut éprouver une femme de 86 ans après avoir perdu son conjoint de toute la vie sont indiscutables. Ce procès contre le docteur Beck n’avait pas lieu d’être .

          1. Il y a eu de nombreux “anges de la mort” qui ont tué en Suisse, pas épargné des souffrances.

            “la loi fédérale a encadré les demandes de suicide depuis de nombreuses années”

            Cette loi n’existe pas.

            Vous parlez du code pénal.

            Art. 114 CP
            Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le sui­cide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

            https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/54/757_781_799/fr#art_114

            C’est précisément parce que cette disposition réglemente les abus, mais pas comment pratiquer l’assistance, qu’il est indispensable que les médecins s’autoréglementent. A ce défaut, il y aura des abus et la politique devra édicter une loi (je le rappelle, qui n’existe pas encore). Et nul ne sait ce que contiendra cette loi, qui découlera d’équilibres politiques.

          2. Qui sont ces «  anges de la mort « ?
            Je n’en connais pas . Il n’y a jamais eu d’abus ni de dérives en Suisse . La loi est bien comme elle est – ce n’est pas une absence de loi . Elle laisse la liberté aux médecins et/ ou aux accompagnants d’Exit de décider en leur âme et conscience après avoir longuement écouté les patients ( j’exclus les maladies neurodégénératives et les cancers métastasés , qui demandent une aide immédiate, sans réflexion )

          3. Le Lucernois était fou . Je suis d’accord . Je ne savais pas que le docteur Beck avait recherché ce procès pour faire évoluer la loi . Si c’est le cas , j’espère que la loi évoluera dans le bon sens : reconnaissance officielle du suicide de bilan de personnes âgées .

      2. Tant mieux si vous êtes encore en vie….mais vous n’avez plus de ..crédibilité à mes yeux.
        Vous avez joué avec mes émotions….en vous prenant pour Dieu.
        Vous n’avez PAS décidé du Jour de votre Naissance. Pourquoi décider du jour de votre Mort….
        Seul Dieu le peut, chère Madame. Sinon, c’est en Enfer que vous irez. Avec l’ennemi de Dieu…et de la Vie.

      3. Queridísima Jacquie-
        Eres la mujer más honesta y real que haya conocido jamas- siento mucho tu partida. Pensé que estaba preparada para ella. Me quedo llena de tu sabiduría, ternura y tu poesía. Siento profundo respeto por ti, hemos celebrado tu partida porque sabemos que querías cerrar tu ciclo. Nunca has dejado de caminar a mi lado. Mis sinceras condolencias para Julián, Tuki, Maxi y Jurgen- los voy a querer doble, por ti y por mi. Viaja feliz. No me desampares. Te abrazo.

  2. Jacqueline je suis tout à fait d’accord avec toi…mais il ne faut pas oublier que les médecins sont des humains qui, comme nous, ont peur des tribunaux. Il est donc évident que tous ne se sentiront pas capables de répondre à la demande de certaines femmes et hommes…

    1. On ne demande pas à tous d’en être capables , mais de ne pas traîner un médecin comme Pierre Beck devant les tribunaux . Ce ne sont pas des associations privées qui doivent faire la loi . Il suffit d’avoir du bon sens pour comprendre que Pierre Beck n’a pas enfreint la loi .

  3. Comment peut-on considérer “en bonne santé” ,une femme de cet age pour qui la perte de son mari rendra la survie à son compagnon d’une vie abominable, en plus des pbs liés à l’age. Car, comme vous dites, qui est “en bonne santé” à cet âge ? Faut-il qu’elle en arrive à une souffrance morale dingue pour que l’ensemble de sa souffrance soit reconnue ?
    a travers cette judiciarisation d’une aide bienveillante pour éviter à une femme de devoir opter pour se suicider elle-même (avec tous les risques de ratage que cela comporte) on mesure le chemin qu’il reste à faire. je comprends mieux aussi pourquoi ce qui est PRIORITAIRE pour une asso suisse est “protéger nos médecins, avant tout protéger nos médecins”. (Je précise que je sais de quoi je parle, ayant fait moi même une demande d’aide à partir avant de renoncer face à la hauteur des expertises demandées …justement pour que la protection des médecins soit en béton).

