Un chien traqueur de terroriste à la Maison-Blanche

Ainsi donc, le désormais chien héros qui a traqué Abou Bakr al-Baghdadi jusqu’à son ultime geste de désespoir dans un tunnel sans issue est invité à la Maison-Blanche. Conan, un berger belge malinois, a cinquante missions de combat effectuées en seulement quatre ans dans les pattes. Il devrait être accueilli par Donald Trump la semaine prochaine, et a déjà fait plusieurs fois le tour du web. Son nom, protégé jusqu’ici pour des raisons de sécurité, a été confirmé jeudi matin par le président himself.

Lire aussi: Al-Baghdadi, la profession d’effroi

C’est d’ailleurs ce même jour que Donald Trump a tweeté une photo du Daily Wire, un site conservateur, le montrant en train d’accrocher une médaille au chien. Une image qui a très rapidement été critiquée. D’abord, parce que le locataire de la Maison-Blanche n’avait tout simplement pas encore pu rencontrer «ce magnifique chien, très doué», encore «sur zone», blessé par des câbles électriques. Mais, surtout, parce qu’il s’agit en fait d’une image prise le jour où le président a décoré James McCloughan, un vétéran de la guerre du Vietnam, d’une Médaille d’honneur, en juillet 2017. Ce dernier appréciera. Après les honneurs, voir sa tête être détourée pour être remplacée par celle d’un chien, aussi brave soit-il, n’est, disons, pas très élégant.

Lire aussi: Photographe subtil ou les discrets pieds de nez de Pete Souza à Donald Trump

Mais ce n’est pas la seule photo liée à l’élimination du chef de l’Etat islamique qui a provoqué de fortes réactions. Pete Souza, photographe officiel de la Maison-Blanche sous Barack Obama, a lui aussi déclenché une polémique. Il a sous-entendu que la photo montrant Donald Trump et ses collaborateurs dans la Situation Room, en train de regarder les opérations de raid, était un fake. Ou du moins, qu’elle avait été mise en scène, après coup.

Pete Souza a Donald Trump en horreur, et il ne s’en cache pas. D’ailleurs, sur son site Instagram, il se fait un malin plaisir à publier des photos de l’ère Obama qui répondent à celles, d’actualité, concernant Donald Trump. Mais à quoi bon lancer des accusations sans preuves? Les deux photos sont très différentes. Dans celle du 1er mai 2011, à l’occasion du raid contre Oussama ben Laden, Barack Obama, qui venait de jouer au golf, fixe l’écran, visiblement sur la gauche, avec un regard intense. Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, porte sa main droite au visage, et ses yeux semblent exprimer la peur. Le président des Etats-Unis n’est pas au centre de l’image. Il pourrait n’être qu’un stagiaire de la Maison-Blanche et n’apparaît pas comme le commander in chief qui a ordonné le déclenchement de l’opération la veille.

Celle de 2019 ne porte pas en elle la même dramatisation, malgré des visages figés: la caméra semble placée à l’endroit même où se trouve l’écran géant pour le suivi des opérations, et Donald Trump, l’air grave, la regarde, frontalement. Il est au centre de l’image, sous le sceau «Président des Etats-Unis», avec une cravate, comme les quatre autres officiels présents. Barack Obama n’en avait pas, Joe Biden, son vice-président, non plus. Pete Souza est l’auteur de la première photo, prise à très exactement 4h05 de l’après-midi.

Ces photos sont des images destinées à marquer l’histoire. Alors, forcément, une spontanéité totale semble presque illusoire. Et Donald Trump a, il l’a démontré à plusieurs reprises, un goût marqué pour la mise en scène. «Le raid, tel que cela a été rapporté, a eu lieu à 15h30, heure de Washington. La photo, telle qu’elle apparaît dans les données IPTC de la caméra, a été prise à 17h05 min 24 s», insiste Pete Souza, sur son compte Twitter. Empêtré dans une controverse inutile, il a dû quelque peu rétropédaler plus tard, en affirmant ne pas avoir dit que l’image était truquée. PolitiFact a d’ailleurs su prouver qu’elle a bien été prise à un moment où l’opération venait de démarrer. Selon le New York Times, la mort d’Al-Baghdadi aurait été confirmée ce même jour vers 19h15. Et ce n’est que le lendemain que Donald Trump a annoncé l’existence du raid et l’élimination du chef terroriste au monde entier.

Mais, finalement, que la photo de Donald Trump dans la Situation Room ait été prise sur le vif par Shealah Craighead ou quelques minutes après les événements, qu’est-ce que cela change vraiment? Le fait qu’un président tweete un photomontage d’un site conservateur où un héros de guerre est remplacé par un autre héros de guerre, mais canin, est autrement plus problématique. Non? Peut-être pas, finalement: James McCloughan a été contacté par le New York Times et il ne semble pas s’en offusquer. Il a même ri de la situation. Quant à Donald Trump, il a tenté de rattraper le coup, en se retweetant, cette fois pour remercier The Daily Wire de cette «reconstitution très choue» et rappeler que le chien quittera le Moyen-Orient pour la Maison-Blanche la semaine prochaine. Le photographe officiel a intérêt à se tenir prêt. La main de Donald Trump tapotant le crâne du «huge and terrific, great dog» Conan fera à coup sûr des millions de vues.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

3 réponses à “Un chien traqueur de terroriste à la Maison-Blanche

  1. La différence entre Obama et Trump, tellement évidente, n’est plus à relever. Votre blog le souligne très justement pour mémoire. Concernant le soi-disant « État islamique », il n’a jamais existé ni été reconnu, donc je préférai une appellation « groupe état islamique” plus proche de cette réalité barbare.

    1. Le premier jouait au golf avant la mort de Benladen.
      Et le second, bah, il jouait au golf avant et après la mort de Baghdadi.

      Mais, pendant ce temps, les Etats-Unis arrivent à traquer les terroristes dans les zones les plus fermés du monde, tandis que la police française n’arrive pas à rentrer dans certains quartiers et fuient en cas de guet-apens avec des feux d’artifice. On a la société qu’on mérite…

Répondre à Delaplanete Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *