Ethique et tac, les ventes de VW s’envolent

Sérieusement ! Vous aviez vraiment cru que les automobilistes allaient se détourner des belles Allemandes pour une bête histoire de logiciels truqueurs destinés à flouer les autorités ? Reprenez les éditoriaux et les articles de fond parus lorsque le scandale était au plus vif : la plupart des commentateurs s’accordaient à dire que ça allait faire mal pour la firme de Wolfsburg, de manière durable. J’ai bien essayé, autour de moi, de rappeler les raisons qui poussent les acheteurs à choisir telle ou telle marque, c’était peine perdue. «Non, mais tu te rends compte ? Les gens ne vont pas laisser passer ça ! Aujourd’hui, l’éthique guide de plus en plus les choix des consommateurs !». J’aimerais beaucoup que cela soit vrai, mais les consommateurs demeurent majoritairement motivés par des considérations égoïstes ou opportunistes. De très beaux contre-exemples existent, avec des marques dont le succès se construit sur des principes éthiques et durables, mais le chemin est encore long.

VW, Audi, Mercedes, Porsche, voire Opel, sont des enseignes qui ont construit leur réputation, depuis qu’elles existent, sur des valeurs immuables : fiabilité, sécurité, sobriété, etc. Pour tout le monde, les Allemandes, c’est du solide. Le marché de l’occasion ne s’y trompe pas, si on en juge par la cote tendanciellement plus élevée des marques germaniques par rapport à leurs concurrentes nippones. Sans parler des voitures françaises, italiennes ou américaines qui désespèrent traditionnellement leurs détenteurs à l’heure de la revente. Un logiciel truqueur n’est qu’une protubérance repoussante, facile à séparer de la machine d’un coup de scalpel net et définitif. Une opération cosmétique qui ne touche en rien le cœur, l’ADN de marques reconnues pour leurs qualités mécaniques. Certains en sont profondément convaincus : les voitures italiennes sont peu fiables, les designers japonais sont mauvais ou les constructeurs français privilégient le design à la qualité. Alors oui, la confiance envers VW a été écornée, mais au final, lorsque ces automobilistes envisagent l’achat de leur prochain carrosse, ils continuent de voir les voitures allemandes comme des «valeurs sures».

A mon sens, le public associe de tels scandales davantage aux personnes qui étaient aux commandes de l’entreprise qu’à la marque elle-même. En d’autres termes, tout comme pour les logiciels en cause, le départ des supposés fautifs et les procès en cours ont un pouvoir nettoyant similaire à celui des stations de lavage. Un peu de boue sur vos jantes, quelques rayures légères sur vos portières et votre capot ? Un passage dans le car-wash, un bon coup de polish et tout est oublié ! Ainsi, il n’y a rien de surprenant à constater que les ventes de Volkswagen ont repris leur marche triomphante, après le léger tassement de quelques mois suivant la médiatisation du scandale et quelques effets boursiers passagers. Au-delà du cas VW, la liste des tricheurs est en train de s’allonger, mais rien ne permet de supposer que l’équilibre des forces sur la scène automobile internationale en sera profondément modifié.

Si ces scandales avaient lieu dans le domaine alimentaire ou dans celui de la santé et qu’ils présentaient des dangers – même potentiels – pour les consommateurs, il en serait tout autrement. Et là aussi, au-delà de l’éthique, ce sont avant tout des considérations personnelles (« ma santé ») qui motiveraient les consommateurs à se détourner des marques incriminées. Soyons toutefois optimistes : l’éthique s’impose progressivement parmi les critères de choix des consommateurs, surtout dans les économies riches et parmi les jeunes, ce qui permet de nourrir des espoirs raisonnables.

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.