Les tragiques secousses de l’Histoire

Le terrifiant séisme qui a frappé la Syrie et la Turquie nous renvoie à l’extrême fragilité de la condition humaine tous continents confondus, tout comme Voltaire en 1755 qui fut profondément marqué par le tragique tremblement de terre de Lisbonne, dont il fit un poème philosophique: le célèbre Poème sur le désastre de Lisbonne.

Voltaire fut marqué particulièrement par l’aspect arbitraire du destin des victimes.

Aujourd’hui, si nous savons que la tectonique des plaques est «responsable» des séismes, nous n’en sommes pas moins frappés par le caractère aléatoire de la survie dans de telles circonstances. Cela, forcément, nous renvoie à la notion de chance ou de malchance individuelle, mais aussi à celle de la fatalité et enfin à celle des responsabilités.

L’examen de conscience des élites

Lisbonne fut frappée si durement le 1ernovembre 1755 (on pense aujourd’hui qu’il y eut plus de 50’000 morts) que cela déclencha, à une époque où la sismologie n’existait pas et où les connaissances en matière de géologie étaient quasi nulles, de très nombreuses questions sur le rôle divin, mais aussi sur les responsabilités des pouvoirs en place et sur les modes de construction des bâtiments.

Le premier ministre portugais Sebastaio de Melo, futur Marquis de Pombal, fut d’une efficacité exceptionnelle pour l’époque, tant pour l’aide aux survivants que pour la rapidité et l’innovation dans la reconstruction.

D’origine non aristocratique, il critiqua les élites en place, qu’il considérait comme corrompues et incapables. On le considère aujourd’hui comme un des initiateurs de la sismologie.

La naissance des constructions anti-sismiques

 En effet il comprit que la reconstruction devait impérativement obéir à de nouvelles mesures: il engagea des architectes et des ingénieurs pour inventer des maisons plus résistantes aux tremblements de terre. Il lança également une enquête auprès des populations et s’interrogea sur le rôle des animaux comme sentinelles.

Ainsi naquit la «cage pombaline » dont la charpente de bois, structurée symétriquement, avait pour but de répartir les forces sismiques pour les absorber sans destruction du bâtiment.

Le Japon est, on le sait,  actuellement le pays le plus avancé en ingénierie anti-sismique. Grâce à ses investissements, le nombre de victimes des séismes parfois violents qui le frappent sont drastiquement limitées. Cela implique bien sûr un contrôle très strict de la part des autorités sur les chantiers.

La colère

Comment ne pas être en colère aujourd’hui devant la vénalité sans limite des promoteurs turcs, qui ont construit des bâtiments de béton non conforme, sur des terrains sablonneux, terriblement propices à la propagation des ondes sismiques et qui ont ainsi sacrifié sans aucun scrupule des centaines, des milliers de personnes?

Comment ne pas s’indigner devant l’incurie des politiques et des pouvoirs publics censés les contrôler?

L’arbitraire dont parlait Voltaire n’a plus aujourd’hui l’excuse de l’ignorance, et cela accroît encore la cruauté du sort tragique réservé aux victimes.

Tous concernés

Nous ne pouvons être indifférents au sort terrible des Syriens et des Turcs. Nous ne devrions pas non plus oublier que les séismes sont une donnée qui n’épargne personne, nulle part.

Haïti n’a toujours pas pu se relever après le séisme de 2010 qui fit 250’000 morts et 1,2 millions de sans abris.

Le Portugal vit son destin totalement modifié tant économiquement que internationalement après 1755.

Nous devrions nous rappeler aussi que Bâle, pôle suisse de la chimie en plein tissu urbain, fut également en 1356 le théâtre d’un séisme qui fit 300 morts. Il fut ressenti en France et en Allemagne. Il sert aujourd’hui de «référence» risque pour la résistance des centrales nucléaires construites dans la région.

Conclusion

Aujourd’hui comme au cours de l’Histoire, ces terribles catastrophes nous renvoient à des enjeux scientifiques, certes, mais aussi de gouvernance, de lutte contre la corruption, contre la négligence criminelle, et à tous les enjeux des inégalités et de la pauvreté.

Garder les pieds sur Terre lorsqu’elle s’ouvre sous les pas est hélas bien difficile…

https://lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/lisbonne-la-baixa-pombalina-du-marquis-de-pombal-90916

Image par Tumisu de Pixabay

Besoin de lumières

L’humain préhistorique anxieux qui sommeille en nous s’exprime fortement quand la luminosité décline et notre désir accru de lumière nous renvoie à des besoins archaïques, existentiels, spirituels, symboliques et politiques.