    1. En fait , les associations ne sont plus militantes . Elles administrent des dossiers et ne veulent surtout pas de problèmes avec les institutions , comme l’Association suisse des médecins , qui est privée , elle aussi ( comme l’Ordre des Médecins en France )

    2. Ce ne sont pas les tribunaux qui la décrivent comme en “bonne santé”, mais le médecin qui a expliqué son acte ainsi. C’est donc le médecin qui a consciemment décrit la personne comme “en bonne santé” pour faire évoluer la jurisprudence.

      Les tribunaux n’avaient donc d’autres choix que de se prononcer sur la situation d’une personne présentée par le médecin comme en bonne santé, mais qui lui a néanmoins prescrit un traitement médical pour mettre fin à ses jours.

      Est-ce qu’un médecin peut prescrire un traitement médical à une personne qu’il estime en “bonne santé” pour mettre fin à ses jours. Voilà la question que le médecin a choisi comme axe de défense, en répondant oui parce qu’elle ne souhaitait pas survivre à son mari.

      Extraits du jugement cantonal:

      “En l’absence de diagnostic médical, A______ avait uniquement pris en considération sa très importante souffrance existentielle liée au fait qu’elle ne supporterait pas d’être veuve après avoir partagé 65 ans de vie avec son mari. Elle ne présentait aucune maladie psychique ou psychiatrique. Dans son esprit, ni l’âge ni le deuil n’étaient des maladies et la souffrance importante de la défunte n’en constituait pas une. L’on ne pouvait pas faire de différence nette entre la souffrance liée à la perspective d’un deuil et celle liée au deuil lui-même, une fois celui-ci intervenu. Ces deux souffrances pouvaient être de même intensité et appeler le même respect de la part du médecin.

      C______ avait expliqué qu’en cas de refus de B______ de l’accompagner, elle se suiciderait en se jetant depuis les remparts de la ville. Il s’était retrouvé dans une situation de nécessité. La défunte n’étant pas instable psychologiquement, il n’y avait pas de doute qu’elle aurait réussi à se suicider.

      ….

      Il avait atteint un moment dans sa carrière où il devait aider des gens qui n’en pouvaient plus d’une vie devenue insupportable, que ce soit en raison d’une maladie, de souffrances physiques ou existentielles ou de gens qui allaient se retrouver seuls et ne le voulaient pas. Son objectif était que chaque personne puisse mourir quand, où et comme elle le voulait et que les personnes capables de discernement, souhaitant mettre un terme à leur existence devenue insupportable, puissent le faire.”

      Source: jugement cantonal

      https://justice.ge.ch/apps/decis/fr/parp/show/2370633

      1. Mais il a raison de juger que les souffrances de cette dame dans sa situation étaient pires qu’une maladie somatique liée à l’âge et à 86 ans , elle devait en avoir des polypathologies invalidantes .

        Moi , je n’ai pas jugé nécessaire non plus de raconter mes pathologies , d’où j’ai été décrite comme une vieille en pleine santé . Ce que nous essayons de faire accepter , c’est que la vieillesse est souvent une source de souffrance . Le sentiment de solitude et d’abandon , en plus des articulations douloureuses etc .. on est devenu un spectateur de la vie des autres . Insupportable pour ceux d’entre nous qui avons aimé la Vie. Il faut pouvoir en parler à des médecins compréhensifs . Parfois on retrouve goût à la vie pour quelques jours ou quelques semaines . C’est du cas par cas . Il ne faut pas exiger une maladie grave avec des douleurs insupportables pour avoir le droit de mourir . Au nom de quoi formuler de telles exigences ? C’est absurde .

        1. “Au nom de quoi formuler de telles exigences ?”

          Le tribunal devra dire si on peut l’exiger d’un médecin pour (1) prescrire un traitement médical (2) sans justification médicale.

          Je n’aimerais personnellement pas vivre dans une société où vieillir deviendrait une raison de se voir prescrire par un médecin un “médicament” pour mourir.

          1. Mais moi , non plus . Je ne pense en aucun cas obliger un médecin à prescrire le barbiturique parce qu’une personne est vieille . Mais il y a une différence entre obliger et interdire . Il faut laisser ce choix au médecin et surtout au patient .

          2. Et pour que le choix du médecin soit éclairé, il faut qu’il puisse s’appuyer sur des directives éthiques et multidisciplinaires édictées par tous les médecins.

