Quand réformer est une nécessité

Dans un monde complexe et globalisé, soumis à des tensions géopolitiques et commerciales majeures, la Suisse saura-t-elle se montrer agile, politiquement et économiquement? Pour éviter d’entraver le dynamisme et l’attractivité de notre place industrielle et financière, certaines réformes attendues, telles celle de l’impôt anticipé ou encore la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE, s’annoncent très importantes pour les entreprises. Particulièrement techniques, ces objets méritent que les citoyens en soient informés au plus tôt afin d’en cerner les enjeux.

Si les milieux économiques, les Chambres fédérales, les cantons, mais aussi les partis de droite et du centre soutiennent le projet de réforme de l’impôt anticipé, ce n’est pas avec légèreté. Ce projet fiscal, contre lequel le Parti socialiste a lancé un référendum, répond à des objectifs et problèmes très concrets. Le constat actuel? Non seulement l’impôt anticipé sur les intérêts entrave le financement des entreprises, mais il a pour effet de déplacer les activités concernées à l’étranger. Cela n’a rien d’une vue de l’esprit : le marché national des capitaux pour les emprunts est clairement sous-développé en Suisse.

L’objectif de la réforme souhaitée par le Conseil fédéral réside donc dans la suppression de cet impôt « sur les revenus d’intérêts de source suisse » (avec une exception pour les intérêts sur les avoirs auprès des banques). Sans entrer dans les détails, il s’agit fondamentalement de favoriser le rapatriement en Suisse des activités de financement, de groupes d’entreprises notamment. Du point de vue des conséquences financières – une baisse de recettes évaluée à 200 millions de francs par an par le Conseil fédéral -, la réforme est supportable et bien pensée. Encore plus si l’on adopte une vision plus large en considérant également les gains en matière de création de valeur et d’emploi. Ces derniers seraient d’ailleurs d’autant plus importants si les taux d’intérêt venaient à augmenter.

Le Conseil fédéral estime que les pertes de recettes de la Confédération seront compensées après cinq ans déjà, alors que les cantons et les communes pourront compter sur des recettes supplémentaires dans un délai encore plus court. Imaginez l’effet attendu sur les collectivités publiques : comme les taux d’intérêt des emprunts offerts seront plus bas, elles pourront se financer à moindre coût, et la réforme pourrait même s’autofinancer dès son entrée en vigueur. Selon les estimations de l’Administration fédérale des finances, la Confédération, les cantons et les communes verront ainsi leurs charges diminuer de 65 à 200 millions de francs par an.

Une vision profitable à tous

En septembre, tout un chacun sera invité à se positionner face au référendum. Il s’agira de le rejeter, parce que la réforme proposée bénéficiera à toute la société, par les activités et recettes supplémentaires attendues. Bien sûr, les entreprises internationales et la place financière y gagneront, mais toute l’économie profitera finalement d’un marché des capitaux plus développé, qui offrira de meilleures possibilités de financement et de placement.

Nous pouvons nous réjouir des bons résultats de la politique fiscale suisse ces dernières années, les réformes de l’imposition des entreprises ayant fait croître les recettes, cela au profit de tous. Dans le Canton de Vaud, le total des impôts des personnes morales (capital et bénéfice) a encore augmenté après l’introduction de la RFFA, atteignant en 2020 le montant remarquable de 776,7 millions de francs. Pour faire face aux enjeux à venir, y compris du point de vue de la compétitivité de nos entreprises, sachons une fois encore évoluer. La réforme de l’impôt anticipé élimine en fait un défaut de notre système fiscal, pour que notre pays rapatrie des activités, des emplois et des recettes fiscales. Permettre aux entreprises de payer leurs impôts en Suisse, d’innover, de performer et d’afficher une santé financière qui se reflète dans la société exige cette clairvoyance.

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La sécurité et la liberté de voyager ont un prix

L’agence Frontex a été créée pour renforcer et coordonner les contrôles aux frontières extérieures dans l’espace Schengen. Pour consolider ce dispositif, la Suisse doit accroître sa participation financière. Une contribution nécessaire dans une approche sécuritaire.  

