Lectures et maladies : de la schizophrénie à la pandémie avec Marion Canevascini et Claude Darbellay

Violences et douceurs

En lisant L’Épidémie, on soupçonnerait aisément Claude Darbellay de complotisme. Tout y est : un grand projet liant les pharmas, la haute finance, l’OMS, le Haut Commissariat aux Réfugiés, des politiques d’ici et d’ailleurs et des mafias. Des expériences sans scrupules faites sur des êtres humains. Un monde prêt à tout pour imposer sa loi. Seule ombre au tableau : L’Épidémie, dont la deuxième édition vient de sortir chez Infolio, est parue pour la première fois aux Éditions G d’Encre en 2007, soit 12 ans avant les premiers cas de Covid-19. On ne peut donc guère accuser son auteur de prendre le train en marche ou de profiter de la pandémie pour vendre du livre. A la rigueur, on peut imaginer que les complotistes s’inspirent de son livre pour élaborer leurs arguments. Les conjectures s’arrêtent là même si, depuis plus d’un an, nous vivons des situations schizophrénisantes. Toutefois, la schizophrénie, la vraie, pas le mot qu’on glisse en tant que métaphore au hasard d’une conversation, ressemble à toute autre chose. Avec beaucoup de pudeur, Marion Canevascini s’est penchée sur cette maladie dans un très beau livre illustré que je tiens à vous présenter avant de revenir sur L’Épidémie.

Marion Canevascini : Notre frère

Paru aux Éditions Antipodes Notre frère, le roman graphique de Marion Canevascini, est particulièrement touchant. Actuellement la parole se libère. De plus en plus, on laisse de la place dans les livres et les médias aux personnes qui souffrent d’un handicap ou d’une maladie mentale. On donne aussi facilement l’occasion de s’exprimer aux parents ou aux conjoints. Il est plus rare d’entendre la souffrance de la fratrie. La douleur des enfants qui « vont bien » et, dont le frère ou la sœur qui présente une pathologie, efface l’enfance en retenant l’entière attention des parents. Avec délicatesse, le livre de Marion Canevascini raconte ses souvenirs : l’arrivée de la maladie dans une famille qui compte trois enfants. Face aux étrangetés de leur frère ainé et au désarroi de leurs père et mère, les deux sœurs cadettes s’unissent pour exister. Dans cet ouvrage aux dessins et aux textes épurés, ce sont les blancs des pages et les mots tus qui s’inscrivent dans le ressenti.

Ce témoignage sensible d’une pathologie évoquée entre les lignes permet aux plus jeunes d’aborder, de questionner et d’être accompagnés dans la maladie. En effet, il existe beaucoup de littérature sur la schizophrénie mais pratiquement aucun écrit ne s’adresse à des enfants.

Biographie de l’artiste

 Artiste fribourgeoise, Marion Canevascini, étudie les Lettres à l’Université de Fribourg et notamment le rapport entre le texte et l’image. Elle partage aujourd’hui son activité entre peinture, écriture, et enseignement.

 

 

Claude Darbellay : L’Épidémie

Dès les premières lignes, Claude Darbellay nous entraîne dans une aventure labyrinthique à un rythme qui laisse peu de pauses pour souffler. Rien ne nous est épargné : les meurtres et les morts se succèdent, les hypothèses nous mènent sur des chemins que l’on se voit obligé de rebrousser, on saute d’un pays à l’autre. Même la froide torture est au rendez-vous. Les personnes qui mènent l’enquête tentent de se rassurer en se raccrochant à ce qu’elles savent et qui ne devrait pas exister. Frank le narrateur, raconte ce qu’il a vu, espérant avertir l’humanité du danger qui la menace. Les Grands Manitous le laissent faire convaincus que, de toute façon, personne n’y croira.