            😇

            La crise de la covid nous a montré qu’un médecin, seul, pouvait se tromper ou se laisser guider par d’autres considérations que celles médicales. Primum non nocere.

            CQFD.
            Très belle après-midi à vous.

          3. Non, car on ne peut pas exiger d’un patient qu’il ait une maladie incurable ni des souffrances intolérables pour avoir droit à une mort douce s’il est vieux . L’Académie des Sciences Médicales est en désaccord là dessus avec la Fédération des Médecins suisses . La décision revient au patient éclairé qui sait bien argumenter son choix . C’est une décision philosophique , pas une décidion médicale .

          4. “C’est une décision philosophique , pas une décision médicale.”

            D’où l’examen par la justice des règles sur la prescription d’un traitement thérapeutique (respectivement de la loi sur les stupéfiants).

            Je crois que vous serez d’accord avec l’arrêt du TF, lorsqu’il sera publié, vu votre dernier message.

  4. Il me semble que vous tirez un peu trop la corde du côté de l’avis qu’à partir d’un certain âge il est évident qu’une personne souffre dans sa vie, et que si elle demande à s’en aller les qualités d’humanisme et d’empathie devraient permettre de comprendre la situation. Ces deux capacités sont souhaitables chez tous les médecins, infirmières, et autres personnes appelées à guérir ou soutenir, ou exerçant une influence lors de discussions menant à des décisions déjà bien avant les situations de fin de vie. Laisser agir trop librement des soignants qui prennent de décisions de manière indépendante, avec tous les bons sentiments qu’on ne leur nie pas, peut avoir de tristes conséquences. Vous pensez aux personnes souffrantes que l’on retient contre leur gré dans la vie. Pensez aussi à celles qui se sentent en trop, se taisent, font le deuil du peu de plaisirs qui leur était encore accessible pour ne pas être une charge. On n’assure pas toujours à ces personnes qu’on les aidera jusqu’au bout si elles veulent rester à la maison, on leur répond plutôt que ce sera beaucoup mieux pour elles d’être en sécurité à l’EMS. Dans ce genre de situations, les bons sentiments se réclament du bon sens, alors qu’ils visent à la paix de l’entourage qui trouve confirmation à ses souhaits auprès de l’infirmière de liaison, après une hospitalisation pour une deuxième ou troisième chute à la maison… Pour sauver le col du fémur, on ôte la seule vie qui restait avec son chat, la vue sur la rue depuis la fenêtre, les enfants qui crient dans les corridors (pas agréable mais c’est bien vivant), les multiples objets exposés dans la chambre qui font signe à la mémoire… C’est ainsi qu’on tue une personne qui voulait vivre, pas moins triste que de retenir celle qui sait où elle veut aller pour ne plus avoir mal.

    J’approuve pleinement le travail que vous menez, moi-même ai été parmi les premiers membres d’Exit il y a plus de cinquante ans, bien qu’en bonne santé depuis toujours. Mais déjà j’avais assisté à des tristes scènes et voulais être solidaire. Mes parents pharmaciens étaient sensibles avant moi et m’apportaient assez tôt des échos de ce que vivaient certains de leurs clients. Ils ne voulaient pas s’inscrire à Exit comme moi, mais avaient déjà chacun leur potion prête le jour où… Ce jour n’est arrivé ni pour l’un, ni pour l’autre. Pour ma mère cela aurait pu être le contraire, tel que je l’ai exposé plus haut. Tout le monde voulait qu’elle quitte sa maison, pour que ce soit « mieux pour elle ». Elle faisait des chutes, vivait entre des piles de journaux, de magazines, de livres, des sculptures, des plantes vertes. Et si les plantes vertes allaient bien, elle aussi, à leur image, continuait à grandir même à 92 ans. Est-ce qu’elle souffrait ? Oui, physiquement, mais le plaisir d’être chez elle dans son atelier rempli d’idées était plus fort. Est-ce qu’elle était seule ? Oui, personne ne venait la trouver, mais elle rencontrait des amis qui quittaient la forêt pour venir grignoter à la fenêtre de la cuisine.