Si l’on y réfléchit, la quête de lumières (dans tous les sens du terme) traverse toutes les cultures et toutes les époques et nous apparaît comme fondamentale, pour ne pas dire vitale… Tous ces aspects sont étroitement entremêlés.

En ces périodes si tragiquement troublées par la guerre pas loin, et où l’on craint chez soi d’éventuelles coupures temporaires de courant, on mesure avec difficulté et effroi ce que cela doit être d’être privés en permanence d’électricité, d’être dans le froid et le noir, et l’on perçoit davantage la funeste association entre obscurité, obscurantisme et barbarie.

Toutes nos villes illuminent leurs rues et leurs façades, Amsterdam, Lyon et tant d’autres proposent des Fêtes des Lumières, sorte de conjuration collective bienfaisante qui nous rassure et nous redonne de l’élan. Il est difficile d’y renoncer totalement car ces illuminations ont des racines archaïques très profondes :

Fêtes des lumière: une manifestation transculturelle

De très nombreuses religions ou cultes valorisent la lumière comme expression du divin. Chez les Hébreux par exemple, on célèbre la Fête des Lumières appelée Hanoucca (cette année le 18 décembre). On allume alors chaque jour un nouvelle bougie de la hanoukkiah, le fameux chandelier pour rappeler le “miracle de la lampe à huile” qui brûla sept jours d’affilée en soutien divin dans la lutte de résistance du judaïsme à la tentative forcée d’assimilation hellénistique.

L’hindouisme fête Diwali, (octobre-novembre selon les années), qui signifie en sanskrit « chaîne des lumières » , célèbre pendant 5 jours le nouveau départ, le triomphe de la lumière sur l’obscurité, du bien sur le mal.

Le christianisme allume des cierges et des bougies et fête la naissance de Jésus, né sous une étoile-guide qui éclaire. Dans la Genèse (1 :3) « Que la lumière soit, et la lumière fut » est la première parole de Dieu dans le récit de la création du monde.

La fête perse de la nuit de Yalda se célébre en Iran, Afghanistan et Tadjikistan: on allume des feux  dans les campagnes pour symboliser la victoire de la lumière sur l’obscurité.

Sainte-Lucie, le 13 décembre, en Scandinavie, commémore le martyre de Lucie de Syracuse punie pour avoir nourri les Chrétiens qui se cachaient dans les catacombes romaines. Elle célèbre donc elle aussi la résistance, le réconfort par la lumière, la nourriture et la solidarité collective.

Pour ne citer brièvement que celles-ci…

Esprits éclairés et lucidité: encore et toujours du boulot!

Le 18e siècle, ou Siècle des Lumières, promouvait notamment les connaissances partagées via par exemple l‘Encyclopédie de Diderot, et la lutte contre l’obscurantisme, les abus de pouvoir et les superstitions.

Que ceux qui pensent que cet acquis est définitif, que l’éclairage de nos cerveaux est suffisant, devraient se rappeler qu’il est hélas lui aussi susceptible de subir des coupures de courant et que certaines expressions telles que: « plus ébloui qu’éclairé » ou « n’a pas la lumière à tous les étages » peuvent toujours nous concerner si nous n’y prenons pas garde. Etre «clairvoyant» (le français est une belle langue!) ou lucide (de lux, la lumière en latin) demande, comme pour les ampoules du «Eurêka!» des chercheurs , beaucoup d’énergie mentale. L’avantage c’est qu’elle n’accélère pas le réchauffement climatique…à dépenser sans modération donc!

Lueurs d’espoir et illuminations

« Voir la lumière au bout du tunnel », c’est espérer, espérer la paix, espérer la démocratie restaurée, espérer ne pas tomber dans la tentation de la nuit barbare et de la régression mortifère. Et avancer…, plutôt que de reculer, ce qui est déjà agir.

C’est aussi accepter parfois d’être illuminé, de rêver au-delà de l’immédiatement réalisable, puisque: « Bienheureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière… »*.

Et j’ajoute que l’on peut toujours et encore souhaiter voir la Liberté éclairer le Monde ….C’est bientôt Noël non?

Bonnes fêtes à vous ! Tous mes vœux.

 

 

 

*citation attribuée à divers auteurs, Audouard, Audiard, Groucho Marx … le mystère reste entier…

 

 

Bertrand Piccard et l’environnement: 1400 solutions réalistes et du «Prêt à voter»!

