La «Swiss attitude» à Hongkong: l’ouverture

Ça fait quoi d’être Suisse à Hongkong?

D’abord on perd son accent, car lorsqu’on parle français, eh bien ce n’est pas avec des Suisses. Plus sérieusement: c’est un sentiment extraordinaire que cette perspective d’être un étranger. D’apprendre à respecter une autre société, une autre culture, en endossant naturellement un rôle d’ambassadeur pour préserver et parfois corriger l’image que donne la Suisse ou même, plus généralement, les perceptions que les locaux se font des Occidentaux. Comme lors de tout séjour en dehors de son pays, on reçoit surtout une belle leçon d’humilité, car non, nous les Suisses, ne sommes pas le centre du monde. Cela vaut pour presque tous les pays.

L’Helvétie n’est d’ailleurs probablement pas le pays du travail, ni le plus efficace et organisé qui soit. Ma professeure taiwanaise de Public Relations m’a d’ailleurs raconté les impressions qu’elle avait eues de la Suisse lors de ses voyages professionnels à Bâle: «C’est un joli pays, mais les gens m’ont semblé très lents. C’est bien pour la retraite.» Je n’ai pas pu dire le contraire. La Suisse n’est, par contre, jusqu’à présent pas mentionnée lorsque les locaux parlent des pays européens, qui sont souvent perçus comme des repaires de flemmards. (Pas besoin de rappeler ici que les Hongkongais sont de vrais bosseurs.)

A côté de cela, je suis toujours impressionné de rencontrer beaucoup de gens qui savent qu’il y a quatre langues parlées en Suisse. Il faut cependant vite expliquer que tout le monde ne les maîtrise pas toutes et qu’il s’agit de différentes zones géographiques. Cette notion est parfois compliquée à saisir: en général un pays est égal à une culture et un langage ou, du moins, une même famille de langues. Heureusement, j’ai trouvé la réponse parfaite en citant Singapour à titre d’exemple de pays multilingue (et qui se porte d’ailleurs très bien, économiquement parlant).

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Les autres étudiants suisses en échange et moi-même devant l’entrée de l’International Commerce Center (ICC Tower).

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Au-delà de ces questions culturelles, j’ai eu la chance de participer à un événement qui m’a donné une image plus qu’ouverte et internationale de la Suisse, en étant invité à la réception annuelle des alumni universitaires suisses à Hongkong par le secrétariat de la Chinese University où j’étudie. La manifestation était organisée par la Chambre du commerce et le consulat suisse, avec le concours de Credit Suisse (CS), Swiss Airlines et Swiss Re. Elle a pris place dans les locaux de CS au 88ème étage de l’International Commerce Center, qui est la plus haute tour de la ville, culminant à plus de 484 mètres et possédant 108 étages au total. Son dernier étage est occupé par Ozone, qui détient le record du plus haut bar au monde, propriété du Ritz Carlton.

J’y suis allé avec d’autres étudiants suisses en échange, tous alémaniques. Deux filles avaient d’ailleurs des origines asiatiques, renforçant encore la beauté de la multiculturalité suisse. Sur place, on a assisté à une conférence de Peter Achten, un journaliste suisse spécialiste de l’Asie et animateur du site Journal21.ch, suivie d’un apéritif de réseautage. Même si l’anglais de ce monsieur n’était pas des plus fluides, j’ai été bluffé par sa vie et sa carrière internationale dans les médias. Il a vécu plus longtemps à l’étranger qu’en Suisse. La liste des pays où il a œuvré est des plus inspirantes: France, Angleterre, Venezuela, Etats-Unis, Vietnam et Chine, entre autres.

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Nous avons aussi visité «Ozone» après la réception, afin d’expérimenter le plus haut point de vue de la ville.

La conférence elle-même parlait du développement historique de la Chine et s’est terminée par une conclusion remarquable sur les prévisions futures de la globalisation, le pays figurant assurément parmi les nouveaux leaders mondiaux. J’ai également appris que presque 10% des Suisses vivent à l’étranger et que ce chiffre n’est que positif au regard de ces changements planétaires. Une vision ouverte sur le monde qui, de manière générale, m’a insufflé de grands espoirs pour la Suisse, alors que le peuple va voter ce weekend sur l’initiative que l’on connaît. Ce sentiment s’est d’ailleurs confirmé durant l’apéritif, où les discussions avec les différents invités fut captivante, retraçant des parcours à l’international dans les banques, les organisations diplomatiques où autres entreprises suisses opérant à Hongkong. Je me souviens par exemple d’une discussion enrichissante avec un jeune employé travaillant ici. Il m’a appris, entre autres, que l’ambassade de Suisse à Pékin était la plus grande de toutes et qu’elle offrait aux jeunes Suisses plusieurs opportunités uniques de stages. Même si personnellement je m’intéresse modérément aux carrières bancaires ou diplomatiques, j’ai trouvé ces discussions plus que passionnantes!