    C’était une vraie vie, jusqu’à ce que des imbéciles arrivent pour faire son bien, pendant deux ans j’ai dû les repousser, parmi eux des spécialistes qui tous étaient soucieux de sa santé : « Nous connaissons bien votre mère… » Ah oui ? Elle ne se souvenait pas d’eux, moi non plus, et pourtant ma mémoire n’avait pas 92 ans. Parmi ces personnes, une infirmière retraitée qui voulait racheter la maison, une amie d’une parente de ma famille qui était devenue tout d’un coup courtière en immobilier, mais aussi des vraies professionnelles du CMS qui établissaient leurs rapports : « Elle ne mange pas, les plateaux restent devant la porte ». Mes réponses leur semblaient irréelles : « Elle commande à Le-Shop, oui, figurez-vous qu’elle sait se servir d’un ordinateur ». Ou encore : « Elle n’était nulle part, c’est grave, on doit être averties ! » Et moi : « Elle n’était pas nulle part mais au volant de sa voiture pour aller faire un tour, oui elle conduit encore ! »

    Sa vie s’est arrêtée quand elle ne pouvait plus rester debout et qu’on l’a invitée à s’asseoir dans un confortable fauteuil à l’EMS. Ensuite on lui a souhaité 365 fois environ une belle journée, c’est de cela qu’elle est morte.

    Tout ceci pour dire qu’il existe un autre Exit, bien admis et légal, destiné aux personnes à qui l’on ôte le droit de rester là où elles peuvent encore vivre. Cela apporte une paix plus douce aux vivants.

    (À Mme Jenquel : si ce commentaire vous semble trop long ou éloigné du sujet, vous pouvez ne pas le publier).

    1. Votre témoignage est très juste . Ni trop long ni éloigné du sujet . C’ est justement cela , le sujet . Décider pour autrui . Ce que certains d’entre nous craignent plus que tout . Etre obligé de quitter sa maison pour un EMS ( Ehpad en France ) c’est un prolongement inutile de la vieillesse . Mais pour ceux d’entre nous qui font ce choix , sans y être poussés par qui que ce soit , il faut l’accepter . Pas facile de choisir la mort .Donc , on repousse souvent la décision .En même temps , c’est rassurant de savoir qu’on peut le faire . Il faut lever cet interdit qui est absurde .

    2. “(À Mme Jenquel : si ce commentaire vous semble trop long ou éloigné du sujet, vous pouvez ne pas le publier).”

      Et il met l’avertissement en toute fin de message 😅

      Je comprends la vie de votre mère. 💪

      1. Parmi vos seize commentaires qui se déploient dans la colonne, où se révéle votre nature méticuleuse et le fort désir d’instruire les lecteurs, il n’y en a qu’un qui manifeste de votre sensibilité pour le sujet débattu, les quatre lignes de votre réponse ci-dessus. Vous comprendrez que je n’estime pas inutile d’en parler puisque le seul raisonnement ne suffit pas à se faire des opinions sur les sérieuses questions posées.

        Le travail intellectuel que vous fournissez est sérieux, mais cela ne vous empêche pas d’avoir de l’humour quand vous avancez votre main pour me saluer tout en vous adressant aux personnes derrière vous : « Et il met… » Puis vous vous tournez vers moi pour me parler à la première personne : « Je comprends… »

        Non, vous ne comprenez rien, et c’est la raison pour laquelle vous parlez beaucoup sans rien entendre. Sauf dans la scène ci-dessus où vous faite une brève pause, mais je ne suis pas sûr que votre rire soit partagé. Enfin, ce qui compte peut-être aussi, c’est que vous parveniez à quitter le blog en vous sentant léger, donc pas besoin de vous montrer grand jusqu’au bout.

        1. Vous avez raison.

          Cher Dominic,
          Je comprends la vie de votre mère et son désir d’autonomie. Je regrette que notre société n’offre que des EMS comme porte de sortie, alors qu’on pourrait soutenir les familles pour prendre soin de leurs parents aimés.

          Vous ne m’aimez pas. C’est votre seul tort. Je suis une personne qui gagne à être connue 🤗 Déjà parce que je ne juge pas les gens, mais leurs mots et actions. La précision du choix des mots est importante, surtout lorsqu’on critique le système d’un pays. Et mon admiration pour le TF m’inclinera toujours à défendre notre Haute Cour, même par 17 messages.

          Passez une très belle semaine ! Cette semaine s’annonce fantastique 🎆🎆

          1. Possible que vous gagnez à être connu, mais si c’est pour vos qualités de jugement des mots et des actions cela ne suffit pas pour être aimé, et « mon seul tort » est de ne pas adhérer à ce qui vous procure amour-propre : la performance de savoir juger les mots justes et les bonnes actions, et vous renvoyer le reflet qui vous donnera le sentiment d’être apprécié : « Vos mots sont justes et vos actions profitables ».