Depuis plus de 10 ans, la Suisse se place en tête du classement mondial des innovations. Notre meilleur ambassadeur pour la recherche d’innovations écologiques, notre Roger Federer de l’exploit scientifique et humain, celui pour qui impossible n’est pas Piccard, consacre sa vie et son énergie (positive!) à lutter contre le déclinisme, le défaitisme, le catastrophisme ambiant qui nous plombe le moral. Ecouter parler Bertrand Piccard des grands travaux accomplis depuis 5 ans par la Fondation Solar Impulse, c’est prendre un bol d’optimisme et ça motive immédiatement!

Parlons solutions!

Les drôles de personnages des Shadocks qui “pompaient et pompaient” dans un monde absurde, disaient, entre autres choses: ” s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème “. Je pense que Bertrand Piccard abonderait.

Nous savons tous qu’il y a des milliers de problèmes à résoudre urgemment en matière d’environnement, nous sommes constamment plongés dans un climat anxiogène, et il y a en effet de quoi être anxieux.

Mais une fois qu’on a fait ce triste et tragique constat, que fait-on? On se désespère en toute connaissance de cause?

Non! On cherche les solutions, on y met toute notre énergie, on cesse de constater sans rien faire, on passe à l’action. Agir n’est pas punir ou se lamenter. Agir, c’est proposer. Pour, tout de suite, résoudre et surmonter les difficultés.

Comment rester indifférents alors aux 1400 solutions concrètes et aux 50 recommandations de lois «Prêtes à voter» sur lesquelles ont travaillé les 49 collaborateurs de la Fondation Solar Impulse, et plus de 300 experts en faisabilité à travers le monde, qui les ont évaluées, toutes celles et ceux qui oeuvrent dans le cadre de l’Alliance mondiale pour les solutions efficientes?

Passion, ténacité, vision globale, responsabilité, pragmatisme, pédagogie positive, réalisme, imagination et optimisme, sont quelques-uns des ingrédients qui constituent la Bertrand Piccard’s attitude.

L’Homme et sa quête de bénéfices

 Médecin et psychiatre, Bertrand Piccard a bien compris qu’il faut tenir compte de la psychologie humaine pour atteindre ses objectifs. Il sait pertinemment que nous sommes ainsi faits que nous avons besoin de voir un avantage à toute tentative de changement. Faute de quoi, pas de motivation, ou pire, du sabotage …

Bref il faut l’admettre, nous avançons mieux avec la carotte d’une “récompense” agitée devant le museau…

Il s’agit bien sûr d’avantages économiques très souvent, et B.Piccard replace à juste titre l’économie là où elle devrait toujours être: un moyen puissant (et non pas une fin) de financer le progrès social, la santé, l’instruction, les structures collectives et la préservation de tout ce qui constitue l’environnement.

Il faut donc démontrer aux acteurs, industriels et financiers, que oui ! changer pour de nouvelles solutions et de nouvelles productions, c’est parfaitement RENTABLE! Ne pas produire davantage mais autrement et diminuer nos consommations juste en les modifiant.

 Il propose par exemple, pour diminuer l’impact de la construction, énorme, énergivore et polluante, de récupérer la balle de riz (=enveloppe végétale des grains de riz) pour en faire un isolant pour les murs, les planchers, les plafonds, au lieu de la brûler. C’est extrêmement efficace et très peu coûteux, comme de nombreux matériaux biosourcés. ( cf. www.ricehouse.it)

Ce ne sont plus des « déchets » mais bel et bien des matériaux immédiatement disponibles et des solutions hélas encore trop peu connues des constructeurs traditionnels. Idem pour la paille, le carton, le chanvre, pour ne citer que ces matériaux alternatifs aux matériaux habituels, dont l’empreinte carbone est très élevée.

Ces pratiques existent déjà mais ne sont pas assez répandues encore.

Son credo, «l’efficience»: la capacité à obtenir un résultat maximal en utilisant le minimum de ressources.

 B.Piccard parle de développement qualitatif plutôt que quantitatif, d’améliorations positives , c’est une posture résolument constructive. Il veut promouvoir des projets simples à mettre en place, peu chers à financer, à faible impact environnemental.

Des start-ups suisses  proposent  ainsi des solutions pour économiser l’eau, soit par électromagnétisme (cf. www.aqua4d.com), soit via des lavabos économes ( 90% d’eau économisée, 60% de savon) (cf. www.smixin-fr.com), pour ne citer que ces exemples.

Ou encore, certaines des entreprises validées par les experts de Solar Impulse Foundation s’occupent de la récupération des plastiques soit pour en faire du carburant bioéthanol (cf. www.enerkem.com) soit pour les intercepter sur les fleuves avant qu’ils n’atteignent les mers et les océans ( cf. www.theoceancleanup.com). (Ce qui n’exclut évidemment pas la lutte anti- production désordonnée des plastiques.)

