Il avait promis de parler jusqu'à l'épuisement. Ted Cruz (photo Jim Watson/AFP) a tenu sa promesse. Il a parlé pendant 21 heures avec un objectif en tête: retirer le financement de l'Obamacare, la réforme de la santé que le président Barack Obama a fait aboutir en 2010 et qui produit très concrètement ses effets à partir du 1er octobre quand les Américains qui n'ont pas d'assurance-maladie peuvent aller acheter en ligne une assurance-maladie à un coût réduit grâce à des subventions de l'Etat fédéral.
L'exercice de Ted Cruz, appelé flibuste dans le langage du Sénat, n'avait pourtant aucune chance d'aboutir à un résultat tangible. Le Sénat étant dominé par les démocrates, ceux-ci ne vont jamais procéder à l'abrogation de l'Affordable Care Act en privant la réforme du financement dont elle a besoin. Manifestement, cet avocat diplômé d'Harvard, qui ne siège au Sénat que depuis neuf mois, n'a pas peur de bousculer les habitudes. S'il a irrité au plus au point les démocrates, il a provoqué une guerre civile au sein de son propre camp, le Parti républicain. Certains ne lui pardonnent pas cet exercice qui pourrait mener à la fermeture de services essentiels de l'Etat si aucun budget n'est approuvé. Or Ted Cruz conditionne l'approbation d'un budget au refus de financer l'Obamacare. Les conséquences d'un "shutdown" serait incalculable pour l'économie américaine, l'emploi et la valeur du dollar comme devise de référence.
Ted Cruz, le nouveau "Sarah Palin avec un diplôme d'Harvard", c'est un peu la manière dont on dépeint ce sénateur du Texas qu'on accuse de ne vouloir qu'accroître sa propre visibilité nationale dans l'optique d'élections à venir. Il s'était déjà distingué lors des auditions du républicain Chuck Hagel quand ce dernier devait être confirmé par le Sénat au poste de patron du Pentagone. Il avait proposé de retarder sa nomination, laissant entendre que Chuck Hagel était financé par des gouvernements étrangers. Il avait également rué dans les brancards en admonestant la secrétaire d'Etat sortante Hillary Clinton dans l'affaire de Benghazi.
Même le stratège républicain Karl Rove craint le pire: que ce type d'exercice coûte aux républicains la conquête du Sénat, toujours dominé par les démocrates, lors des élections de mi-mandat en novembre 2014.