Parmi les multiples explications qui ont circulé dans les médias à propos de sa sévère contre-performance lors du premier
débat présidentiel de Denver face au candidat républicain Mitt Romney, certaines avaient trait à l'altitude de Denver (the Mile City, 1609 mètres), d'autres à la fatigue voire à un problème de santé du président. Selon d'autres hypothèses, Barack Obama (photo Brendan Smialowski/AFP), trop sûr de lui, trop condescendant, a simplement sous-estimé son adversaire. Ou la manière dont le modérateur Jim Lehrer a mené (ou pas mené) le débat a fortement désavantagé le démocrate.
Une thèse a toutefois retenu davantage d'attention: c'est celle de l'ABM, de l'Angry Black Man, (l'homme noir fâché). Si Barack Obama a été très passif et n'a pas attaqué Mitt Romney, c'est parce qu'il ne voulait pas apparaître comme un ABM, avance-t-on. L'expression ABM est partie intégrante de l'Histoire américaine. Les Blancs n'ont jamais beaucoup aimé les Noirs qui n'avaient pas peur d'exprimer leur opinion pour dénoncer leur condition. En 1831, un esclave afro-américain du nom de Nat Turner avait tenté de fomenter une révolution anti-esclavage en Virginie. Il tua des Blancs dans son aventure et fut pendu pour ses actes. Nat Turner devint la figure de l'ABM, de l'homme noir fâché, une figure effrayante pour les Blancs esclavagistes du Sud. Plus tard, Malcom X fera aussi trembler les Blancs en annonçant que "tout moyen serait bon" pour combattre les Blancs afin d'obtenir une égalité de droits. Martin Luther King lui-même fut perçu parfois comme un homme noir fâché.
De fait, de nombreux parents afro-américains ont tout fait pour que leurs enfants s'assimilent et n'apparaissent pas comme des rebelles au sein de la société américaine.
Au débat mercredi dernier, Barack Obama, qui n'a pas l'habitude de se fâcher en public, a-t-il subi le syndrome de l'ABM? Une thèse parmi d'autres.