 L’Epidémie : extrait

 « Il s’agissait d’allier santé, jeunesse, performance et donc, Charles Larson rit, bonheur. C’était en tout cas en ces termes que Fabio Rossi avait vendu son projet à la GlaxoSmithKline. Rendre à un corps vieillissant les performances de sa jeunesse. Parce que, pour le marché, ce créneau était porteur de gigantesques profits. La clientèle potentielle avait les moyens d’acquérir LE traitement qui accélérait la réparation des tissus musculaires. En vieillissant, nous perdons environ un tiers de notre masse musculaire. L’exercice constant, soulever de la fonte dans un fitness par exemple, pratiquer un sport, même à haute dose, ne fait que ralentir le processus. Trouver un moyen biologique de l’arrêter, voire de l’inverser, c’est la gloire et la fortune.

Nous avons commencé, comme souvent en laboratoire avec des souris blanches…

L’idée, c’était de stimuler l’augmentation de la croissance musculaire à n’importe quel âge et sans exercice. Ce que promettent toutes les cliniques spécialisées dans des cures hors de prix. Ce que nous espérions aussi, l’époque voulait ça, c’était démocratiser notre découverte en multipliant le nombre de clients. »

 

Claude Darbellay : l’interview

 – La première édition de L’Epidémie a été publiée en 2007 aux Éditions G d’Encre. D’où a surgi l’idée de ce roman ?

Cette idée m’est venue d’un événement et d’une peinture. L’événement c’est le SRAS, une pneumonie atypique pour faire simple, apparue en 2003, qui avait fait peu de victimes mais généré une grande panique, avec des déclarations alarmistes de dirigeants, aussi bien à Singapour qu’au Canada ou en Chine où tous les lieux de divertissement (théâtres, cinémas, cafés internet) ainsi que les bibliothèques avaient été fermés. Les mariages avaient aussi été ajournés. J’avais lu un article dans un journal anglais où l’OMS avertissait du danger. Or, l’OMS, en anglais, c’est la WHO, the World Health Organization. Qui peut être confondu avec sa traduction en français de QUI. On y ajoute un point d’interrogation et on a le départ d’une enquête sur qui est responsable de ces mesures anti SRAS et dans quel but. Et, au niveau de la fiction, on a déjà un des responsables : l’OMS. Voici pour l’événement. Quant à la peinture, c’est un tableau de Dürrenmatt qui m’a inspiré le premier chapitre où le président du conseil d’administration d’une firme helvétique est pendu au lustre de la salle du conseil par sa cravate. Il s’agit du tableau : « L’Ultime assemblée générale de l’établissement bancaire fédéral » peint en 1966. Tableau qui montre une scène apocalyptique : des banquiers se sont pendus à des lustres, d’autres se tirent une balle dans la tête. C’est le départ du roman. Pourquoi le président d’un conseil d’administration est-il pendu à sa cravate par un commando ? Qui est responsable ? L’OMS et l’industrie pharmaceutique seraient-elles mêlées à cet assassinat et dans quel but ?

– Ce roman vous a-t-il demandé beaucoup de recherches et de documentation?

Oui. J’ignorais tout de la vie des virus. Mais j’étais enseignant dans un lycée où est enseignée la biologie. J’ai donc demandé à un professeur de biologie de me donner de la documentation. Il m’a répondu, « accorde-moi une semaine ». Une semaine plus tard, j’avais une pile de livres, de documents, d’articles. Et le professeur m’a dit, « Tiens, lis ça. Après, quand tu auras bien assimilé la matière, je te donnerai la suite. » Cela m’a pris un temps certain pour en venir à bout. Avant la publication, le même professeur a relu tous les chapitres du roman concernant les laboratoires et la description des épidémies pour que tout soit rigoureusement exact. Ceci afin de créer un « effet de réalité » et de donner du crédit à ce que raconte la fiction.

– Votre livre fait référence aux mondes de la littérature et de l’art puisqu’on y croise Dürrenmatt, Nietzsche, Niki de St-Phalle, le poète américain William Stafford… tout en mélangeant enquête, industrie pharmaceutique et politique. Résultat : un thriller à la Robin Cook en plus intellectuel. Aviez-vous envie de conquérir un lectorat qui d’habitude s’intéresse peu aux lectures populaires ?

