Des entreprises suisses à l’assaut des NFT

Le monde des NFT est encore largement méconnu du grand public et pourtant, c’est une vraie révolution qui est en train de s’opérer dans l’industrie du divertissement et du sport. Les entreprises suisses de la high tech s’y sont lancé et visent même le marché américain.

 

Que sont les «Non Fungible Tokens»?

Prenons l’exemple du sport: pour le dire simplement, les «Non Fungible Tokens», ou NFT sont comparables à des jetons numériques. Cela peut être, à la base, des billets d’entrée pour un match évènement, une image ou une vidéo se rattachant à un club de foot, de basket, un joueur de tennis ou un cycliste prestigieux, ou des séquences vidéo avec des phases de jeu particulièrement spectaculaires. On trouve des NFT dans tous les sports grand public et l’engouement est basé sur deux notions clés: la rareté et la possession personnelle.

 

Imaginez le supporter du Real Madrid qui s’est rendu à la récente finale de la Champions League pour soutenir son équipe favorite. Le billet, rare et gagnant, pourra être transformé en mémoire NFT. Il deviendra une sorte de trophée digital, grâce à la technologie de la blockchain, avec certificat d’authenticité numérique infalsifiable. Le supporter possédera donc un objet virtuel unique, «à lui», qu’il pourra échanger ou vendre, un peu à la manière des bons vieux Panini. Le jeton digital pourra aussi devenir un objet de collection, qui pourra faire l’objet d’une vraie spéculation. Après tout, le Real Madrid a gagné 14 trophées! Ces biens numériques lui permettront aussi de profiter de privilèges, que lui seul aura: rencontrer les joueurs, assister à des conférences, à des entrainements ou même de vrais matchs. Une manière aussi pour le club de fidéliser ses fans et de faire vivre les évènements sportifs, en dehors des stades.

 

Trois types de population s’intéressent aux NFT: les fans qui cultivent une relation d’appartenance à une communauté, qui montrent leur passion et leur engagement auprès d’un club (d’un film, etc) en acquérant des nouveaux statuts digitaux, des collectionneurs motivés par la possession d’assets rares, pour qui il s’agit d’un nouvel eldorado et des spéculateurs qui espèrent réaliser une plus-value à la revente. La plateforme de NFT Sorare a déjà obtenu les licences officielles de plus de 230 clubs de 39 ligues. Parmi eux, le Real, le FC Liverpool ou le Paris Saint-Germain. Et des investisseurs et partenaires comme Antoine Griezmann ou Gérard Piques.

 

Un marché qui explose

Tous les clubs, même suisses, s’intéressent désormais à ces jetons numériques et se sont lancés dans cette technologie de stockage et de transmission d’informations, qui représentent une source de revenus supplémentaire et un nouveau moyen d’augmenter les communautés de fans. En Suisse, le FC Sion a été le premier club à lancer un partenariat avec Sorare, qui permet à ses supporter d’échanger et de jouer librement avec des cartes numériques de joueurs comme Guillaume Hoarau ou Kevin Bua. L’intérêt pour ce secteur en pleine croissance est donc mondial. Les marques digitales sont d’ailleurs en train de prendre le pouvoir sur le marché du sport et de remplacer les sponsors traditionnels. Ainsi la plateforme texane DigitalBits trône au centre du maillot de la Roma, en tant que sponsor principal. A Los Angeles, le «Staples Center» (foyer des Lakers) a été renommé «Crypto.com Arena». Au PSG, l’Argentin Messi est payé en partie avec ces cryptoactifs qui réinventent la relation entre les supporters et leurs équipes favorites. La gamification est devenue un élément fondamental de l’engagement des fans dans l’industrie du sport.

 

Une technologie blockchain

Le phénomène NFT a été lancé il y a quelques années, aux Etats-Unis, au sein de la NBA. Les fans ont commencé à filmer des clip vidéo, de 5 à 6 secondes, avec les plus beaux gestes techniques du basket professionnel américain, qu’ils se sont mis à échanger ou vendre. Le marché était lancé. Aujourd’hui, certaines vidéos peuvent atteindre des sommes faramineuses, comme le fameux dunk de Lebron James, des LA Lakers, vendu pour 387 600 dollars après un match de février 2020.

Les NFT sont basés sur la technologie blockchain. Comme pour les crypto-monnaies, lorsque des NFT sont vendues, les informations, difficilement falsifiables, sur qui possède quoi, sont stockées dans un répertoire décentralisé.

 

Les solutions suisses

L’écosystème du métavers et des NFT attire bien évidemment aussi les entreprises et les utilisateurs suisses, qui trouvent de plus en plus de valeur ajoutée dans le monde virtuel et interconnecté. Secutix, une société Elca, a imaginé une solution TIXnGO, un prototype de trophée digital pour un club américain. Après le match, les billets sont convertis en souvenirs numériques pour devenir des collectors. Les clubs peuvent dès lors proposer des avantages uniques aux possesseurs d’avoir digitaux et développer la communauté des fans dans le monde numérique.