Dans tous les cas, j’ai quitté les lieux avec de l’ambition, et le sentiment que mener une profession en Asie, ou ailleurs, était un challenge souhaitable, envisageable. Du reste, bien que le soir même, je fusse toujours au cœur d’une capitale asiatique, au moment de me coucher, je me suis senti fier d’être Suisse.

Le nouvel an chinois à Hongkong et le singe rebelle

La nouvelle année chinoise a commencé ce lundi 8 février, et le singe, qui est au centre, incarne l’intellect et le désir de lutte et de concurrence dans une recherche de distinction.
Les hongkongais qui, de la même manière, refusent qu’on leur impose la dépendance à la Chine continentale n’échappent pas à la règle. Beaucoup de locaux disent que Hongkong est plutôt un mix de culture occidentale et orientale. Une bonne manière d’essayer de répondre à la question est de considérer toutes les célébrations qui s’y sont déroulées récemment.

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La parade du nouvel an à Tsim Sha Tsui (TST)

Noël, par exemple, est effectivement fêté. Si il y a quelques lumières et des dessins LED sur les gratte-ciels, c’était surtout à l’intérieur des centres commerciaux qu’on trouvait des sapins couverts de décorations kitsch. La célébration est restée généralement modeste, sauf le jour «J», où une foule d’étudiants locaux m’a coincé dans un couloir, alors que je sortais de ma chambre, pour entonner à mon attention une chanson de Noël en cantonais.

Et Nouvel An, alors? J’étais absent de la ville à ce moment-là, mais Hongkong dispose d’un countdown visible sur un gratte-ciel et l’on procède à une courte célébration. Les gens ne continuent pas pour autant à vous souhaiter une bonne année dans les jours qui suivent.
Car ici, c’est le Nouvel An chinois qui compte réellement! Il représente aussi souvent les seules vraies vacances que les Chinois ont durant toute l’année pour se retrouver en famille. Il s’agit d’une autre manière de célébrer les traditions. La ville ferme ses plus grandes artères pour une parade de nuit où l’on peut aussi assister à des performances internationales, avec la marque Disney qui vient ajouter sa présence au show.

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Le marché aux fleurs de Victoria Park

Certains parcs sont couverts de stands pour vous vendre mille choses de manière à la fois hystérique et euphorique. Les objets sont très différents ou similaires de ceux que l’on connaît en Europe: il y a, grosso modo, des peluches, des armes chinoises (en plastique), et surtout des fleurs. C’est d’ailleurs assez drôle de voir les gens transporter ces fleurs de deux mètres de haut dans le métro.
Quant au campus universitaire, il est devenu comme une ville fantôme. Tout le monde a disparu, les cours sont suspendus pendant une semaine, les cantines sont fermées, le staff est parti, et les étudiants encore présents se chiffrent à deux par kilomètre carré. C’est ainsi que l’on prend conscience de l’importance de l’événement dans la culture locale.

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Vue sur la ville depuis Tsim Sha Tsui en période du nouvel an chinois

Peut-être la revendication internationale et occidentale de Hongkong est-elle simplement une manière de se distinguer politiquement du reste de la Chine, nommé péjorativement «mainland». Un local rencontré aujourd’hui m’a d’ailleurs expliqué que les émeutes qui ont suivit la parade du 8 février seraient l’expression de la protestation contre le gouvernement qui s’incline devant Pékin. Il m’a aussi explicité le ressenti général envers les «mainlanders» de Chine rurale qui sont bruyants et qui parfois, je cite, “pisseraient et chieraient dans la rue”.

Il y a presque comme une nostalgie de l’époque de la couronne britannique. Mais même si de nombreux hongkongais pensent de la sorte, il leur est plus simple de se concentrer sur leur vie privée pour oublier une problématique grandissante.
Je vais conclure avec le fait que je viens de réaliser que la première fois que j’étais allé en Chine, c’était aussi durant l’année du Singe, il y a douze ans. Rendez-vous en 2028 et Joyeux Nouvel An chinois!