Chanter pour les vaches, encore ?

L’expression « vache à lait » prend tout son sens, dans l’émission de Temps présent diffusée jeudi passé et intitulée « Coop, Migros, les petits secrets de la grande distribution ».

Quand j’avais écrit dans un autre post que je chantais pour les vaches, je faisais référence à d’autres « vaches à lait ». Mais aujourd’hui, de vraies vaches me susurrent à l’oreille : « qu’est-ce que tu nous chantes-là, t’étais pas au courant (…) ?! ».

La charrue avant les vaches

C’est bien connu : quand on met la charrue avant les vaches, rien ne marche. Il y a peut-être, voire très sûrement, une logique du marché qui n’est pas logique du tout. Voici quelques questions que je me pose :

  • Comment peut-on garantir des produits de qualité sans pesticides et sans danger pour la santé, si la logique du marché laisse croire aux agriculteurs et agricultrices qui ont des préoccupations financières qu’ils et elles doivent d’abord penser au rendement de leur production plutôt qu’à la qualité ?
  • Lorsque des tomates ou d’autres produits exportés (parce que moins chers ailleurs) sont étalés dans les grandes distributions, offre-t-on réellement un choix de consommation aux personnes dites working poor en Suisse ?
  • Est-ce que profiter des fruits du travail d’une main-d’œuvre moins chère à l’étranger ne favorise-t-il pas des économies dites de « pays riches » au détriment d’autres économies où les travailleurs et travailleuses se voient contraints de migrer ? Peut-on alors empêcher la migration ?

Bien que le reportage de Temps présent lève un pan du voile sur les marges des grands distributeurs dans le domaine des produits laitiers, il reste un vaste horizon à observer pour comprendre les diverses implications et interactions de ces pratiques commerciales, quand il s’agit de consommation, de conditions de travail et de commerce international.

Dans ce sens, swissinfo.ch qui relaie un autre reportage de l’émission À Bon Entendeur, évoque « des conditions de travail choquantes dans l’agriculture suisse ». Si la plupart des paysans/paysannes et/ou agriculteurs/agricultrices souffrent de conditions de travail précaires, il y a encore – plus loin – une réalité du marché de l’emploi à relever : celle des migrant-e-s qui travaillent pour des salaires de misère. Dans cette émission, la chambre valaisanne d’agriculture le dit : « la mauvaise situation économique des ouvriers agricoles est aussi celle de l’agriculture suisse dans son ensemble ». Elle rajoute : « on aimerait bien payer beaucoup plus nos employés, mais pour ça il faudrait que les produits soient mieux payés ». On en revient donc au même problème : il faudrait mieux payer les produits, mais reste à savoir qui doit le faire parmi les différents acteurs impliqués et dans la chaîne des intermédiaires du marché.

Maintenant, si on va encore plus loin dans ce vaste horizon d’une logique du marché basée sur le profit – un horizon qui semble lointain, mais qui a tout de même de forts impacts sur notre vie – on atterrit chez Les « gilets jaunes » d’Afrique. Pourquoi des inégalités dans certains pays peuvent-elles influencer d’autres inégalités en Europe ?

 

Image de mise en avant :

Oeuvre originale intitulée “Vache qui rit” référencée sur le site : Amanni Galerie d’art

Références :

Emission de Temps présent intitulée « Coop, Migros, les petits secrets de la grande distribution » (9 mars 2023)

Article de swissinfo.ch intitulé “Des conditions de travail choquantes dans l’agriculture suisse

Emission À Bon Entendeur intitulée “Les forçats de l’agriculture suisse” (7 septembre 2022) :

Hélène Agbémégnah

Juriste de formation, ses expériences professionnelles et personnelles lui ont permis, entre autres, de côtoyer des problématiques liées à la migration et à la diversité. Elle a été membre de la Commission fédérale des migrations (CFM) pendant quatre ans et s’intéresse, dans ce blog, à partager ses vues et réflexions multiples.

7 réponses à “Chanter pour les vaches, encore ?