          2. Cher Dominic,
            Je n’ai rien compris à votre message. Je n’ai pas répondu par “amour-propre”. D’ailleurs, il s’agit d’une bien étrange conclusion de votre part.

            Vous terminez par une citation ? ou une critique entre guillemets ? 🤔

          3. Pour résumer, cher (e) “Rouge” (vif ou vert) : tentez-vous de nous prouver
            que nombre de médecins aimeraient
            que cet Article 115 ne donne plus
            cette liberté aux citoyens ? Liberté
            qui est s’applique à l’ autodétermination des citoyens et à leur seule volonté ?
            Bien sûr, seuls les médecins en accord avec cette philosophie leur prescriront le produit létal. Il y a toujours des
            gens qui ne font pas confiance et qui
            veulent contrôler tout ! La liberté de
            conscience s’applique aussi aux médecins et ils ne sont pas obligés de
            prescrire le produit.
            Il y a également les soins pallatifs qui sont en embuscade pour prendre la place de l’option “suicide assisté”.
            Dans une interview suisse (avant un
            référendum si je me souviens bien),
            une dame, veuve de son mari décédé
            d’un cancer, affirmait qu’ils avaient
            écarté l’option “suicide assisté” mais
            qu’ils l’avaient ensuite regretté car
            cela a été opération sur opération,
            beaucoup de temps et de souffrance.
            Après coup, elle aurait préféré un
            suicide médicalement assisté pour
            son mari qui a beaucoup souffert et
            a eu de faux espoirs…
            Donc, pour résumer, le droit suisse est
            très différent du nôtre et nous ne
            sommes pas à égalité pour en discuter!
            Il me semble que vous êtes féru de
            droit (vous appartenez peut-être à cette corporation) d’où votre admiration pour la Haute Cour Suisse. J’ai regardé l’organigramme, c’est tout à fait particulier. De ce fait, je ne peux que parler sur le fond humain du sujet,
            ainsi que Dominic.

          4. PS : mon dernier commentaire fait
            plutôt suite aux échanges d’ordre juridique faits avec Rouge – il n’est pas dans l’ordre chronologique de sa date…

  5. Bonjour Jacqueline,
    L’Académie de Médecine Suisse a
    légiféré il y a deux ou trois ans sur
    les motifs du droit au suicide assisté
    en Suisse : ils ont parlé des souffrances
    intolérables sans en donner le degré,
    n’est-ce pas ? Ces souffrances devant
    être liées à une maladie, bien sûr.
    Il y a sûrement une marge d’évaluation
    possible pour chaque médecin, mais
    pour cela le dossier doit être bien
    rempli, et malheureusement la
    femme de ce grand malade avait un
    dossier qui ne mentionnait aucune
    maladie, les procureurs Suisses se sont
    servi de cela… Jean Jacques Bise est
    Président d’Exit Suisse Romande qui
    est sûrement moins tolérante (catholique) que la Suisse Alémanique
    (protestante). Celle-ci a des soins palliatifs moins développés donc accepte mieux le suicide assisté. Les deux associations Exit ne s’occupent que des citoyens suisses, les étrangers
    ont des associations dédiées (Dignitas
    etc…) Les Suisses ne paient presque
    rien à Exit à part leur cotisation alors
    que c’est très cher pour les étrangers
    qui recourent aux associations dédiés.
    Là je ne vous apprends rien !
    Je ne pense pas que Mr Bise peut
    changer la loi sur le suicide assisté qui
    est plébiscité par les Suisses par
    référendum. Les opposants à ce
    droit Suisse ont trouvé que l’Accademie
    de médecine avait été trop laxiste en
    ne donnant pas d’indication sur ce
    qui est dit “tolérerable”. Il y a tout
    de même une acceptation pour les
    gens très âgés comme pour ce
    scientifique australien de 104 ans
    non malade mais qui ne voulait plus
    vivre ! Bien sûr, je ne suggère pas
    qu’on attende un cancer salvateur ni
    l’âge de 104 ans, pour avoir droit à l’autodétermination dans notre vieillesse ! Nous voulons juste ne pas
    tomber dans la dépendance…
    Je souhaite au Docteur Pierre Beck
    qui s’est montré si humain, d’être
    complètement acquitté, ce serait bien
    pour la Suisse et pour sa noble cause.
    Pour ce qui concerne la France, nous
    sommes loin de ce genre de procès !
    L’autodétermination de cette femme
    de 86 ans qui se serait laisser dépérir
    après la mort de son mari doit être
    un vrai motif d’acquittement du
    Docteur Pierre Beck !
    Amicalement,
    Laure