Toutes ces solutions ont d’ores et déjà été développées et sont donc opérationnelles tout de suite ou à court/ moyen terme. Certaines ont déjà été exploitées ici ou là. Donc les technologies existent. Ceci est très encourageant, demain c’est déjà maintenant!

 Le 4e pilier du développement durable: le politique

 Traditionnellement, on décrivait le Développement durable (en anglais: sustainable development) par un graphique de 3 cercles partiellement superposés, les fameux 3 piliers des champs d’application: l’environnemental, l’économique, le social.

Dans mes cours j’y ai toujours ajouté un cercle qui les englobait tous: le cercle du politique.

Car il est en effet impossible de traiter aucun des autres domaines sans le concours du politique, au sens large, qui intègre les lois et leur application

Les 50 lois en « Prêt à voter » proposées cette année à l’Assemblée Nationale

 Bertrand Piccard est bien placé pour savoir que rien ne peut s’accomplir efficacement et durablement sans lois protectrices et des règlements adaptés. Or après étude, son équipe a démontré que nombre de réalisations industrielles ou technologiques sont entravées par des législations totalement obsolètes, qui datent d’après-guerre et maintiennent en place des productions industrielles destructrices pour notre environnement planétaire. C’est un cercle vicieux qu’il faut absolument remplacer par un cercle plus vertueux.

Pour ce faire, il faut, il l’a bien compris, proposer des lois novatrices ou dépoussiérer les lois existantes et les adapter aux besoins actuels, et les présenter déjà rédigées par des juristes aux décideurs politiques. D’où le terme « Prêt à voter ».

Ses cibles : Objectif Lune!

 Dans une vision systémique et mondiale de développement durable et responsable, la Fondation Solar Impulse s’adresse au monde industriel, politique et financier en même temps.

L’objectif: montrer que c’est non seulement possible mais à leur avantage de prendre le virage maintenant et de changer les pratiques au plus vite.

Ce n’est pas le Professeur Tournesol, inspiré à Hergé dans ses albums de Tintin par le grand-père de Bertrand Piccard, Auguste, qui dirait que c’est impossible!

La Fondation Solar Impulse a en 5 ans seulement accompli un travail considérable et déjà réussi à convaincre bon nombres d’acteurs industriels et/ ou économiques à travers le monde.

J’avoue, cela me redonne le moral … Et comme il l’a dit lui-même et maintes fois démontré : « ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il faut arrêter ! ».

Une vision très suisse

Cette pratique de la politique directe, dans un esprit qu’il qualifie lui-même de fédérateur, et que chaque parti doit pouvoir s’approprier sans arrière-pensée politicarde, dans la négociation constructive plutôt que dans l’affrontement défensif, font de ce vaste projet une magnifique carte de visite à la Suisse, l ‘Alliance mondiale pour les solutions efficientes comptant déjà plus de 4000 entreprises dans sa sélection.

 Oui, viser la Lune pour mieux garder les Pieds sur Terre, passer du symbole du vol Solar Impulse pour agir sur la réalité terre à terre, c’est en effet bien digne d’un Ulysse des temps modernes. A suivre de près donc!

 Références:

-Interview de Bertrand Piccard (Radio France Bleu Bourgogne) par Benoît Prospéro, émission Planète Bleu, le 24.09.2022 à 16.00.

Bertrand Piccard, Monsieur Solutions, in magazine WE DEMAIN, novembre 2021.

-Bertrand Piccard : Réaliste, Soyons logiques autant qu’écologiques, éd. Stock 2021

https://solarimpulse.com/fondation   cf.chapitre Solutions

https://information.tv5monde.com/info/environnement-les-50-initiatives-qui-pourraient-changer-la-france-selon-la-fondation-solar

Pour découvrir les recommandations de lois :

https://www.vehiculedufutur.com/2022-08-19-50-propositions-Pr%C3%AAt-%C3%A0-Voter.html

 

 

 

 

Menaces sur la lavande?

Depuis quelques années en Drôme provençale, une rumeur circule: l’Union européenne et ses réglementations en matière de toxicité menaceraient les champs de lavande de disparition et la production des huiles essentielles ou des produits dérivés.

Dans notre imaginaire collectif pourtant, le champ de lavande, c’est l’un des symboles forts de la Provence, visuel et olfactif. Qui ne s’est pas extasié devant ces champs d’un bleu profond, qui n’a pas froissé une tige de fleurs et humé avec délice ce parfum? Qui n’a pas goûté au miel de lavande?

