Julia Borkenhagen, l’UX dans la peau

Présentez-vous en quelques mots

Co-fondatrice de Whitespace, une agence d’expérience utilisateur (UX) basée à Genève.

 

Quel a été votre parcours professionnel ?

Des études de sciences politiques et communication à Munich, Paris et Londres à la base, puis l’arrivée à San Francisco au moment du premier boom de l’internet. Cela a tout changé pour moi et je me suis vite passionnée pour le monde digital. D’abord en travaillant pour l’agence Digitas, et ensuite pour une start-up spécialisée dans la gestion de projet.

De retour à Genève, j’ai rejoint blue-infinity, où j’ai monté leur practice d’expérience utilisateur. Après un passage aux Nations Unis, j’ai co-fondé Whitespace afin d’aider nos clients internationaux et locaux à créer des solutions digitales adaptées aux besoins des utilisateurs.

 

Votre rencontre avec le digital ?

Dans ma jeunesse, j’ai suivi un cours de programmation en « Pascal » au lycée, et je me rappelle d’avoir composer des mélodies et créer des loops sur un Macintosh 128K. Mais ce sont surtout les années passés dans la Silicon Valley qui ont été formatrices pour moi. J’ai vu et vécu l’ascension et la décente vertigineuse du premier dot.com boom et cela m’a appris que tout est possible, mais rien n’est jamais acquis !

 

Qu’est-ce qu’une « femme digitale » pour vous ?

C’est une femme curieuse, qui n’a pas peur des nouvelles technologies et qui s’en sert pour optimiser sa vie. Ça peut être la bloggeuse de mode, une développeuse à un hackathon, une mère qui fait ses courses en ligne ou une grand-mère qui adore voir les photos de ses petits-enfants sur sa tablette. Cela dit, je pense que les mêmes caractéristiques s’appliquent aussi aux hommes digitaux !

 

Le digital a-t-il, selon vous, un genre ?

Les professions digitales comme le développement ou le support informatique sont encore fortement dominées par les hommes. Par contre, les métiers traditionnellement plus féminins, comme les Relations Humaines, le Marketing ou l’Éducation, demande des compétences de plus en plus pointues dans le domaine digital. Du coup, je vois le digital comme un élément égalisant et donc du genre « neutre ».

 

Alors, la Suisse, un pays digital ?

Tranquillement ! Quand je suis rentrée en 2005 de Silicon Valley, j’avais l’impression de retourner quelques années en arrière, expliquant aux designers les avantages d’utiliser les CSS (style sheets) au lieu de hard-coder avec des « tables » à l’infini. L’approche centrée utilisateur n’était pas non plus largement connu.

Depuis, la Suisse a bien rattrapé le monde anglo-saxon et j’ai l’impression qu’ici, les choses se font peut-être un peu plus lentement mais de manière bien réfléchie et souvent innovante. Il y a une véritable culture de start-up en Suisse avec des incubateurs et des universités qui attirent du talent du monde entier.

Pour en savoir plus sur Julia Borkenhagen

Apprendre aux “petits suisses” à coder… vraiment?

Digital, ô digital… alors que s’agitent les géants du numérique autour d’enjeux allant de l’encodage d’informations sur des séquences ADN à l’implantation de puces destinées à augmenter nos capacités cérébrales et physiques, l’arrière-garde semble se concentrer sur des éléments anecdotiques au pays du chocolat et des montagnes (qui risque bien de s’y cantonner à nouveau si rien ne bouge…)!

Fans du solutionnisme, ceci est un message pour vous: de la même façon qu’en engageant un Y ou un Z dans l’entreprise, on règle le problème de sa transformation numérique (avec un titre de CDO, c’est encore mieux!), en apprenant aux enfants à coder dès l’école, on en fera l’élite planétaire de demain… Réjouissons-nous: notre Président qui milite pour le rire à l’international pourra reprendre sa bannière avec un plan destiné à nous permettre de rivaliser avec Palo Alto ou Tel-Aviv, à savoir, des enfants biberonnés à la programmation

Aaah, si c’était aussi simple, la culture numérique, ce serait évidemment bien moins compliqué. CQFD. Pourtant, au risque de faire redondance avec mon article paru sur Linkedin, je ne crois pas que l’atout principal de la Suisse, et assurément pas celui qui fera sa différence demain, réside dans la capacité de son école à formater une nouvelle génération, d’autant moins qu’elle a déjà prouvé être assez performante en la matière…

Au-delà de la capacité à coder, outil important, mais pas indispensable, il me semble que d’autres compétences pourraient se révéler fort utiles à l’avenir – elles le seraient aujourd’hui déjà, mais étant donné que nous parlons des générations futures… – indépendamment de l’aspect technique (tellement rassurant, mais si peu pertinent somme toute: d’autres pays fabriquent plus de techniciens que nous ne sommes d’habitants en Europe):

  • la capacité à s’exprimer en public ou à expliquer une idée, un projet devant une audience
  • la capacité à défendre son point de vue avec des arguments étayés
  • la capacité à analyser ce que l’on nous dit ou montre, et à forger son opinion propre
  • la capacité à développer des connexions entre des univers apparemment sans rapport immédiat
  • la capacité à formuler, par oral ou par écrit
  • la capacité à aller vers l’Autre, sans inhibition ou complexe
  • la capacité à poser une question, sans craindre d’être jugé
  • la capacité à garder l’esprit ouvert sur ce qui nous est étranger
  • la capacité, enfin, à se donner le droit d’échouer

Evidemment, il s’agit d’une liste non exhaustive, et que d’aucuns compléteront à leur guise, mais si nous pouvions éviter de tomber dans nos travers d’ingénieurs en imaginant que tout se réglera demain par la maîtrise de la machine alors que ceux à qui nous voulons ressembler ont déjà compris que l’avenir est à la maîtrise des applications, ce serait bien…

Comme le disait le grand Clint: le monde se divise en deux catégories de personnes, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent.

Ce serait dommage que la Suisse se résume à former ceux qui tiennent une pelle.