La question du lectorat est importante, certes. Je ne voulais pas écrire pour un lecteur particulier, mais donner du plaisir à un lectorat qui soit le plus large possible. J’espérais que le roman crée son lectorat. Il y a deux façons de voir les choses, je crois. Soit on calibre un texte pour qu’il corresponde à un public cible, on en fait un produit qui va séduire des consommateurs, soit on crée un roman qui, par ses qualités intrinsèques, va attirer les lecteurs. Aujourd’hui, c’est plutôt la première démarche qui prédomine. L’ennui, c’est qu’elle s’accompagne d’un code esthétique. On y « émotionne » beaucoup, et la compréhension doit être « Nescafé », immédiatement soluble. On appelle ça « les lois du marché ». Il faut saluer ici le travail des auteurs qui continuent de vouloir « faire de la littérature » et des éditeurs qui les soutiennent.

– Avec le recul avez-vous l’impression d’avoir écrit un roman qui anticipait la pandémie de la Covid-19 ?

Oui, je crois que ce roman anticipait la pandémie de la Covid-19. Pour une bonne raison. Les rouages sont les mêmes que ceux décrits dans le roman. Il y a cependant quelques différences de poids. La pandémie du roman était fictionnelle et les morts à venir. La situation actuelle a vu apparaître quelques aspects assez inquiétants, outre la situation sanitaire. Ce sont des mesures étatiques qui sont proches de l’absurdie. J’attends toujours que l’on m’explique pourquoi il n’était pas dangereux d’assister à un culte ou à une messe pour cinquante personnes et pourquoi ce n’était pas la même chose pour un théâtre ou une salle de concerts. Mais plus grave, derrière toute décision politique se profile une conception du monde et je ne partage pas la division entre « biens essentiels » et « biens inessentiels ». Division dont les librairies ont fait les frais, par exemple. Ont aussi été rognés des droits démocratiques, au nom de la santé qui a remplacé la liberté. Ce n’est plus « liberté, égalité, fraternité ». La liberté a cédé la place à la santé. Avec une armada de virologues, de médecins, d’experts en tout genre à l’égo surpuissant. Or, rappelons-nous que le Titanic a été construit pas des spécialistes et l’Arche par des amateurs !

– Une question que je pose à tous les auteurs: à quel personnage littéraire vous identifiez-vous ou quel personnage littéraire auriez-vous aimé être ?

J’aurais aimé être Sancho Panza du Don Quichotte de Cervantès. C’est lui qui, juché sur son âne, commente les « exploits » de son maître, Alonso Quijano, qui a la tête farcie de romans de chevalerie et qui attaque des moulins à vent en les confondant avec des géants. Il est l’auteur de son maître, en fait, parsemant le récit de remarques ironiques, de jeux d’esprit, de proverbes espagnols détournés. Il nous invite à faire un pas de côté pour entrer dans la réalité ou, pour citer Lao Tseu, comme le fait Lopez, le philosophe de « l’Épidémie » : « Voyons ce qui est et non ce que nous aimerions voir ».

Interview : Dunia Miralles

 

Claude Darbellay : la biographie

Né en 1953 au Sentier, dès l’âge de dix-huit ans, il travaille comme manœuvre sur les chantiers, poseur de faux plafonds, monteur de parois mobiles afin de subvenir à ses besoins. Il fait des études de lettres à l’Université de Neuchâtel avant de voyager en Italie, dans l’East End londonien et à Grenade où il étudie le castillan. De retour en Suisse, il s’installe à La Chaux-de-Fonds et y enseigne le français et l’anglais à l’école supérieure de commerce.

Son œuvre a été distinguée par divers prix, Le Grand Prix poètes d’aujourd’hui 1984, le Prix Bachelin 1994, le Prix Louis-Guillaume 1995, le Prix Alpes-Jura 1996, et le Prix Michel Dentan 1999 pour Les prétendants.