Célébrée par les peintres et par les photographes, la lavande est de plus un très important atout touristique: nombreux sont les voyageurs qui viennent voir la floraison des champs, tout comme au Japon, la floraison des cerisiers.

C’est également un atout écologique important: très mellifère, elle attire en masse les abeilles et les divers pollinisateurs. Elle résiste bien à l’aridité et maintient les sols en place, y compris dans les terrains escarpés.

Une “plante précieuse”

Déjà reconnue comme bénéfique chez les Egyptiens qui l’utilisaient pour ses vertus antiseptiques et odoriférantes lors des momifications, citée comme protectrice contre les calamités dans la Bible et ornant les portes de croix tressées de brins, elle fut classée par Pline l’Ancien (naturaliste) et Dioscoride (médecin et botaniste) dans les Plantes précieuses. Les Grecs et les Romains l’utilsaient pour la lessive et leurs bains notamment, d’où son nom , qui vient du latin , lavare, laver. La lavandula angustifolia Miller, ou lavande anglaise, du nom du botaniste écossais, Philip Miller (1691-1771) qui la répertoria en 1768, est celle qui est distillée pour l’huile essentielle.

D’abord uniquement sauvage, la récolte des fleurs de lavande en Haute Provence et en Drôme provençale, était laissée aux femmes et aux enfants. Ce n’est qu’après la guerre de 14-18 que l’on commença à la cultiver en champs et qu’elle prit  peu à peu son essor de production. Depuis 1981, elle a acquis l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) de  Lavande fine de Haute Provence. Elle est adaptée aux terrains secs et pousse sous diverses espèces entre 100 et plus de 2’000 mètres d’altitude. La pratique de sa culture dans les Alpes-de-Haute-Provence a été inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français en 2018.

Pourquoi alors serait-elle menacée de disparition? Par qui et comment ?

Ma petite enquête…

Pour en avoir le coeur net, au lieu de spéculer sur les rumeurs, j’ai été chercher l’information auprès de Monsieur Philippe Soguel, propriétaire depuis 1994 de la distillerie Bleu Provence à Nyons dans la Drôme. Distillateur, il est donc considéré comme producteur d’huile essentielle.

Monsieur Soguel a consacré sa vie professionnelle à faire connaître les bienfaits multiples de la lavande et de son huile essentielle. Il travaille avec quelques 100 agriculteurs-producteurs régionaux et ils défendent ensemble le bio pour sa haute traçabilité et sa qualité.

Depuis plus de 10 ans, Philippe Soguel défend la production d’huile essentielle auprès de la Commission européenne et participe à toutes les discussions possibles pour l’élaboration d’une réglementation adaptée à son produit.

Très compétent, il m’a expliqué le problème réel auquel sa fédération de producteurs se trouve confrontée. Vous trouverez ci -dessous quelques-unes de ses diverses fonctions, tant au niveau national qu’européen et international. *

Le noeud du problème: la définition huile essentielle

D’après la norme internationale ISO, la définition du terme huile essentielle de lavande est: un produit obtenu à partir d’une matière première  naturelle d’origine végétale par entraînement à la vapeur d’eau. Il y a 15 ans,  l’huile essentielle de lavande a été soumise à deux réglementations (REACH et CLP) qui ont lancé le grand débat sur sa possible toxicité. Elle est donc soumise aux mêmes obligations que tous les produits chimiques, quelle que soit leur origine.

A cet égard, Ph.Soguel précise qu’il collabore très bien avec les producteurs de parfums et arômes de synthèse, et qu’il ne faut pas les diaboliser. ” Il y a de la place pour tout le monde!” dit-il en souriant. Il travaille souvent avec eux et avec les grandes marques de cosmétiques ou de parfums. “Il n’y a aucun conflit d’intérêt entre nous”.

En effet, sa filière est très petite, même si elle joue un rôle très important et reconnu par les autres acteurs du marché.

Toxicité?

Ph.Soguel ajoute que sa filière est favorable à la réglementation: “Nous les producteurs d’huiles essentielles, nous sommes favorables à une réglementation de notre produit. Cela en garantit la qualité et la traçabilité. Cela nous protège tous, producteurs, filière et consommateurs.”

Il ajoute : “D’ailleurs je tiens à dire que la Commission européenne a toujours été très bienveillante et ouverte à la discussion avec nous. Nous travaillons ensemble et non pas en conflit. Néanmoins, nous devons trouver ensemble une réglementation adaptée à la spécificité de notre produit.