Plus d’accès au Système d’information Schengen (SIS), rétablissement des contrôles systématiques aux frontières, vacanciers suisses condamnés à de longues files d’attente aux postes de douane européens, obtention d’un visa spécifique  en plus d’un visa Schengen pour les touristes extra-européens visitant notre pays! Tel serait le lourd tribut à payer en cas de rejet de notre participation à l’élargissement de Frontex, lors des votations fédérales du 15 mai prochain. Le bon sens commande d’accepter cet objet, qui conduira la Suisse à participer au développement de cette Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. En mettant à disposition du personnel et du matériel supplémentaires, notre contribution financière passerait de 24 millions de francs en 2021 à 61 millions en 2027. 

La Suisse fait partie de l’espace Schengen depuis 2008. Afin de garantir la sécurité dans ce périmètre, les États membres coopèrent étroitement. Ils sont soutenus par Frontex, agence à laquelle la Suisse participe depuis 2011, pour le contrôle des frontières extérieures. Frontex est en développement dans l’Union européenne (UE) depuis la fin de 2019. Le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé que la Suisse s’y associerait, en augmentant progressivement sa contribution financière. Le référendum a été demandé contre ce projet: les opposants estiment que notre pays, par son soutien financier à cet organisme, se rend coresponsable de violations des droits de l’homme. Il n’en est rien. Cette agence améliore la coopération européenne en matière de protection des frontières et de rapatriement des personnes entrées illégalement, et permet ainsi de mieux faire respecter les droits fondamentaux des migrants. 

Un enjeu considérable 

L’enjeu est énorme, je le rappelle: un rejet du développement de Frontex par les urnes risquerait de causer l’exclusion de la Suisse du réseau Schengen/Dublin. Les autorités sécuritaires de notre pays n’auraient ainsi plus accès au Système d’information Schengen, qui aide la Confédération à lutter contre la criminalité internationale, le terrorisme et les migrations irrégulières. Chaque jour, plus de 300’000 demandes sont faites en Suisse dans le SIS par les polices cantonales, les garde-frontières et les offices des migrations, qui aboutissent à près de 20’000 résultats positifs chaque année. C’est dire si cet instrument est indispensable. 

Sortir de Schengen/Dublin marquerait en outre le retour des contrôles frontaliers systématiques. Or quelque 2’200’000 personnes passent chaque jour notre frontière. Ces contrôles provoqueraient d’importants temps d’attente et des embouteillages aux points de passage, dans les deux sens, sans parler des coûts et des problèmes de recrutement de personnel engendrés. Par ailleurs, les nombreux touristes extra-européens qui visitent la Suisse lors d’un voyage en Europe devraient, en plus de leur visa Schengen, demander un visa spécifique pour notre pays. Cette contrainte supplémentaire pourrait décourager certains voyageurs d’inclure la Suisse dans leur tour d’Europe, au grand dam du secteur touristique.  

Cet espace de sécurité commun est mis à mal par les importants mouvements de réfugiés et l’augmentation de la criminalité transfrontalière de ces dernières années. Les garde-frontières nationaux ont souvent été dépassés et des violations des droits de l’homme ont été constatées. Frontex doit donc être développée afin d’améliorer la coopération européenne en ce domaine. C’est pourquoi un oui déterminé s’impose le 15 mai prochain. 

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Ne renonçons pas aux avancées médicales!

L’interdiction de toute expérimentation animale et humaine, exigée par une initiative, est trop extrême. Tester des médicaments sur des êtres vivants reste indispensable. Grâce à la recherche, nous profitons d’acquis fondamentaux, comme les vaccins.

Chacun d’entre nous a déjà vu ces images d’animaux de laboratoire dans des postures peu enviables. Au-delà de l’émotion que cela peut susciter, il faut admettre que la recherche médicale, en recourant à des expériences sur des rongeurs, par exemple, a permis de doubler l’espérance de vie humaine en un siècle. C’est un acquis fondamental dont tout le monde profite aujourd’hui. Cela nous a permis de développer rapidement des vaccins contre le Covid et de réfléchir à des nouveaux médicaments en cette période de pandémie. C’est la raison pour laquelle je voterai non à l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès», soumise au vote le 13 février prochain.