    1. D’où croyez-vous qu’il existe en Suisse une “loi sur le suicide assisté” ??
      Quelle est l’origine de cette fakenews ?

      https://www.swissinfo.ch/fre/suicide-assist%C3%A9_pourquoi-la-suisse-ne-veut-pas-r%C3%A9glementer-l-aide-au-suicide/44818636

      Lire:
      15.11.2018 – COMMISSION DES AFFAIRES JURIDIQUES DU CONSEIL NATIONAL
      22.03.2018 – COMMISSION DES AFFAIRES JURIDIQUES DU CONSEIL DES ETATS
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20170315

      1. À Rouge :
        Je vous remercie de l’envoi des documents : en effet il n’y a pas de
        loi sur le suicide assisté en Suisse,
        juste l’article 115 du Code Pénal qui
        convient très bien aux Suisses qui ont
        voté par référendum contre une loi
        voulant encadrer cet article. Pour les Français les différences juridiques ne
        sont pas évidentes, il y a les règlements
        cantonaux et fédéraux, le droit Suisse
        est assez complexe…
        Jusqu’à présent cela se passait très bien, mais la société évoluant, certains veulent légiférer et ce pourrait être pour entraver le suicide assisté afin de le remplacer le plus souvent, par la possibilité de soins palliatifs. De
        plus, la Cour Européenne des Droits
        de l’Homme se mêle de ce qui ne
        devrait concerner que les Suisses.
        Il y a bien sûr des opposants en Suisse
        au suicide assisté qui est maintenant
        étendu aux polypathologies de la
        vieillesse.
        Dites moi, Rouge, êtes vous dans le
        camp des adversaires au suicide
        assisté ?

        1. “Dites moi, Rouge, êtes vous dans le
          camp des adversaires au suicide
          assisté ?”

          Je n’ai pas d’avis. Je pense que c’est une question intime. Si j’étais un adversaire je le dirais explicitement.

          Ma présence ici est due à ce titre:

          “Si P. B. avait été acquitté , il aurait fallu changer la loi en Suisse”

          Je trouve que le sujet est trop important pour publier sur le blog d’un journal à audience internationale des fakenews sur la Suisse. Il n’y a pas de loi, et le docteur n’était pas accusé de meurtre devant le tf…

          “aux Suisses qui ont
          voté par référendum contre une loi
          voulant encadrer cet article.”

          Fakenews.

          Le parlement fédéral n’a jamais voté en faveur d’une loi sur la question.

          Vous faites sans doute référence à une loi cantonale ou à une initiative populaire au niveau d’un canton, p. ex. Vaud ou Zurich.

      1. Ce ne sont pas des entités gouvernementales mais des associations privées .

        Faut- il changer la loi fédérale parce que des organisations privées le demandent ? Ce ne sera pas possible sans référendum . C‘est la population de la Suisse qui décidera dans ce cas .

        1. Le référendum, c’est pour contester une loi.

          Une initiative populaire, c’est pour proposer un article constitutionnel.

          En Suisse, on ne légifère pas sur tout. On laisse l’initiative privée s’autoréglementer.

          Les directives de l’ASSM (respectivement le code de déontologie des médecins) sont donc utilisées par les tribunaux pour définir ce qu’un médecin peut ou ne pas faire, lorsqu’il est accusé d’une infraction.

          Il n’y a pas de loi fédérale sur le sujet.