Par exemple en ecotoxicologie, on cherche à établir si un produit présente un risque de “toxicité aquatique”. Pour ce faire on analyse le mélange eau-produit. Or l’huile essentielle ne se mélange pas à l’eau puisque c’est de l’huile et qu’elle reste forcément en surface. Donc on nous demande de fournir un résultat de test qui est absolument infaisable …. malgré toutes nos demandes à des labos réputés.”

Monsieur Soguel nuance: “Nous tenons aussi à faire remarquer que 1) notre production est très très faible en volume total par comparaison aux produits de synthèse, et que 2) on sait également que les molécules d’origine 100% naturelle (ce qui est notre cas) existent déjà dans la nature et sont mieux gérées et dégradées par elle que les produits purement chimiques. Et de conclure: “Pour ces deux raisons notre impact réel en ecotoxicologie est vraiment extrêmement faible et cela devrait aussi être considéré.”

Rien n’est simple et tout se complique …comme dirait le regretté Sempé

En 2020, une nouvelle demande de la Commission européenne est arrivée, qui prévoit pour certains dangers de ne pouvoir tester les huiles essentielles dans leur globalité et d’évaluer les dangers sur la base des constituants. Cela devient absurde car des études récentes montrent que le comportement d’un constituant pris isolément n’est pas nécessairement le même que lorsqu’il est pris dans la matrice huileuse…

Voilà pourquoi il faudrait que les huiles essentielles soient testées en fonction de ces spécificités attestées et reconnues par la Commission européenne. Ce qui n’est pas encore le cas. C’est précisément l’objet des discussions.

Cherchez l’erreur…

Je découvre pour finir que  les sujets relatifs à l’évaluation de la sécurité des huiles essentielles dépendent non pas du Ministère de l’Agriculture, mais de celui de l’Environnement. Et que ces deux ministères ne communiquent pas volontiers entre eux… tant s’en faut. Cela bloque évidemment l’avancée des travaux de réglementation au niveau national français.

Fait remarquable pourtant: plus de 100 sénateurs ont signé ensemble une Tribune pour défendre la lavande et sa production dans le Journal du Dimanche (cf.lien ci-dessous). Du jamais vu! Et qui montre les enjeux culturels, émotionnels, touristiques, bref, à quel point ce sujet est “chaud”.

https://www.lejdd.fr/Societe/tribune-la-lavande-provencale-est-en-danger-lappel-de-100-senateurs-4118297

D’où l’importance de ne pas tomber dans les caricatures complotistes anti UE ou anti chimie.

Conclusion

Non, les champs de lavande en tant que tels ne sont pas menacés de disparition. Mais quels agriculteurs continueront cette culture si les distilleries locales ne leur achètent plus leur production?

Monsieur Soguel, toujours optimiste et toujours nuancé, conclut :” Le travail entre la Commission européenne et nous les producteurs est en cours.” Il ajoute:” Nous espérons d’ailleurs de nouveaux résultats pour bientôt.”

Pour ma part, j’espère vous avoir “mis au parfum” et permis de garder les Pieds sur Terre provençale , histoire de prolonger un peu votre été ….! Et je vous tiendrai au courant des dernières nouvelles quand elles arriveront.

*Philippe Soguel, Vice -président de la Fédération nationale des Plantes parfums aromatiques médicinales PPAM, Administrateur  du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises CIHEF, Adminstrateur de European Essential Oils FEO.

Interview filmé : https://projecteurtv.com/bien-etre/plantes-et-sante/distillerie-bleu-lavande-lavande-lavandin-distillerie-par-philippe-soguel/

**https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/geographie-region-paca-decouverte-lavande-261/page/3/

***Pour les curieux : nous nous demandons souvent quelle est la différence entre lavande et lavandin.

Réponse: il existe 2 sortes de lavandes :1) la lavande aspic, qui pousse en plaine (de 100 à 700m altitude), à feuilles larges, qui a une odeur camphrée et est recommandée pour les massages, le soin aux brûlures et aux piqûres d’insectes, mais qui justement n’est pas utilisée en parfumerie à cause de son odeur camphrée.

2) la lavande vraie, plus courte, la fameuse lavandula angusti folia, laquelle pousse entre 700 et plus de 2’000 mètres d’altitude. C’est cette dernière qui permet la production d’huile essentielle de lavande fine AOP. Son rendement est faible mais d’excellente qualité. C’est elle qui est utilisée en parfumerie.

3) le lavandin est un hybride, d’abord créé naturellement par les pollinisateurs entre 1) et 2) , puis repris par l’homme en hybridation.