Ce texte extrême ne vise pas seulement à interdire l’expérimentation animale et humaine: il entend bannir l’importation et le commerce de tous les produits faisant l’objet de telles pratiques. De ce fait, l’initiative met en danger de manière irresponsable la santé de notre population, en compromettant l’approvisionnement en médicaments vitaux et en privant les patients des dernières avancées scientifiques.

Pratiques bien encadrées

En Suisse, la barbarie dénoncée par les initiants n’a pas cours: les chercheurs sont tenus de réduire au minimum les pratiques expérimentales sur des animaux et d’utiliser des méthodes alternatives lorsque cela est possible. Les essais sur les animaux ne sont menés que s’ils sont indispensables et irremplaçables pour des raisons scientifiques, éthiques et réglementaires. En Suisse, l’expérimentation animale a diminué de 70% depuis les années 1980. De plus, le Conseil fédéral a lancé l’an dernier un nouveau programme de recherche, doté de 20 millions de francs, destiné à réduire encore le nombre de ces expériences. La recherche sur l’être humain, visée elle aussi par l’initiative, est également soumise à des principes et limites éthiques et juridiques. Ce cadre garantit un niveau élevé de protection.

De fait, l’initiative menace clairement d’affaiblir la recherche et l’innovation suisses, remettant ainsi en cause un facteur clé de la prospérité de notre pays. Si ce texte devait être adopté, il ne fait pas de doute que nombre d’entreprises et d’instituts de recherche devraient délocaliser une partie de leurs activités, ou tout bonnement s’expatrier. Les expérimentations dénoncées seraient alors menées dans des pays bien moins soucieux des animaux de laboratoire que le nôtre. A dire d’expert, l’initiative enfreindrait même des traités internationaux, laissant ainsi planer la menace de représailles mettant à mal l’industrie d’exportation suisse.

L’expérimentation animale est un élément clé du développement des médicaments. Des maladies graves ont été pratiquement éradiquées. Les vaccins ont permis de maîtriser de nombreuses maladies infectieuses, comme on l’a vu avec la pandémie de Covid. La recherche sur le cancer a également beaucoup progressé. Au cours des trois dernières décennies, le taux de mortalité des malades cancéreux a ainsi fortement baissé, une évolution à mettre au crédit des essais cliniques. Voulons-nous vraiment renoncer à ces formidables avancées? C’est pourquoi je glisserai un non ferme dans les urnes le 13 février.

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Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

Reliquat d’une époque fiscale lointaine, le droit d’émission sur capital propre reste une taxe absurde pénalisant les entreprises qui investissent, en particulier les PME. Soumise au vote le 13 février prochain, sa suppression s’impose en ces temps de pandémie, pour la prospérité de notre économie.

La suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre, l’un des objets des votations fédérales du 13 février prochain, est demandée depuis plusieurs années par les milieux économiques. L’heure de l’abolir semble avoir enfin sonné. De quoi s’agit-il? Cette taxe de 1% frappe tout capital nouvellement créé. Elle concerne toute société émettrice de nouvelles actions et touche ainsi directement l’outil de production des entreprises. En clair, l’investissement en capital propre dans une société se trouve amputé de ressources dont les entrepreneurs auraient bien besoin, en particulier les dirigeants de PME.

D’un point de vue strictement économique, cette taxe est contre-productive lorsqu’on prend conscience que chaque franc investi dans une start-up est nécessaire à sa croissance. Le patron d’une scale-up de la région, en pleine recherche de fonds indispensables à son développement, a dû payer au titre de cette taxe près de 700’000 francs, ce qui représente à peu près six postes de travail qu’il n’a pas pu créer. Un non-sens. Cette pratique, qui remonte au début du XXe siècle, n’existe nulle part ailleurs qu’en Suisse sous cette forme. Il est impératif de s’en affranchir au plus vite, a fortiori à une époque où les incertitudes conjoncturelles et structurelles se multiplient à l’horizon. Le Conseil fédéral lui-même considère le droit d’émission comme obsolète et néfaste à la place économique suisse.

