Ronan Farrow est un excellent journaliste d’investigation. Un jeune prodige talentueux et incisif. Mais c’est aussi le fils de Mia Farrow et de Woody Allen (certains préfèrent penser que Frank Sinatra est passé par là, il faut dire que la ressemblance est frappante).
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Il accuse surtout la NBC, chaîne pour laquelle il travaillait, d’avoir tout fait pour l’empêcher de dévoiler l’affaire. C’est la trame principale de son livre, décrite avec moult détails. Plusieurs affaires d’agressions sexuelles ont, depuis, éclaté au sein même de la chaîne. Ronan Farrow a finalement pu sortir son enquête dans le New Yorker, quelques jours après les premières révélations du New York Times. Il a mis en exergue des cas plus graves que ses deux collègues Jodi Kantor et Megan Twohey. Tous trois ont reçu le Prix Pulitzer pour avoir révélé l’affaire Weinstein, catalyseur du mouvement #MeToo. Ses deux consœurs du New York Times ont publié un livre, She Said, il y a quelques semaines. Ronan Farrow est par ailleurs l’auteur d’un brillant essai sur le déclin de la diplomatie américaine, lui qui a arpenté les couloirs du Secrétariat d’Etat notamment comme conseiller aux affaires humanitaires de Richard Holbrooke, lorsqu’il était le représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan.
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Mais voilà, le feu couve aussi dans sa famille et, pour le public, il est difficile de ne pas y penser. D’ailleurs, est-ce cet environnement particulier qui l’a poussé à s’intéresser à ces questions? Résumons: sa sœur Dylan accuse Woody Allen d’avoir sexuellement abusé d’elle quand elle avait 7 ans. Le cinéaste, qui, entre-temps, a épousé Soon-Yi, une autre sœur de Ronan Farrow, a toujours démenti. Mais Mia Farrow et Ronan Farrow se sont rangés dans le camp de Dylan. D’autres enfants, c’est le cas de Moses Farrow, défendent Woody Allen en se retournant contre la mère adoptive, accusée de négligence.
Ronan Farrow, il le confesse dans son livre, a longtemps préféré ignorer les accusations de sa sœur. Pire, il lui a même demandé de ne pas en parler à des journalistes. Son héritage est lourd, il lui importait de réussir dans la vie sans être sans cesse ramené aux histoires de famille. Mais quand Dylan est parvenue à en parler publiquement, il a fini par prendre sa défense. En 2016, il explique même sa démarche dans une opinion au Hollywood Reporter, en dénonçant les obstacles auxquels les victimes d’abus doivent souvent faire face.
Ceux qui ont cherché à le discréditer (et à le neutraliser) au fur et à mesure que ses enquêtes dans la galaxie Weinstein avançaient ont précisément mis en avant cette affaire, pour faire croire que Ronan Farrow était trop impliqué pour faire un travail objectif et qu’il menait une sorte de «mission». Le nom de Harvey Weinstein est par ailleurs forcément lié à ceux de Mia Farrow et de Woody Allen, tellement il était puissant dans le milieu hollywoodien.
Alors, oui, le livre de Ronan Farrow ne peut pas être lu sans penser à ce contexte particulier. Mais c’est bien à un travail d’investigation minutieux que l’on a affaire. Son ouvrage, par ailleurs très bien écrit, se lit comme un roman policier. Ronan Farrow le dédie à son amoureux, qu’il avait un peu délaissé tant il était pris dans le tourbillon Weinstein: Jonathan Lovett, un des producteurs du podcast «Pod Save America» et ancien rédacteur des discours de Barack Obama et d’Hillary Clinton. Il lui a d’ailleurs glissé une petite surprise dans l’ébauche qu’il lui avait soumise: une demande en mariage.