 

Retours gratuits, c’est fini! quelques réflexions…

Récemment Zara, du groupe Inditex, puis H&M, deux  poids lourds de la fast fashion* ont annoncé que les retours gratuits (hors retours au magasin) étaient terminés. D’autres vont suivre. J’ai pensé: enfin! Depuis que cette offre, purement dictée par le marketing pour concurrencer les autres sites marchands, avait été lancée, les consommateurs en ont usé puis carrément abusé: certains, par exemple, ont commandé, sans plus réfléchir ni prendre leurs mesures, le même article en 3 tailles. D’autres ont avoué se sentir valorisés par cette espèce de pouvoir d’achat illimité qui n’engageait à rien.

L’effet Covid

Sans surprise, la fermeture des magasins les confinements et le télétravail ont prodigieusement accéléré l’e-commerce de la mode, sorte de compensation aux frustrations diverses. Je me souviens avoir vu une jeune femme expliquer à la journaliste qui l’interrogeait qu’elle adorait recevoir ses colis tous les jours, comme une sorte de calendrier de l’Avent permanent. Elle commandait plusieurs objets et vêtements par jour pour « avoir la surprise » en ouvrant ses cartons.

L’effet selfies sur les réseaux sociaux

Cela lui permettait de se prendre ensuite en photo et de partager ses tenues en abondance de selfies sur les réseaux. Selon les réactions (et ses finances ou ses placards) elle sélectionnait parfois un article pour le garder mais les renvoyait presque tous ensuite.

L’effet d’aubaine

Je constate que cela n’a pas échappé aux grands producteurs de la fast fashion qui en ont tiré deux conséquences: s’ils se dotaient d’influenceurs pour faire leur pub sur lesdits réseaux et augmentaient la cadence des collections, tout en annonçant qu’il s’agissait de collections capsules (comprenez: limitées en stock et en durée de mise en vente), ils mettaient en place deux arguments de vente très efficaces: la rareté et l’urgence.

« Vite! Profitez, maintenant ! demain ce sera trop tard ! Plus que 2 jours pour commander! etc. » autant d’injonctions incitatives destinées à créer le désir d’achats compulsifs. On a assisté à une accélération parallèle des ventes privées, pré-soldes, soldes, liquidation de stock, et autres Black Fridays.

Le public ciblé étant les très jeunes gens, plus « malléables », vifs, très réactifs voire impulsifs, et pour lesquels le paraître est un puissant adjuvant dans leur quête d’identité et d’appartenance.

De la fast fashion à l’ultra fast fashion

Conscientes de la limite financière de leur public cible, certaines enseignes ont développé alors des sous-marques hyper bon marché et ultra rapides (ex. Pretty Little Things, Boohoo), passant à une cadence effrayante de 12 jours maximum de fabrication entre 2 collections, aux prix cassés (une moyenne de 15 frs/euros pour un vêtement), de très piètre qualité. Produites au mépris des droits de celles et ceux qui les fabriquent à la chaîne, dans des ateliers clandestins et gérés par de puissantes organisations dans des zones de non-droits, jusqu’au cœur de l’Europe, en Grande-Bretagne notamment. On assiste à un désastre: la mode jetable …. qu’on ne peut même pas vendre en seconde main.

Les retours… du boomerang

Certes les commandes ont explosé mais les enseignes ont été littéralement submergées par l’ampleur des retours, qu’elles ne pouvaient plus vérifier: plus le temps, pas assez d’employés, pas assez de place, que faire des stocks ainsi accumulés ?

Cette politique du retour gratuit est très vite devenue incontrôlable, y compris pour les plus grands acteurs comme Amazon, qui a décidé alors de bannir de son site –sans les en avertir préalablement- certains clients aux renvois trop fréquents.

On a découvert ensuite que nombreux étaient les sites marchands qui détruisaient purement et simplement les cartons renvoyés avec leurs contenus, suite hélas logique de cette frénésie délirante: plus rapide et moins cher. Effrayantes dérives.

Inutile de dire que cela constitue dans tous les cas un gouffre financier pour les marques et les acteurs de l’e-commerce.

Pourtant aucune considération environnementale ni sociale !

Lorsqu’on sait que l’industrie textile est la seconde industrie la plus polluante au monde,qu’elle constitue une filière qui cumule les mauvaises pratiques (exploitations des gens et des ressources, espionnage des créateurs, contrefaçons industrielles, pollutions irréversibles, dumping salarial, etc.) partout où elle sacrifie la qualité sur l’autel du profit massif et immédiat, on comprend bien que le virage pris récemment pour revenir aux retours payants (d’ailleurs encore bien trop bon marché pour être réellement dissuasifs pour les boulimiques de e-achats) n’est qu’un sursaut du porte-monnaie des acteurs producteurs. Ce n’est en aucun cas une prise de conscience globale du problème…dont ils se moquent comme de leurs premières chaussettes.