          1. D‘accord . Mais ce n‘est pas moi qui ai affirmé qu‘il faudrait changer la loi si le Dr Beck était acquitté !!!!

          2. À Rouge :
            J’ai lu votre document du code déontologique pour les professionnels
            de santé, document qui ressemble
            beaucoup à celui émis par la Société
            Savante de Soins Pallatifs française,
            qui fait “la loi” en France et empêche
            tout progrès pour la fin de vie médicament assistée, suicide assisté
            et/ou euthanasie.
            Votre code semble même plus rigide
            que le code français sur la sédation
            profonde et continue ; en France le
            “stop and go” ne se fait plus. La
            déshydratation en fin de vie ne devrait
            même pas être proposée car elle est
            douloureuse. Les soutiens psychologiques et spirituels existent
            aussi en France, ils servent à entourer
            la personne en fin de vie pour qu’elle
            accepte de vivre le plus longtemps
            possible, même si elle est dans un
            état désespéré (sic). D’ailleurs les
            services de soins pallatifs en France
            coûtent extrêmement chers aux
            hôpitaux car il faut une dizaine de
            personnes, psychologues inclus pour
            un tel service où tout est très codifié.
            Autant vous dire que je préfère de
            loin une possibilité d’un suicide assisté
            dans un cas de maladie grave et incurable plutôt qu’une avancée lente,
            contrôlée et sans doute douloureuse
            vers une mort annoncée. Heureusement, le code ne peut pas
            faire l’impasse sur l’article 115, même
            à l’hôpital, et si le malade a une
            équipe soignante compréhensive, il
            pourra obtenir le suicide assisté qui
            est autorisé en Suisse. Mais bien sûr
            il devra le vouloir beaucoup et ne pas
            en être dissuadé avant !
            Sans doute que ce code de déontologie
            n’a pas été adopté parce qu’il est trop
            contraignant. Quelle est votre position
            personnelle ?

          3. Si, vous êtes seule à l’écrire.

            L’article de la tribune citait :”il faudrait refaire une loi”.

            Refaire = Faire tout autrement/faire de nouveau.

            Refaire n’est pas changer (quelque chose qui n’existe pas).

          4. Alors là , franchement !!!!

            Il faudra vraiment me faire un cours de philologie : refaire une loi ou la changer ??? Vous n‘êtes pas sérieux ( ou sérieuse ) je ne sais pas qui vous êtes 🙄🙄

          5. En Suisse, refaire une loi = tout remettre à zéro et faire autrement. Il faudrait abroger le droit cantonal (ici genevois) pour légiférer au niveau fédéral. = créer une loi.

            Changer = modifier quelque chose qui existe.

            Pourquoi avoir modifié le verbe de la citation, si vous vouliez le citer ? et non pas changer le sens ?

          6. “le code ne peut pas
            faire l’impasse sur l’article 115,”

            L’art. 115 CP est le stade ultime où intervient la justice pénale.

            Le code de déontologie des médecins indique “l’intermédiaire”, soit ce qu’un médecin peut ou ne peut pas faire, au risque de perdre le droit d’exercer.

            La loi, en Suisse, n’est pas l’alpha et l’omega de ce qu’un citoyen raisonnable doit ou peut faire. Nous avons tous à coeur d’avoir une société qui répond à des normes sociales, éthiques… supérieures à ce que seul le code pénal réprime 😌😊

            C’est pour cela que notre législateur n’édicte pas autant de lois que celui de France 😏

          7. À Rouge :
            Merci pour votre envoi. Ceci va continuer en 2022, c’est en cours de
            discussion. Si j’ai bien compris les
            médecins ne veulent pas que le
            suicide assisté soit considéré comme
            un acte médical. Tout cela devient très
            complexe !
            Cordialement

  6. Parfait. Tout à fait d’accord avec vous Jacqueline. Continuez à nous faire du bien avec vos commentaires.
    Eugénie

    1. À Rouge :
      Je précise : dans le dernier bulletin du
      Médecin que vous m’avez envoyé
      il y a l’opinion d’un médecin, le Dr
      Epiney qui dit que pour lui, le suicide
      assisté n’est pas un acte médical, et
      une réponse du Docteur Pierre Beck
      qui dit que pour lui c’est un acte
      médical, etc… L’article vaut la peine
      d’être lu, le médecin garde sa liberté
      de conscience comme en France.
      J’espère toutefois que la Suisse réalise
      la chance qu’elle a d’avoir l’Article 115
      et que les Suisses le défendront quoi
      qu’il arrive !

      1. Le suicide médicalement assisté est évidemment un acte médical . La décision de mourir est la décision philosophique d‘un patient lucide et capable de discernement .Pour cela , il a besoin de l‘assistance d‘un médecin qui partage sa philosophie .

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