Le goût d’une session

J’ai pu siéger au Conseil national en tant que l’une de quarante-quatre parlementaires d’un jour. Expérience incroyable. Un succès. Accéder au Palais fédéral, y entrer, siéger, que d’émotions !

Retour sur la première session des personnes handicapées :

« Une meilleure application de la Convention des droits des personnes handicapées se passe avec vous », a statué Monsieur le Président du Conseil national, Martin Candinas, dès l’ouverture de la session.

Madame la Présidente du Conseil des États, Brigitte Häberli-Koller, incite à la participation politique et espère voir certains d’entre-nous élus aux élections fédérales cet automne (je ne serai pas candidate).

Monsieur le Président de la commission des personnes handicapées, Christian Lohr, marque ce moment historique au Parlement : « Il faut se battre pour nos droits avec les bons et justes arguments, l’échange et le dialogue étant le plus important. Nous sommes les experts du handicap. Pas sans nous, pour nous ».

Seul Conseiller national en situation de handicap depuis 2011 et pourtant, le handicap touche 22% des citoyens selon l’OFS, il faut une meilleure représentativité en politique, à tous les échelons ! Une vie sans obstacle pour toutes et tous doit devenir une réalité, une évidence. Aujourd’hui, un signal fort a été donné à la Suisse, à la société et au politique ! Sur deux-cents sièges, cela ferait justement quarante-quatre. Néanmoins, Christian Lohr est le seul élu au Conseil national depuis 2011. Anecdote : « Quand on m’a attribué la place 179 au dernier rang, je ne me doutais pas que c’était pour cacher mon handicap, le mettre, comme toujours, dans l’ombre. Mais j’ai appris, plus tard, que les places arrière étaient pour les personnes les plus importantes d’un parti. J’étais d’un coup privilégié. »

Comme c’est le cas pour toutes les minorités, le handicap est souvent délaissé. Sauf qu’il touche plus d’une personne sur cinq. Une place a été attribuée à quarante-quatre personnes en situation de handicap. Pour faciliter l’écriture, j’utiliserai la première personne du pluriel « nous ». Faisons donc en sorte de tendre vers ce chiffre à l’avenir pour donner une impulsion à la société. Au Parlement, nous avons montré notre volonté à participer à la politique. Nous n’étions pas dans le Palais fédéral pour nous plaindre. Nous étions là pour montrer notre désir à participer à la politique. Le but de la résolution est là : il s’agit de sauvegarder des principes importants. C’est le départ d’une nouvelle réalité. Les premières briques sont désormais posées. Plusieurs Conseillers-ères nationaux-ales et Conseillers-ères des États étaient présents. Nous avons démontré notre capacité à siéger et à être considérées. En leur présence, nombreuses sont les propositions qui ont été faites traitant toutes les dimensions touchant à la participation politique : de nombreuses propositions ont été faites : accessibilité, droit de vote, implication dans la politique, finances, discriminations, institutions et l’extension à d’autres domaines de la vie. J’ai traité des finances (une marque PLR) : « L’Etat garantit que les personnes élues retrouvent les prestations sociales antérieures après leur mandat ». Ma prise de parole :

« Monsieur le Président du Conseil national, Madame la Présidente du Conseil des Etats, Monsieur le président de la Commission des personnes handicapées, chers collègues,

L’aspect financier est un frein à l’engagement politique des personnes en situation de handicap. Une grande partie d’entre-elles bénéficient de prestations sociales. Dans la situation actuelle, le revenu ponctuel d’élu-e politique à l’échelon communal, cantonal ou fédéral pourrait impliquer une diminution voire la suppression de ces prestations, ce qui pourrait générer des difficultés financières si elles ne sont rétribuées après leur mandat. De nombreuses personnes ne veulent pas courir ce risque. L’Etat doit leur garantir de retrouver leurs prestations sociales antérieures. Par conséquent, elles seront davantage incitées à participer à des élections. La représentation en politique des personnes en situation de handicap ne pourra ainsi qu’augmenter. Je vous remercie de votre attention et d’accepter cet ajout. »

Je suis touchée : les deux élus fédéraux me félicitent pour ma « très bonne » intervention qui a eu lieu juste avant la pause, contents d’apprendre ma candidature au Grand Conseil de Genève. Durant la session, j’ai échangé quelques messages avec la Conseillère nationale genevoise, Simone de Montmollin. Cette fonction, le temps d’une session, m’a permis de donner du sens à mon engagement politique : agir sur le cadre légal pour renforcer le lien social, pour la meilleure intégration et qualité de vie possible. Je reçois plusieurs messages de personnes qui ont suivi la session en direct. Leur remarque partagée : nous étions sérieux et studieux. Normal, nous prenons notre mandat à cœur, représentant 1,8 millions de citoyens. Quand la résolution finale a été votée, il y a eu un tonnerre d’applaudissement. Cela a duré quelques minutes. Le public, composés d’élus fédéraux et de journalistes principalement, s’est levé. L’espoir est désormais permis : c’est aux élus d’appliquer la résolution par le biais de proposition, de motions, etc. Tout cela pour dire que ce ne sera pas la dernière session des personnes handicapées ! Avec nous, pour toutes et tous.

Conclusion : venant de rendre mon travail de diplôme pour le « CAS en éthique, santé et environnement » à l’Université de Lausanne sur « l’engagement politique au sein d’un parti pour le bien des citoyens » et le présentant vendredi, je me sens obligée de marquer la cohésion des parlementaires. Le sujet du handicap nous rassemble : nous avons démontré comment parvenir au consensus. Nous œuvrons pour l’humain, pour l’humanité. Est-il encore utile de dire que les parlementaires étaient issus d’une multitude de cantons suisses, qu’ils avaient des handicaps différents, des lignes et couleurs politiques divergentes ?

Photo: Pro Infirmis

La résolutien: lien

Vidéo: lien (mon intervention après 2:14)

 

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.

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