Le spleen du Community Manager

Tous les matins à 7h15, sur La Première, la talentueuse Magali Philip distille une petite chronique vive et pertinente tirée de l’actualité du web. Son regard affuté sur les réseaux sociaux décrypte les rouages de ces plateformes et met en évidence les réussites et les flops les plus flagrants qui s’y distinguent. Ce matin, Sonar – c’est le nom de cette pétillante capsule matinale – mettait l’accent sur le métier de Community Manager qui prend une importance croissante au sein des entreprises. « Gérer l’image d’une marque sur les réseaux sociaux est un métier compliqué et exposé », nous dit Magali Philip. C’est d’autant plus vrai lorsque l’entreprise dudit Community Manager traverse une phase délicate, voire une crise intense.

En l’occurrence, l’exemple de ce matin concernait la compagnie US Airways qui a récemment tweeté par mégarde une photo que l’on qualifiera d’osée, provoquant des haut-le-cœur dans les prudes chaumières étatsuniennes. Et les réseaux sociaux de s’emparer de cette histoire aux relents grivois, notamment pour fustiger l’erreur du chargé de la communication en ligne. Injures, attaques virulentes, moqueries, tout y passe. Du côté de la compagnie aérienne, on se confond en excuses publiques, on tente de minimiser l’affaire en évoquant une bête mégarde sans intention coupable.

Oui, communiquer et défendre la réputation d’une marque ou d’une institution sur les réseaux sociaux est une activité sérieuse qui nécessite une attitude exemplaire et un professionnalisme sans faille. A ceci s’ajoute l’urgence de communiquer, surtout en cas de crise, pour éviter d’abandonner le terrain à la communauté en ligne et à ses imprévisibles outrages. On image déjà le spleen du Community Manager pris en sandwich entre les pressions externes et internes les plus vives.

Certes, le Community Manager est exposé mais il n’est pas seul. En réalité, les plateformes en ligne ne sont rien d’autre qu’un outil de communication supplémentaire. Elles répondent à leurs propres règles – notamment en termes de ton et de rythme – mais leurs acteurs internes doivent impérativement être subordonnés à la communication de l’entreprise ou de l’institution qu’ils représentent. Lorsque Magali Philip dit que US Airways s’est excusée sur les réseaux sociaux « mais aussi via un vrai communiqué de presse officiel », on pourrait comprendre que les Community Managers manient un art spécifique qui se distingue de la communication officielle des entreprises. Cela ne doit évidemment pas être le cas, en particulier en situation de crise. En clair, la prise de parole du Community Manager sur les plateformes qu’il maîtrise doit être rigoureusement alignée aux messages véhiculés par les voies dites traditionnelles. Encore une fois : avec le ton, la vitesse de réaction et la logique de diffusion propres aux canaux en ligne.

D’ailleurs, si l’on y pense bien, ne mesure-t-on pas l’ampleur d’un buzz né sur les réseaux sociaux à la résonance que lui accordent les médias traditionnels?

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.