Place des grandes femmes

Pour la Journée internationale des droits des femmes, j’ai eu envie de célébrer une poétesse qui mériterait que chaque ville, bourgade, village ait une place à son nom, Louise Labé.

Bien avant Benoîte Groult, “la Belle Cordière” Louise Labé se reconnaît à la fois femme, femme amoureuse et écrivain. C’est à cette poétesse de la Renaissance qu’on doit ces vers d’un lyrisme incandescent:

“Baise m’encor, rebaise-moi et baise :
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las, te plains-tu ? ça que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi mêlant nos baisers tant heureux
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.”

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On sait peu de choses, en somme, sur Louise Labé (ou Labbé), si ce n’est qu’elle est née à Lyon et que la dame, fille et épouse de cordier a reçu une solide éducation classique.

Ses Élégies et sonnets paraissent pour la première fois en 1555 . À l’instar de celles d’un Clément Marot (la rumeur a d’ailleurs couru par la suite que Louise Labé était un pseudo du poète), ses oeuvres connaissent un succès fulgurant et de nombreuses rééditions durant les siècles suivants. Mais la comparaison s’arrête là.

Certes, ce fripon de Marot s’est converti à la Réforme et, comme auteur du psautier réformé dit “de Genève”, a pris un aller simple pour la gloire. Mais quand même. Combien de rues, combien de places, combien d’édifices publics portent-ils le nom de Clément Marot, et combien ont été baptisés en l’honneur de la belle Cordière? Et où se trouvent-ils?

Lieux de prestige… ou pas

Un exemple: à Paris, la rue Clément-Marot se situe dans le prestigieux 8e arrondissement, perpendiculaire à l’avenue Montaigne et parallèle à la rue François-1er. Tandis que l’allée Louise-Labé (car il y en a une, ouf, l’honneur est sauf), est une toute petite ruelle du 19e arrondissement, débouchant sur l’avenue Simon-Bolivar, le grand libérateur de l’Amérique latine… Tiens, tiens, serait-il question de libération? Quant à Lyon, on attend toujours qu’elle offre une place à sa fille prodige.

Oui, cela peut paraître anecdotique, ces noms de rue auxquels on ne prête pas attention. Qui, à Lausanne, sait que le prénom de Bessières est Charles, et non Pont? Mais la société se nourrit de symboles et de ces marqueurs, devenus part de l’inconscient, que sont les noms dans l’espace public. Il est temps que les femmes s’y fassent une place.

portrait gravé de Louise LabéLouise Labé, portrait gravé par Pierre Woeiriot (1555), BNF. Wikipedia.org

Emmanuelle Robert

Après des études de lettres et un parcours de journaliste, Emmanuelle Robert a travaillé dans la coopération au développement. Active dans la communication (le jour), elle écrit (la nuit) et est l'auteure de Malatraix (Slatkine, Genève, 2021). Elle est aussi coach professionnelle et amatrice de course à pied.

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