L’écrivain Claude Darbellay. Photographie libre de droits.

 

 

Sources :

  • Notre frère, roman graphique, Marion Canevascini, éd. Antipodes
  • Éditions Antipodes
  • L’Épidémie, roman d’anticipation, Claude Darbellay, éd. Infolio
  • Claude Darbellay, écrivain et poète
  • Wikipédia

Livres, éditeurs et auteurs romands : les sacrifiés du confinement (2)

Le combat des éditeurs romands

Lire romand c’est soutenir les éditeurs et les auteurs de proximité, mais pas uniquement. Certes, la crise tout le monde y a droit et, si certains considèrent la littérature comme une chose dispensable, il faut tout de même rappeler qu’elle participe entièrement à l’économie. En effet, sous l’étiquette « NON ESSENTIEL » se cache une réalité très terre-à-terre. La littérature ne se compose pas uniquement d’une bande d’écrivaillon-ne-s qui se regardent le nombril en alignant des mots sur du papier. Elle s’ancre dans un pan de l’économie bien réel : des librairies et des libraires, des imprimeries et des imprimeurs, des éditeurs, des transporteurs, des distributeurs, des représentants, des employés de commerce, des bureaux, du mobilier, des comptables, des locaux de stockage et d’autres pour la vente, du matériel informatique, des juristes, des journalistes, des graphistes, des correcteurs, des apprentis dans plusieurs corps de métiers et j’en passe. Dans la débâcle actuelle, comme dans la restauration, ce sont les plus petits les plus touchés. Surtout ceux qui viennent de créer leur entreprise. Marilyn Stellini, fondatrice les éditions Kadaline en 2019, souligne « Les librairies ont rouvert, mais les embouteillages dans les rayons défavorisent largement les petites structures. Raison pour laquelle Kadaline a suspendu toutes les parutions du premier semestre, reportées ultérieurement. Sans parler du manque de salons littéraires qui peuvent représenter un apport dans le chiffre d’affaires. » Dès le début de la pandémie, les librairies ont prévenu les éditeurs qu’elles ne pourraient pas payer ce qu’elles leurs devaient. Quelques uns ont dû utiliser les aides perçues en tant que salaire pour payer les factures courantes de leur maison d’édition (locaux, chauffage, électricité, etc). Résultat : certains, sont sans salaire depuis plusieurs mois alors que, même en temps “normal” l’édition romande ne permet guère de remplir un bas de laine. Autre effet boule de neige : actuellement les éditeurs suisse romands croulent sous les retours des libraires. Les fermetures imposées aux commerces dit “non-essentiels”, ne leur ont pas permis de vendre les livres parus durant les deux confinements. Andonia Dimitrijevic, directrice des Éditions L’Âge d’Homme précise : « Les éditeurs vivons sur les mises en vente. Sans mise en vente cela devient hardcore. De plus, pour ceux qui avons également des stocks et une partie de nos affaires en France, c’est très compliqué. Nous ne pouvons plus aller à Paris ou nous déplacer comme nous devrions le faire pour que notre entreprise fonctionne normalement. Les librairies font de nouveau d’excellentes ventes, mais les librairies ne représentent pas à elles seules le monde du livre. Vendre du livre ou le produire ce n’est pas du tout la même chose. Pour les éditeurs romands la situation reste bloquée. En ce moment, nous manquons d’argent pour tout. Notamment pour engager le personnel dont nous aurions besoin pour relancer nos entreprises ou pour publier de nouveaux auteurs. A l’Âge d’Homme, ces prochains mois nous ne pourrons pas publier tous les livres que nous avions prévu et aucun premier ouvrage. Nous n’allons travailler qu’avec des auteurs dont les libraires et les lecteurs connaissent déjà le travail. » Une situation assez ironique alors que la plupart des éditeurs sont submergés sous les premiers romans, le confinement ayant inspiré de nouvelles vocations d’écrivains. Les genres qui ont inspiré celles et ceux qui se sont lancé dans la littérature : la science-ficition et les romans d’anticipation. Toutefois, ces nouveaux arrivants devront s’armer de patience avant de voir leurs romans publiés. Si toutefois un jour ils sont publiés. Actuellement, la majorité des éditeurs en sont surtout repousser les parutions qu’ils avaient prévues pour 2021, tout en anticipant qu’il y aura pléthore de publications dans les prochains mois. Déjà, ils s’attendent à ce que beaucoup d’entre elles passent à la trappe faute de place dans les rayons des libraires. En sont à prévoir qu’il y aura un manque à gagner et qu’ils devront gérer cette donnée. Ces réalités les éditeurs suisses romands, petits ou à peine plus grands, les affrontent depuis le début de la pandémie. Une situation qui risque de perdurer les mois à venir face aux géants de l’édition hexagonale qui, sans prendre de risques, vont envahir les rayons des librairies avec des ouvrages de développement personnel et des auteurs bankables.

