Fiscalité et prospérité vont rimer un peu moins bien

Les pays du G7 viennent de se mettre d’accord sur un impôt harmonisé d’au moins 15% pour les grandes entreprises. La Suisse pourrait-elle en pâtir? Sans doute, mais la charge fiscale n’est heureusement qu’un des critères pour le choix d’un lieu d’implantation. Les conditions-cadres restent déterminantes. A nous d’œuvrer à leur pérennisation.

L’intention, dans l’air depuis un certain nombre d’années, s’est concrétisée au début de ce mois sous l’impulsion du nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden. Les responsables des Finances du G7 ont annoncé un accord «historique» sur un impôt mondial minimum et une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, et particulièrement des GAFAM, les géants du numérique. Il s’agit d’un premier pas: le G20 doit encore mettre cette proposition sur la table et convaincre les 140 pays qui travaillent sur le projet de réforme fiscale sous l’égide de l’OCDE.

Il n’empêche: c’est «une véritable révolution, comme l’a confié Xavier Oberson, avocat fiscaliste et professeur de droit fiscal suisse et international, sur les ondes de la RTS. C’est la première fois que la communauté internationale se met d’accord sur une sorte d’harmonisation mondiale pour avoir un taux minimum.» Les pays du G7 entendent manifestement mettre fin à la concurrence fiscale dans le monde à un moment où les caisses des Etats ont été vidées par la pandémie, pendant que celles des colosses du digital se remplissaient grâce au confinement. Il faudra cependant veiller à ce que les Etats-Unis ne maintiennent pas leurs niches fiscales, comme l’Etat du Delaware, ou des déductions qui contribueraient à baisser l’imposition.

Vue d’ici, la décision du G7 a toute l’apparence d’une mauvaise nouvelle. Terre d’implantation de nombreuses multinationales, la Suisse pourrait ainsi être contrainte de revoir sa fiscalité favorable et perdre de ce fait de son attractivité, d’autant plus que les coûts de production y demeurent élevés. Dans ce contexte de grand lissage fiscal à venir, il s’agira plus que jamais de mettre en avant l’atout essentiel que représentent nos conditions-cadres: la sécurité juridique, un écosystème innovant et performant, des Hautes écoles de haut niveau, ainsi que la stabilité politique.

Vent de fronde malvenu

Attention toutefois à ce dernier aspect! Les récentes votations (entreprises responsables, accord de libre-échange avec l’Indonésie, loi sur le CO2) ont montré qu’un vent de fronde souffle au sein de la population contre cette Suisse de l’économie qui serait source de tous les maux. Les temps où les mots d’ordre du Conseil fédéral suffisaient pour convaincre la population d’adhérer à ses vues ouvertes sur le monde semblent révolus, alors que ceux des partis sont de plus en plus broyés et dévoyés par les réseaux sociaux.

C’est oublier un peu vite que l’économie représente des emplois, des salaires, des recettes fiscales et un système social éprouvé, et qu’elle constitue de ce fait rien de moins que le socle de notre prospérité. Pour les organisations économiques, un important travail d’explication devient dès lors indispensable. La CVCI saura porter ce message, soyez-en certains.

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

2 réponses à “Fiscalité et prospérité vont rimer un peu moins bien

  1. Oui c’est trés juste que ce n’est qu’un critère. Je viens de voir votre blog et salue votre information. Certains autres critères comme l’acceuil, la bienveillance et la compréhension des intérets de notre entreprise versus ceux de la région sont ultra importants! Mais comme on peut le voir par exemple dans notre cas lorsqu’on essaye de discuter avec les autorité communale pour comprendre la sensibilité des uns et des autres, nous qui cherchions à implanter notre société sur Lonay avons été déçu par le manque de dialogue et le peu d’intéret que nous représentions pour cette région. A croire que le canton de Vaud est trop gâté. Nous avons donc décider en 2 semaines d’implanter notre société juste de l’autre coté de la frontière pour avoir ce petit plus que peuvent nous offrir certaines régions. En quelques mois nous avons engagé plus de 30 personnes depuis la petite expérience Vaudoise….

  2. Les poids lourds de l’économie mondiale et suisse ne tournent pas comme des girouettes avec le vent, heureusement. La taxation à 15% n’est pas encore en place et ne fait que rajouter aux incertitudes. La Suisse demeurera symbole de longévité à long-terme et de stabilité juridique. Ne craignons pas les changements, accompagnons-les. Peut-être La Suisse aura besoin d’introduire dans la loi une règle aux entreprises qui veulent partir de chez nous; que si elle pense revenir en Suisse un jour, elles doivent s’acquitter d’une taxe importante en guise de soupçons que leur départ s’inscrivait dans une logique d’évasion fiscale. Les responsables suisses qui ne croient pas en un avenir prospère de notre pays doivent démissionner pour laisser la place à ceux qui y croient.

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