Un frein à l’esprit d’entreprise

Ce droit de timbre constitue à l’évidence un frein à l’esprit d’entreprise. Il est particulièrement lourd pour les PME touchées par la pandémie. C’est précisément en période de crise que les firmes ont besoin d’augmenter leurs fonds propres afin de compenser leurs pertes et se montrer ainsi plus résilientes. Lorsqu’un chef d’entreprise augmente le capital propre de sa société, il prend certes un risque, mais il crée surtout des emplois. Il apparaît clairement absurde de le pénaliser par une taxe.  La suppression de ce droit d’un autre temps est d’autant plus urgente et pertinente que la pandémie complique singulièrement la vie des entreprises. Par ailleurs, les réformes fiscales prévues par l’OCDE visant à établir des taux d’imposition minimaux sur les sociétés vont contraindre la Suisse à renforcer sa compétitivité pour maintenir son rang de nation à succès.

Les opposants à cette réforme arguent qu’elle fera perdre 250 millions de recettes fiscales par an à la Confédération, soit à peine 0,35 pourcent des recettes fédérales. Cette perte sera largement compensée selon une étude de BAK Economics, publiée en juin 2019. Celle-ci conclut que la suppression du droit d’émission, couplée à une réforme de l’impôt anticipé, serait clairement rentable, y compris pour les caisses de l’État. Les experts estiment que le PIB augmenterait en outre d’environ 1,4 % sur dix ans, ce qui correspond à environ 22’000 nouveaux emplois à temps plein. Dire oui à cette suppression, c’est donc investir dans les emplois et la prospérité.

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Un milliard au nom de la cohérence

Une large alliance des milieux économiques, scientifiques, culturels, politiques et de la société civile demande au Parlement fédéral le déblocage rapide de la deuxième contribution de cohésion. Une nécessité pour rentrouvrir la porte de l’Union européenne.

Les thèmes brûlants ne manquent pas lors de la session parlementaire qui s’est ouverte lundi à Berne, à l’image du débat sur l’AVS. L’un des points d’orgue est toutefois attendu le 30 septembre avec la discussion sur la modification des arrêtés fédéraux relatifs à la deuxième contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l’Union européenne (UE), le fameux «deuxième milliard de cohésion».

Le Parlement fédéral a approuvé cette contribution en décembre 2019, à la condition que l’UE n’adopte pas de mesures discriminatoires à l’encontre de la Suisse, comme le non-renouvellement de l’équivalence boursière, qui perdure, d’ailleurs. Le Conseil fédéral entend supprimer cette condition et débloquer autant la contribution… que la situation. Il souhaite ainsi montrer à Bruxelles que, malgré la fin des négociations sur l’accord-cadre, il reste un partenaire fiable.

Le Conseil fédéral joue un peu au pompier pyromane, car c’est bien lui qui, en rejetant l’accord institutionnel en mai dernier, a mis le feu aux poudres. A cause de cette décision irraisonnée, notre pays est désormais traité comme un «pays tiers non associé» dans les trois grands programmes de coopération européens relatifs à la recherche (Horizon Europe), à l’éducation (Erasmus+) et à la culture (Europe créative), et demeure ainsi exclu de participations essentielles. Cette situation est dramatique pour les milieux concernés.

Un appel vibrant

Dans ce contexte périlleux, une large alliance des milieux économiques (dont la CVCI), scientifiques, culturels, politiques et de la société civile a adressé une lettre aux parlementaires fédéraux les enjoignant à approuver le plus rapidement possible la deuxième contribution à la cohésion. «Nous avons maintenant besoin de vos votes clairs pour que le Conseil fédéral fasse tout son possible pour que la Suisse puisse à nouveau participer aux trois grands programmes de coopération en tant que partenaire pleinement associé. Faire cavalier seul n’est pas une solution», lit-on dans cette missive.

Aujourd’hui, les chercheurs suisses ne peuvent plus soumettre de demandes individuelles pour les subventions du Conseil européen de la recherche (CER). La perte de ces réseaux et de ces sources de financement affecte non seulement les Ecoles polytechniques fédérales et les universités, mais aussi les Hautes écoles spécialisées, ainsi que de nombreuses entreprises concernées. La Suisse est en mesure de combler un ou deux déficits de financement par des mesures de rattrapage. Mais cela ne saurait compenser les opportunités de mise en réseau tout aussi précieuses, ainsi que la possibilité pour les jeunes chercheurs de constituer et de diriger leurs propres équipes de projet à partir d’ici, grâce aux subventions CER.