  1. Les vignerons suisses ne souffrent pas de la concurrence du vin importé, la demande du produit de toutes les régions du pays dépasse l’offre, sauf pour le vin de cuisine évidemment. J’ignore si les vignerons payent « beaucoup plus » leurs travailleurs saisonniers, comme les agriculteurs souhaiteraient pouvoir le faire. Mais ils ne sont pas à court d’idées, je me souviens que les vignerons de Lavaux avaient réussi le pari apparemment impossible de faire venir une main-d’œuvre… Vaudoise ! Tarif, 25 francs, non, pas à l’heure, mais pour une journée. Et c’est le cueilleur de raisins qui payait d’avance l’employeur, ayant quand même droit à un repas gratuit pour reprendre des forces. Mais comment cela a-t-il pu si bien marcher ? L’annonce a misé sur le désir du public de mieux connaître la vigne et le plaisir qu’elle offre, bien avant que les grains soient pressés, fermentés, puis goûtés en petites gorgées à la cave. Le soleil, la verdure, la vue imprenable sur le lac ont été un bienfait pour toutes ces personnes qui ont tenu leur engagement vis-à-vis de leur patron d’un jour, avec une satisfaction le soir en rentrant chez elles : « C’est un dur travail ! Après avoir appris beaucoup de choses c’est le moment d’ouvrir une bonne bouteille, demain on pourra se reposer c’est dimanche ! » Je ne sais pas ce que vous pensez de cette petite histoire vraie (sauf les dernières paroles inventées pour rire), et je me pose maintenant une question amusante ou peut-être pas, mais ce n’est que de la fiction : si un fabricant de bonbons invitait les enfants à venir s’instruire à l’usine, pour pousser de petites brouettes remplies de sucre, de framboises, et fabriquer des moulages comme à la plage… Les parents payent 25 francs, et à la fin de la journée chaque enfant reçoit un grand cornet de bonbons ! Se réjouiraient-ils de s’inscrire à une si belle journée ? J’en doute beaucoup !

    1. Cher Dominic,
      C’est intéressant d’imaginer de nouvelles approches d’introduction ou de ré-introduction à la réalité du terrain. La pratique du bénévolat peut être encourageante quand elle permet d’acquérir de nouvelles compétences et du plaisir.
      Concernant le sucre, je crois que son excès n’est pas le meilleur ami de l’humain et des enfants en particulier.
      Voir la vidéo “bébés Coca”: https://youtu.be/4t4PW0-JN6o
      Le documentaire “Sugarland” (que je n’ai pas encore vu) peut aussi apporter des réponses intéressantes:
      https://youtu.be/mzkscSmunwI

  2. Les personnes qui comme vous disent leur empathie, parce que leur chair n’est pas différente de celle des Ukrainiens… des Russes ou de n’importe quel être humain, vous aideront à combattre avec votre cœur pas si différent du leur, même sans s’être efforcés, pour beaucoup, d’atteindre la pureté de l’âme pour se sentir juste : c’est la sensibilité humaine qui se manifeste aussi chez des populations que l’on dit pas croyantes, que l’on a persécuté avec la volonté de les détruire. Être bon avec son prochain conférerait-il la capacité de choisir la bonne religion, le bon camp, de construire sa raison en opposition à la folie désignée devant soi ? Ou celle d’un président sain qui refuse de négocier avec son homologue malade ? Cette guerre vous rend triste, moi aussi, et les commentateurs de cette page tout autant. Nous sommes tristes encore en peinant à comprendre comment la composition de vos remèdes pourrait faire espérer…

  3. Ah le presse-papier vous a confondu avec Dominique Fabien Rimaz !
    Excusez-moi de surcharger ainsi votre page.

  4. Un texte plein de bon-sens, malheureusement le bon-sens fait de mauvaises ventes en ce moment…

    Tant que nous ne parvenons pas à faire le lien entre immigration, inégalités, écologie, aberration de l’économie de marché, protection des écosystèmes, etc… nous ne parviendrons pas à résoudre le moindre problème sans en aggraver d’autres.
    Nous avons créer un monde ultra-complexe avec des interactions évidentes entre les différents domaines pour quiconque a pris le temps d’une honnête réflexion, toutefois nous nous bornons à segmenter les solutions comme si nous pouvions prendre chaque aspect individuellement.

    Je crains que nos système politiques court-termistes et notre individualisme ne puissent nous aider à faire les efforts nécessaires à un vrai changement et s’approcher d’une solution qui ne serait pas superficielle.

    1. Merci pour votre commentaire.
      Il est vrai que mon article ne fait que questionner et tente de mettre un peu en lumière ce que je comprends du “bon-sens” actuel dans lequel nous vivons. Cependant, je crois qu’il existe et existera toujours des possibilités d’actions pleines de bon-sens !!!
      Pour commencer, voir et comprendre est une action qui nous permet d’envisager d’autres angles d’action et d’interactions avec soi et les autres. Ensuite, je suis persuadée que notre énergie (qui peut aussi être activée par la motivation ou la joie) est transmissible, et ceci même lorsqu’il y aurait des pénuries d’électricité 😉
      Je vous souhaite donc beaucoup de motivation et de joie, quoiqu’il arrive et quoique nous puissions à certains moments nous sentir découragés par l’absurdité de certaines orientations contre-productives.
      P.S: je me souhaite aussi de garder le cap (car rien ne sert de faire la morale aux autres sans être soi-même active)

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