 

Livres romands présentés en 2020

La semaine passée j’ai publié une partie de la liste des auteurs suisses romands dont j’ai présenté les livres en 2020. En voici la deuxième et dernière partie. Lire local, c’est non seulement permettre à la littérature suisse d’exister. C’est participer à l’économie de nos cantons.

 

A l’aube des mouches, poésie, Arthur Billerey, éd. de L’Aire : un recueil de poèmes par l’un des fondateurs de la revue littéraire romande La cinquième saison. Passionné par les mots écrits, Arthur Billerey a également créé la chaîne Youtube Trousp, entièrement consacrée au livre.

Fleurs imaginaires , poésie, Corinne Reymond, éd. Torticolis et Frères : avec empathie et tendresse, Corinne Reymond rend hommage aux personnes happées par l’âge ou la maladie.  Sa longue carrière d’aide-soignante aux soins à domicile, en EMS, à l’hôpital ou en hôpital psychiatrique, l’a menée à écrire ses expériences avec les patients. Dans son métier, plus que les soins, ce qu’elle recherche c’est le relationnel, le contact avec les gens, apprécier qui ils sont, sentir leurs états d’âme, se pencher sur l’histoire de leur vie. “Plus on devient âgé, plus ça devient riche” dit-elle. Une richesse qu’elle n’a pas voulu laisser perdre.

Balles neuves, roman, Olivier Chapuis, éd. BSN Press : malgré l’amour de son épouse, de sa fille et de son fils, Axel Chang éprouve une jalousie et une haine grandissantes envers Roger Federer à qui tout réussi. Une obsession qui le conduit à la dérive. Un récit peu conventionnel, Axel Chang étant le personnage d’un tapuscrit imaginé par un auteur en mal de reconnaissance, agacé par les succès du sportif d’élite devant qui toutes les portes s’ouvrent pendant que lui croupit. Conseillé et coaché par un écrivain mondialement célèbre, le créateur d’Axel Chang poussera son histoire jusqu’à ses extrêmes limites.

Dernier concert à Pripyat, roman, Bernadette Richard, éd. L’Âge d’Homme : dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, eut lieu dans l’ex-Union Soviétique, dans la centrale nucléaire de Tchernobyl, l’accident atomique le plus dévastateur de l’histoire. Une hécatombe qui a coûté l’existence de milliers de personnes et péjoré la vie d’autant de survivants. Passionnée par la question nucléaire, la journaliste et romancière Bernadette Richard nous emmène dans la Zone interdite de Pripyat. Le livre raconte l’histoire de trois jeunes garçons qui fuient de chez eux en compagnie d’une vieille dame la nuit de la catastrophe. Quelques années plus tard, les trois compagnons deviennent stalkers. Défiant les dangers de la contamination, ils pénétreront régulièrement dans La Zone interdite, non seulement pour l’explorer, mais aussi pour lui rendre ses lettres de noblesse à travers la musique. Au cours de leurs expéditions, ils rencontreront tous les réprouvés et désœuvrés du système soviétique.