La politique européenne de la Suisse se trouve aujourd’hui au point mort. Les Chambres fédérales disposent d’une occasion rêvée de contribuer un tant soit peu à la normalisation de nos relations avec Bruxelles. Ce premier pas, je souhaite qu’elles le fassent sans équivoque le 30 septembre prochain. La Suisse ne saurait éconduire une fois de plus – une fois de trop? – son principal partenaire commercial.

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Non à un texte aussi inutile que néfaste

L’initiative 99% veut imposer plus lourdement le capital des plus riches pour réduire l’imposition des moins aisés. Problème: elle frapperait également les PME, les sociétés familiales et les start-up. C’est pourquoi un non résolu s’impose.

La lutte des classes n’appartient décidément pas au passé, en dépit des progrès sociaux importants qui ont marqué l’évolution de notre société. J’en veux pour preuve l’initiative des Jeunes socialistes, intitulée 99%, qui propose de surimposer les revenus du capital des plus aisés pour réduire l’imposition des faibles revenus ou pour financer des prestations sociales telles que des crèches, des subsides à l’assurance-maladie ou la formation. Ce texte souffre à mes yeux de deux défauts majeurs: il propose d’ajouter des revenus fictifs à des revenus réels, un non-sens fiscal, et promet de causer de nombreux dégâts collatéraux à l’économie et à la classe moyenne.

Cette initiative, dans le fond, n’a pas lieu d’être. En matière fiscale, la Suisse est plus égalitaire que bien d’autres pays. Par le biais de la progressivité des taux, les personnes aisées paient une part proportionnellement bien plus élevée d’impôts sur le revenu et la fortune, ce qui permet aux personnes plus modestes d’en être exonérées. L’effet de la progression en Suisse se reflète dans le fait que le 1% des plus riches dispose d’environ 11% de tous les revenus et paie 24% de tous les impôts sur le revenu. Autre effet funeste de ce texte: il frapperait également les PME et les sociétés familiales, les jeunes entreprises (start-up), les propriétaires de logement ou de biens agricoles, ainsi que les épargnants. On est très loin du 1% des contribuables visés.

Statut peu enviable

Au-delà de ces évidences chiffrées, le texte soumis au vote le 26 septembre prochain est indéfendable, car il instaure de nouveaux impôts. Les revenus pris en compte seraient taxés à 150%, ajoutant ainsi des revenus supplémentaires fictifs à des revenus réels, ce qui est parfaitement contraire à la logique d’un système fiscal moderne. Ce mécanisme n’existe nulle part ailleurs. L’initiative conférerait ainsi à la Suisse le statut peu enviable de pays où l’on taxe les gens sur un revenu qu’ils n’ont même pas réalisé. Cela découragerait les investisseurs et réduirait drastiquement la constitution de capital dans les entreprises. Comment, dès lors, résister aux crises, investir, innover et créer des emplois?

Autre élément à prendre en compte avant de glisser un non résolu dans l’urne: l’initiative ne ferait que prolonger la crise économique provoquée par la pandémie. Elle n’apporte rien aux personnes les plus fragilisées, qui ne demandent pas l’aumône, mais souhaitent pouvoir recommencer à travailler. En outre, l’augmentation de l’imposition des PME fragiliserait les entreprises pour lesquelles des milliards d’aides ont été débloqués. Ce n’est vraiment pas le moment d’ajouter un écueil supplémentaire à la reprise que nous espérons tous.

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Fiscalité et prospérité vont rimer un peu moins bien

Les pays du G7 viennent de se mettre d’accord sur un impôt harmonisé d’au moins 15% pour les grandes entreprises. La Suisse pourrait-elle en pâtir? Sans doute, mais la charge fiscale n’est heureusement qu’un des critères pour le choix d’un lieu d’implantation. Les conditions-cadres restent déterminantes. A nous d’œuvrer à leur pérennisation.

