La nomination de deux juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce est bloquée par les États-Unis. Le régulateur du commerce planétaire s’en trouve paralysé. Coup de projecteur sur un embrouillamini préoccupant.
C’est une crise grave qui clôt l’année 2019 du commerce mondial. Hier, deux des trois juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont arrivés au terme de leur mandat, et aucun successeur n’a été désigné. Les Etats-Unis bloquent cette nomination, rendant impossible le traitement des plaintes qui sont soumises à cet organisme indépendant d’arbitrage. Pour deux juges, le régulateur du commerce planétaire est paralysé. Sa survie n’est pas en jeu, assure son président, des solutions existent pour résoudre encore des conflits commerciaux entre Etats, mais l’on sent bien que la donne a changé. Et que l’on n’est plus du tout dans l’élan d’après-guerre qui a mené, sur plus de cinquante ans, à la formalisation multilatérale des échanges commerciaux mondiaux depuis le centre William-Rappard, à l’entrée est de Genève, siège d’abord du GATT puis de l’OMC.
Évidemment, celui qui incarne l’opposition aux règles définies par l’OMC porte un nom: Donald Trump. Le président de l’ «Amérique d’abord» («America First») ne semble accepter les verdicts du gardien mondial du commerce que lorsqu’ils sont prononcés en faveur des intérêts américains. Cela dit, cette tendance n’est pas nouvelle: les USA ont toujours vu avec scepticisme l’existence d’une juridiction supra territoriale, en considérant de surcroît que l’organe d’appel extrapolait à partir des règles existantes plutôt que de les faire appliquer. En 2011 déjà, l’administration Obama avait menacé de ne pas remplacer un juge. La posture n’a fait que se durcir.
Règles à adapter
Les Américains ont certainement raison sur un point: les règles en vigueur lors de l’avènement de l’OMC, en 1994, doivent être adaptées aux réalités du XXIe siècle. Les distorsions concurrentielles nées de situations politico-économiques divergentes (libre marché ou économie dirigiste) se sont accrues, la rapidité des échanges aussi, la numérisation et la dématérialisation ont changé les équilibres. La question reste entière de savoir qui veut vraiment d’un système indépendant qui fonctionne. La Suisse, elle, est prête à apporter sa contribution. Elle fait partie d’un groupe de 60 pays qui veulent réformer le système pour le renforcer.
Pour l’instant, ce contexte de guerre douanière à géométrie variable (la Chine constamment, mais soudain la France, puis le Brésil et l’Argentine sont pénalisés), où les taxes sur les produits et services sont le bras armé d’une politique protectionniste censée favoriser les intérêts d’une industrie, d’une agriculture ou d’une économie nationale au détriment des autres, a un effet profond sur le climat économique global. À des mesures et des prévisions de croissance en baisse – récemment encore, le FMI – s’ajoutent l’incertitude et l’imprévisibilité, ces ennemies des entreprises. Et à long terme, personne n’est gagnant, pas même le paysan de l’Ohio ou l’ouvrier de Pennsylvanie. La guerre, même commerciale, fait toujours des victimes, et dans chaque camp.
Crédit photo: WTO
LOMC c’est 164 membres. Soixante pays (36%), dont la Suisse, veulent réformer l’OMC dans le but de la renforcer. C’est très bien, mais ce ne sont que des paroles diplomatiques. Les chances d’application d’une telle réforme sont actuellement quasi nulles. Concrètement, d’ici quelques années ou quelques décennies ?