Roman de gares, roman, Jean-Pierre Rochat, éd. D’Autre part : Dèdè est obligé d’abandonner sa ferme dans le Jura bernois après cinquante ans de labeur. En plein hiver, il part sur les routes accompagné d’un jeune âne. Avec son équipage, il espère descendre, à pied, dans le sud de la France en s’arrêtant de ferme en ferme pour y trouver assiette et logis selon la coutume des journaliers d’autrefois. Empreint de tradition et de souvenirs bienveillants, Dèdè s’imagine que les paysans lui ouvriront leur porte comme lui-même ouvrait la sienne quand il possédait sa propre demeure. Il doit déchanter. Par chance, deux femmes exceptionnelles croiseront son chemin.

Soupirs du soir, roman, Jean-Michel Borcard, éd. Torticolis et Frères : dans un style cinématographique, les péripéties de deux anciens dératiseurs : l’alcoolique, plutôt de droite, Carl Meinhof et l’antifa Joseph Miceli ouvrier dans une scierie. Malgré leurs différences, les deux hommes cultivent une amitié qui ne se dissout dans aucun liquide. Si on ne reconnaissait pas Bulle et sa région, on imaginerait les ambiances décrites dans la campagne du Maine ou dans une petite ville du Montana. Le roman exhale les milieux ruraux et alternatifs, la sueur du travail manuel, le bois fraîchement coupé dont on fabrique les flûtes douces et parfois les cercueils, les vapeurs d’essence, le sang d’abattoir et même les effluves de l’amour.

Les Enfers, roman, Patrick Dujany, éd. Torticolis et Frères : pas loin d’un village au doux nom luciférien, au cours de l’une de ces fameuses torrées comme on n’en fait que sur les crêtes et les flans du massif du Jura, quatre membres de Burning Plane, un groupe de death-metal-core, agrémentent leurs saucisses de champignons hallucinogènes. Pour améliorer le goût de la forestière cuisine, ils l’arrosent de trop d’alcool. C’est au milieu de cette débauche culinaire qu’apparaît Satan. Aux quatre gastronomes, il propose de devenir un groupe de rock mondialement connu, à condition qu’ils lui vendent leurs âmes.

Les choses gonflables, roman, Miguel Angel Morales, éditions Torticolis et Frères : Miguel Angel Morales s’est distingué en fondant le collectif Plonk & Replonk. Mais pas uniquement. Pendant longtemps, il a tenu les chroniques rock du feu quotidien L’Impartial et animé des émissions pour RTN. Les Choses Gonflables ne se résument pas. Elles se lisent. Le récit se déroule, au départ, dans un monde étrange qui ressemble à une parodie du nôtre. Un endroit où vivent les Ploucs et les Beaux. Puis, peu à peu, on change de plan comme si les personnages se promenaient d’univers en univers, dans des mondes parallèles qui se superposent.

Apollinaire: hommage au prolétariat

Apollinaire: le guetteur mélancolique

En ces temps de pandémie mes pensées vont naturellement vers Guillaume Apollinaire qui survécut aux ravages de La Grande Guerre mais pas à la grippe espagnole. En le relisant, je suis tombée sur un hommage rendu au prolétariat. Ce poème figure dans le recueil Le guetteur mélancolique paru chez Gallimard en 1952. Cet ouvrage est composé de poèmes soit inédits, soit éparpillés dans diverses revues.

 

En 2018, lors du centenaire de la disparition du père de la poésie moderne, j’ai écrit en ce lieu un article que vous trouverez ici. Ci-dessous, vous pouvez également découvrir la vie du poète, tout en écoutant quelques-uns de ces poèmes, dans un documentaire délicatement suranné. Cette émission « Un siècle d’écrivains », numéro 175, diffusée sur France 3, le 18 novembre 1998, est réalisée par Jean-Claude Bringuier.