L’intention, dans l’air depuis un certain nombre d’années, s’est concrétisée au début de ce mois sous l’impulsion du nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden. Les responsables des Finances du G7 ont annoncé un accord «historique» sur un impôt mondial minimum et une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, et particulièrement des GAFAM, les géants du numérique. Il s’agit d’un premier pas: le G20 doit encore mettre cette proposition sur la table et convaincre les 140 pays qui travaillent sur le projet de réforme fiscale sous l’égide de l’OCDE.

Il n’empêche: c’est «une véritable révolution, comme l’a confié Xavier Oberson, avocat fiscaliste et professeur de droit fiscal suisse et international, sur les ondes de la RTS. C’est la première fois que la communauté internationale se met d’accord sur une sorte d’harmonisation mondiale pour avoir un taux minimum.» Les pays du G7 entendent manifestement mettre fin à la concurrence fiscale dans le monde à un moment où les caisses des Etats ont été vidées par la pandémie, pendant que celles des colosses du digital se remplissaient grâce au confinement. Il faudra cependant veiller à ce que les Etats-Unis ne maintiennent pas leurs niches fiscales, comme l’Etat du Delaware, ou des déductions qui contribueraient à baisser l’imposition.

Vue d’ici, la décision du G7 a toute l’apparence d’une mauvaise nouvelle. Terre d’implantation de nombreuses multinationales, la Suisse pourrait ainsi être contrainte de revoir sa fiscalité favorable et perdre de ce fait de son attractivité, d’autant plus que les coûts de production y demeurent élevés. Dans ce contexte de grand lissage fiscal à venir, il s’agira plus que jamais de mettre en avant l’atout essentiel que représentent nos conditions-cadres: la sécurité juridique, un écosystème innovant et performant, des Hautes écoles de haut niveau, ainsi que la stabilité politique.

Vent de fronde malvenu

Attention toutefois à ce dernier aspect! Les récentes votations (entreprises responsables, accord de libre-échange avec l’Indonésie, loi sur le CO2) ont montré qu’un vent de fronde souffle au sein de la population contre cette Suisse de l’économie qui serait source de tous les maux. Les temps où les mots d’ordre du Conseil fédéral suffisaient pour convaincre la population d’adhérer à ses vues ouvertes sur le monde semblent révolus, alors que ceux des partis sont de plus en plus broyés et dévoyés par les réseaux sociaux.

C’est oublier un peu vite que l’économie représente des emplois, des salaires, des recettes fiscales et un système social éprouvé, et qu’elle constitue de ce fait rien de moins que le socle de notre prospérité. Pour les organisations économiques, un important travail d’explication devient dès lors indispensable. La CVCI saura porter ce message, soyez-en certains.

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Un oui indispensable pour soutenir l’emploi et la reprise

Les aides financières prévues par la loi Covid-19 sont absolument nécessaires pour permettre aux entreprises de surmonter la plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Un rejet remettrait en cause les mécanismes de soutien cantonaux.

Dix milliards de francs d’aides, dont six destinés aux PME dont le chiffre d’affaires atteint 5 millions au plus. La loi Covid-19, sur laquelle le peuple se prononcera le 13 juin prochain, revêt une importance cruciale pour les entreprises victimes de la pandémie. Elle permet de soutenir financièrement des centaines de milliers de personnes et de sociétés qui sont dans une situation de détresse, et donc de préserver emplois et salaires. Les aides ont été sans cesse réévaluées au fil de la crise. Le processus s’est stabilisé, il faut maintenant adopter ce texte. L’économie en a encore besoin, car en dépit de la vaccination qui progresse, la crise n’est pas encore derrière nous.

