Souveraineté numérique: la Suisse se mobilise enfin!

La Suisse a, dans son Histoire, creusé des trous dans les Alpes pour assurer sa sécurité et préserver son indépendance et voilà que, sans combattre, le pays a confié le stockage d’une partie des données de l’Administration fédérale à des sociétés étrangères. L’appel à la chinoise Alibaba et aux américaines Amazon, IBM, Microsoft et Oracle, a surpris tous ceux qui s’inquiètent de la perte de souveraineté du pays, dans un des domaines clé de sa sécurité digitale. La Suisse, colonie numérique de la Chine et des États-Unis?

 

La décision a eu pour conséquences, heureuses, de réveiller les consciences. Une initiative parlementaire a été déposé à Berne, signée par tous les partis. En Suisse romande, la présidente du gouvernement vaudois, la Conseillère d’État Nuria Gorrite, a lancée l’idée d’un cloud souverain romand, un projet qu’elle entend mener avec la conférence latine des directeurs cantonaux du numérique. Et au bout du lac, un groupe de travail teste désormais la faisabilité d’un cloud sécurisé à l’intention de la Genève internationale.

Mais pourquoi est-ce important?

On ne connaît pas les détails des contrats cadres négociés par l’Administration fédérale avec les sociétés étrangères, mais une chose est certaine : sans réaction des nations européenne et de la Suisse, les GAFAM américains et les BATX chinois, qui gèrent déjà une partie de notre vie privée, vont faire main basse également sur les données publiques. «Imaginerait-on nos archives d’État en mains chinoises?», a demandé Nuria Gorrite. La Confédération avait jusqu’à présent une approche très libérale du dossier, estimant qu’il ne relevait pas du rôle de l’État. Or, on le sait désormais, il s’agit d’un aspect prioritaire de notre sécurité. Imaginez que la Suisse, au siècle passé, ait laissé des privés creuser leurs propres tunnels à travers les alpes, pour y faire passer des routes, trains et canalisations de gaz, sans aucun contrôle!

A ce stade, la bonne question à se poser est celle de savoir si le secteur IT du pays, privé ou public, est en mesure de prendre en charge le stockage de ces données en Suisse.

La réponse est non et oui!

Non, car il est illusoire d’imaginer, en Suisse, une entreprise de la taille des géants du net. Aucun prestataire helvétique n’a été retenu par la Confédération pour le contrat à 110 millions de francs, conclu en juillet. Même Swisscom a annoncé confier ses données à Amazon. Tout faire en CH jusqu’au dernier boulon, n’est pas réaliste, coûteux et surtout pas nécessaire.

Oui, si l’on considère qu’il y a plusieurs segments de marché possible: le marché grand public, dont l’offre relève nettement des géants du net, les commandes étatiques, avec des demandes de mise à disposition de stockage de donnée et finalement les «oubliés», à savoir tous les services sensibles pour la population, les entreprises et les organisations non gouvernementales et étatiques. C’est dans ce domaine clé que le secteur High Tech suisse a un rôle important à jouer, en partenariat avec le secteur public. Il est impératif que le stockage et le traitement des données, notamment, de santé, bancaires ou d’infrastructures sensibles, se fassent sur le territoire suisse, sous contrôle suisse. Bien entendu des coopérations avec les géants internationaux est nécessaire, mais de manière contrôlée.

Une prise de conscience nationale

La prise de conscience nationale, dans les milieux politiques et le grand public, de l’importance de la digitalisation au 21e siècle, pour éviter d’être dépendants d’infrastructures, plateformes et outils de fournisseurs étrangers, est salutaire. En ce sens, le projet de la conférence latine des directeurs cantonaux du numérique, et celui de la Genève Internationale, représentent une très bonne nouvelle.

Elca, comme société qui accompagne la transition digitale de la Suisse, est intéressée en premier chef par ce dossier et a développé 3 entités dédiées à ces sujets, avec une société offrant un cloud hybride, en collaboration avec les acteurs internationaux, une société dédiée à la cybersécurité et un nouveau centre d’opération de sécurité (SOC). Comme le dit très justement la Conseillère d’État Nuria Gorrite, «c’est aussi une formidable opportunité pour des sociétés locales, avec des créations d’emploi à la clé».

La Suisse doit relever le défi de sa politique d’industrialisation numérique, pour ces trente prochaines années. Elle doit soutenir un écosystème d’innovation locale. La Chine, en 20 ans, a rattrapé son retard, avec une feuille de route et des investissements clairs. Notre pays peut le faire, si les volontés publiques et privées s’y engagent. Pour cela, il faut que Confédération et cantons s’engagent à soutenir un secteur crucial pour l’avenir du pays.

Cédric Moret - ELCA

Cédric Moret est le CEO du groupe ELCA, qu’il dirige depuis 2015, après 20 ans de carrière au sein de différents postes à responsabilité chez Procter & Gamble et McKinsey. Monsieur Moret a étudié la gestion d’entreprise à l’université de Lausanne. Il est également titulaire d’un MBA auprès de la Harvard Business School.

4 réponses à “Souveraineté numérique: la Suisse se mobilise enfin!

  1. Bel article….. Espérons que notre sept “sage” font enfin se réveiller et réaliser que le monde change un peu plus vite qu’à l’époque de leurs grands parents. Le paradoxe c’est que leurs grand-parents réagissait plus vite. bungee fitness

  2. Hm, Infomaniak serait sans doute de taille à fournir un service de ce type à la Confédération – et aux cantons. Et si ELCA et d’autres s’associent, il y aurait de quoi faire un sacré truc, 100% suisse, si possible basé sur des solutions opensource, offrant ainsi les garanties nécessaires pour la sécurité et, surtout, la propriété et la souveraineté.

    Pour ma part, j’écarte d’office le “fameux” OFIT (aka BIT), l’Office fédéral pour l’informatique et les télécommunications, qui se sont déjà distingués à maintes reprises pour leur incompétences crasse et épaisse (notons un point positif, on dirait que l’infra pour le certificat covid fonctionne relativement bien – une exception à la règle).

    C’est fort dommage de ne pouvoir se reposer sur un office public, mais d’un autre côté, ça peut donner l’opportunité au secteur privé de se distinguer et mettre leurs compétences en avant.

    Bonne chance en tous cas !

  3. On a peur de perdre notre identité pour quelques burquas, ou quelques migrants de trop, et pendant ce temps on met sa tête sur le billot de puissances (technologiques) étrangères.

  4. Rien entendu de l’UDC sur cette souveraineté numérique! Tout comme sur l’achat des F35! Un parti dogmatique seulement intéressé à semer la discorde avec l’UE!

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