Des millions de personnes sont sur ce marché qui n’est pas près de se tarir et est même exponentiel.

 

Des stades de football plus sûrs, grâce à la blockchain

Le hooliganisme n’est plus un phénomène réservé aux stades étrangers. Rencontres après rencontres, des débordements viennent entacher les matchs de football en Suisse et menacent la sécurité de ceux qui aiment le sport. Les derniers en date ont eu lieu après le match de quart de finale de la Coupe de Suisse, entre Yverdon et le Lausanne-Sport, avec des heurts à l’extérieur du stade et des dommages au matériel urbain. En décembre dernier, après des incidents à Zurich, Lucerne et Saint-Gall, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police et la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse ont estimé que le maintien du statu quo n’était plus une option. En 2019 déjà, la Conseillère fédérale Viola Amherd, ministre des sports, avait promis de durcir le ton, face à ceux qui cherchent «la castagne».

Des billets personnalisés pour entrer dans les stades 

On s’achemine vers l’introduction de billets personnalisés pour entrer dans les stades. Cela dit, la perspective provoque des réactions enflammées, du côté du noyau dur des fans de football. Le blocage est historique. Même la Swiss Football League, n’y est pas favorable, mettant en doute l’efficacité de ces mesures et redoutant qu’elles ne dissuadent les supporters de se rendre aux stades. Des réactions qui se comprennent, à la sortie d’une période de pandémie qui a mis les nerfs de tout un chacun à rude épreuve. Cependant, il faut savoir que la blockchain peut réconcilier tout le monde. Aujourd’hui déjà, le groupe ELCA, via sa solution TIXnGO, peut assurer le traçage des billets délivrés lors des plus grandes manifestations sportives internationales de football. Et permettre à l’organisateur de connaître l’identité de dizaines de milliers de supporters qui remplissent un stade. Le système SecuTix a été adopté par de grands clubs comme l’Ajax Amsterdam.

Qu’apporte la blockchain?

Les utilisateurs achètent leurs billets comme d’habitude sur le site internet du club et reçoivent un courriel pour télécharger une application. Les billets sont accessibles dans l’application une fois que l’utilisateur s’est identifié. L’application permet à l’utilisateur de transférer un ou plusieurs billets à des proches. Les destinataires reçoivent à leur tour un courriel, téléchargent l’application, s’identifient et obtiennent les billets.

Toutes les personnes qui ont reçu des billets sont connues de l’organisateur. Ce dernier peut à tout moment révoquer un billet. A noter que cela permet aussi à l’organisateur d’envoyer une notification en temps réel à tous les possesseurs de billets. Fonctionnalité qui a d’ailleurs été très utile en cette période de COVID.

Le système est parfaitement sécurisé et évite la copie et la fraude de billet. En effet, le code-barre qui permet de passer le portique d’entrée n’apparait que quelques minutes avant l’événement, limitant ainsi les possibilités de transactions frauduleuses. La blockchain privée basée sur Ethereum garantit la traçabilité de tous les transferts de billets.

La sécurité des données personnelles (nom, prénom, email) est assurée par un stockage des données sur une zone sécurisée de la mémoire du téléphone et sans stocker aucune donnée personnelle en clair dans la blockchain.

Est-ce que cela pourrait fonctionner chez nous?

Le système ELCA, via sa solution TIXnGO, est déjà adopté par de nombreux acteurs internationaux majeurs du monde du football, du golf, du cricket, du tennis ou de la culture. En Suisse romande, le Paléo a été l’un des pionniers. Mais peut-on demander à tout un chacun de s’enregistrer, me direz-vous? Les supporters ne vont jamais vouloir télécharger l’application? Faux. Le système marche pour de grandes manifestations et des stades de plus de 40’000 places ont été remplis quasi exclusivement sur la base de cette technologie. Question de génération alors? Faux encore, sa simplicité la met à la portée de tout un chacun, quel que soit son âge.

L’organisateur d’une manifestation sportive a tout intérêt à connaître son public, si on lui prouve que la technologie pour le faire est simple et fonctionnelle et qu’elle ne va pas dissuader les fans de venir au stade. Ces derniers souhaitent également, sans doute, participer à des matchs, en toute sécurité. Seuls les casseurs et les fraudeurs seront impactés par ce supplément de contrôle. Ce qui, avouez-le, n’est pas un problème.

Soyons clairs: Toutes les mesures prises n’éviteront pas les incidents. Les contrôles aux aéroports ne suppriment pas le terrorisme. Il le limite. C’est déjà un grand progrès.