Ce texte traite pour l’essentiel des mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises, en son article 12. L’enveloppe est complétée par une aide de 3 milliards prévue pour les grandes entreprises actives dans toute la Suisse, dont le chiffre d’affaires dépasse 5 millions. En cas de rejet, comme il s’agit d’une loi urgente, toutes les aides prendraient fin le 25 septembre, laissant l’économie dans la panade. Il faudrait alors légiférer de nouveau, ce qui constituerait une perte de temps dangereuse. Ces aides sont indispensables pour compenser le préjudice que cette pandémie a causé à l’économie sans qu’elle en soit responsable. Un non remettrait par ailleurs en question les mécanismes d’aide mis en place par les cantons. Ceux-ci ne tiennent que par les aides fédérales. Les indépendants et les dirigeants d’entreprise, exclus de tout droit à une indemnisation, bénéficieront aussi des mesures prévues dans la loi, par le biais d’allocations pertes de gain. C’est pourquoi la CVCI invite ses membres à accepter la loi Covid-19 dans moins de 15 jours.

Pas une mesure liberticide

Les adversaires de cette législation ont monté ces dernières semaines une polémique stérile sur le certificat sanitaire, couché à l’art. 6a de la loi. Il ne s’agit en aucune manière d’une contrainte, ni d’une mesure liberticide, mais d’une solution qui nous aidera à sortir rapidement de la crise et à retrouver un semblant de cette normalité à laquelle nous aspirons tous. Cet outil permettra notamment de goûter de nouveau aux voyages et d’assister à de grands événements. Qui n’en rêve pas? La Confédération, en outre, assumera le coût des tests, ce qui n’est pas négligeable. En revanche, ce texte n’a aucune influence sur la levée des restrictions mises en place par le Conseil fédéral, qui s’appuient sur la loi sur les épidémies.

Les dispositions de la loi Covid-19 ont permis jusqu’à présent de préserver des emplois et d’éviter des faillites. Son rôle ne s’arrête pas là: elle pose les jalons d’une reprise de l’économie et d’un retour à une vie normale. Autant de bonnes raisons pour l’adopter le 13 juin prochain.

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La voie bilatérale est en grand danger

En décidant hier d’enterrer l’accord-cadre avec Bruxelles, le Conseil fédéral affaiblit dangereusement notre place économique. L’avenir de nos relations avec l’UE se complique. Il s’agit désormais de se montrer inventif après ce coup de Trafalgar.

Tout ça pour ça! Même si la décision était dans l’air depuis plusieurs semaines, on peine à concevoir que le Conseil fédéral a bel et bien interrompu abruptement les discussions avec Bruxelles sur l’accord-cadre! Comme le redoutait hier dans «Le Temps» l’ancien secrétaire d’Etat Jean-Daniel Gerber, «nous risquons de nous retrouver dans une situation proche de celle de 1992 après le non du peuple à l’Espace économique européen». Durant la décennie qui avait suivi ce rejet, rappelons-le, la Suisse avait connu la plus faible hausse du PNB en Europe, juste devant l’Italie…

Mais quelle mouche a bien pu piquer le gouvernement? Cet accord, qu’il a souhaité dès le début, était censé consolider les relations bilatérales avec notre principal partenaire commercial, et permettre d’autres accords sectoriels à venir. Et là, patatras! Divisé, sans leadership, sans plan B, le Conseil fédéral a plombé nos perspectives. Les syndicats portent eux aussi une part de responsabilité dans cet échec, qui risque de péjorer l’emploi en Suisse à terme. Une première conséquence, hormis le fait de fâcher Bruxelles, va se faire sentir immédiatement: dès aujourd’hui, l’accord sur la reconnaissance mutuelle des produits médicaux tombe. Si la plupart des medtech suisses s’y sont préparées en recourant à un système de mandataires, il existe un risque de pénurie de dispositifs médicaux et de perte de compétitivité. Certaines d’entre elles seront peut-être même tentées de délocaliser leur production.

Ce n’est hélas pas tout! Des conséquences funestes pourraient toucher les domaines de la recherche et de la formation, sans parler d’autres échéances à venir concernant les produits agricoles ou encore le domaine des transports. La Commission européenne a par ailleurs fait savoir qu’un rejet de l’accord institutionnel barrait la route à un nouvel accord sur le marché de l’électricité. On le voit, à chaud, les perspectives ne sont pas très encourageantes.

Bruxelles ne nous fera pas de cadeaux

Comme l’a fait savoir hier la faîtière economiesuisse, «une relation stable à long terme avec l’Union européenne et ses États membres reste de la plus haute importance pour l’économie suisse. Préserver les avantages de la voie bilatérale doit donc rester un objectif prioritaire.» L’accord-cadre aux oubliettes, il s’agit maintenant de stabiliser les accords existants et de limiter les dommages prévisibles pour notre place économique. La tâche s’annonce ardue, car Bruxelles ne nous fera pas de cadeaux après avoir été éconduite d’une façon aussi arrogante. Berne juge-t-elle réaliste de proposer autre chose qu’une reprise du droit européen sans réciprocité?

En jetant cet accord à la corbeille, le Conseil fédéral empêche enfin la population de se prononcer sur nos relations avec l’UE. Même si ce domaine relève de la compétence gouvernementale, il me semble que les enjeux en présence méritaient largement que l’on donne la parole aux citoyens. Berne a failli sur toute la ligne.

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Le modèle suisse a encore de l’avenir

Notre enquête conjoncturelle de printemps montre que l’économie vaudoise résiste relativement bien malgré la pandémie. Mais que va-t-il se passer lorsque les aides étatiques vont prendre fin? Conserver et entretenir de bonnes conditions-cadres sera l’une des clés pour rebondir.

Nul besoin d’être grand clerc pour l’imaginer: l’année 2020 a été difficile pour les entreprises vaudoises, comme le montrent les résultats de notre enquête conjoncturelle de printemps, qui vient d’être publiée. La pandémie a lourdement pesé sur la marche des affaires pour plus de la moitié d’entre elles, comme l’illustre notamment l’évolution générale des chiffres d’affaires et bénéfices. Bien que la grande majorité des sociétés sondées ne prévoie pas de réduction d’effectifs, seul un quart d’entre elles s’attend à une situation bénéficiaire en progression cette année.

La présentation de ces résultats montre que malgré la soudaineté, la dureté et la durée de la crise pandémique, l’économie vaudoise résiste relativement bien. Mais que va-t-il se passer lorsque les aides étatiques vont se terminer? C’est bien là que se situe l’enjeu majeur pour notre économie. La plupart des pays, Etats-Unis et Union européenne en tête, mettent en place des programmes d’aides massives, notamment de relance industrielle, sans considération du poids de la dette qui en découlera sur les générations futures. Ce n’est pas une manière de procéder usuelle dans une économie typiquement libérale comme la nôtre.

Une voie qui a fait ses preuves

La prospérité de notre pays s’est construite sur des conditions-cadres performantes et favorables pour les entreprises. Poursuivre dans cette voie me paraît opportun. Les pistes d’un rebond futur ont pour noms diversification de nos échanges et promotion de la numérisation. Il s’agira notamment d’investir dans le développement durable à travers la technologie, afin que la Suisse devienne leader dans le domaine. Une piste que le Fonds pour le climat prévu par la loi sur le CO2 exploiterait judicieusement, d’ailleurs. Avec son tissu économique innovant et ses Hautes écoles de premier plan, notre pays dispose d’un potentiel prometteur.

Dans une longue interview publiée par «Le Temps» samedi dernier, Gerhard Schwarz, président du laboratoire d’idées Progress Foundation, ne dit pas autre chose. Il est d’avis que la Suisse conserve d’excellentes perspectives malgré la pandémie. Pour lui, nos particularismes politiques ne sont pas des obstacles à sa prospérité, mais l’une des meilleures raisons. C’est la thèse qu’il défend dans son ouvrage «Die Schweiz hat Zukunft». «La Suisse est un modèle qui ne fonctionne pas uniquement par beau temps», écrit-il. Plus loin, il affirme que «la Suisse n’est pas en déclin. Elle n’est pas entièrement conservatrice. Elle avance et se réforme par petites touches. Le modèle suisse est promis à un bel avenir. Aucun autre pays n’accueille autant de multinationales, relativement à sa population.» Il est vrai que si la diversité de notre tissu économique est un atout majeur, les entreprises internationales sont l’un des piliers de notre réussite, ce que l’on l’oublie trop souvent.

Pour l’auteur, enfin, les conditions-cadres restent un formidable atout à conserver et entretenir.» On ne saurait mieux dire.

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