Energie grise et empreinte carbone

Si l’on calculait l’énergie grise** dépensée et l’empreinte carbone d’un colis et de son contenu, on serait consternés à juste titre. Le trafic postal volumineux a explosé, ce qui a multiplié les transports notamment, le carton est surconsommé et gaspillé, le plastique est partout puisqu’il emballe chaque article envoyé, la consommation électrique tant des serveurs que des machines de fabrication est considérable, et je ne parle pas de l’utilisation des ressources en eau … Le bilan est catastrophique.

Expliquer, encore et toujours…

Bref, il serait grand temps d’expliquer dans le détail aux consommateurs ce que déclenche un petit clic si facile depuis leur ordinateur… !

Et en particulier aux jeunes générations, victimes à plusieurs titres de ce système aberrant. S’ils ne savent pas à quoi ils participent, on ne peut décemment le leur reprocher.

Ils piétinent la planète qu’ils voudraient sauver. Il faut donc leur enseigner urgemment la notion de responsabilité positive en leur montrant clairement les étapes cachées de ces filières, sous la plupart de leurs aspects. Pour qu’ils puissent exercer vraiment leur libre-arbitre en gardant Les Pieds sur Terre.

 

* Mode produite sous forme de collections se succédant à un rythme de plus en plus rapide (fast fashion et ultra fast fashion)

** Energie totale consommée durant le cycle de vie d’un produit, allant de l’extraction et de la production des matériaux qui le constituent, en passant par toutes les étapes successives: transformation, fabrication, transport, stockage, diffusion, récupération, recyclage, destruction. Cette donnée est le plus souvent ignorée des consommateurs, qui considèrent principalement l’énergie dite d’utilisation. Or elle est nettement plus importante que cette dernière, mais très peu visible pour le public.

***Cf. le documentaire de Gillles Bovon et Edouard Perrin:

Fast fashion, les dessous de la mode à bas prix. Coproduction Premières lignes / Arte.

https://www.youtube.com/watch?v=IDAaqZ0Fl88

 

 

 

 

 

 

Protéger l’école, encore et toujours

Récemment la radio a annoncé que les filles afghanes ont été renvoyées chez elles et leur accès à l’école interdit sans explication ni date de retour, et une heure plus tard, que les enseignants russes doivent dorénavant enseigner une «Histoire de l’Ukraine» dûment modifiée…

Obstruction, discrimination, censure et propagande

En Suisse, dans le canton de Vaud, pendant des années on a discriminé les filles lors de l’examen d’entrée au collège: mêmes épreuves que les garçons, mais barèmes plus élevés pour elles que pour eux. Le Parti Radical de l’époque le justifiait par la  «crainte» qu’elles ne deviennent majoritaires au collège puis dans les études supérieures …

Il faudra attendre mars 1982 (!!) pour que le Tribunal fédéral fasse cesser cette pratique (méconnue du grand public et même des correcteurs des épreuves) à la suite d’une plainte de parents.

Aux Etats-Unis, durant l’administration Trump, on s’est mis à «corriger» les programmes de cours de biologie, laissant une très grande place au créationisme et supprimant parfois totalement le darwinisme et les cours sur l’évolution.

En 2020 le New York Times révélait que l’Histoire de l’immigration, de l’esclavage ou de l’avortement décrite dans les manuels scolaires était totalement différente selon l’Etat, en comparant la Californie et le Texas. Publiés pourtant la même année (2016), par le même éditeur et écrits par les mêmes auteurs. Le journal démontrait alors l’ingérence politique manifeste dans les savoirs enseignés, selon la couleur politique des Etats. *

En 2021, toujours au Texas, d’éminents et puissants hommes politiques républicains obtiennent l’examen de censure de centaines de titres des collections des bibliothèques scolaires, dont des titres évoquant des études sur le racisme ou des ouvrages sur des thématiques LGBT ou sur la violence faite aux femmes, par exemple. L’école se trouve au cœur de la censure (Cancel Culture). **

Je pourrais hélas énumérer tant et tant de funestes exemples de l’instrumentalisation de l’école à des fins politiques et / ou religieuses, partout et à tous les siècles!

Comment rester insensible aux pleurs des jeunes filles afghanes désespérées et dont toute la vie est tragiquement réduite à la soumission et aux rôles qui leur sont assignés ou au courage très réel des enseignants qui refusent de participer au révisionnisme historique qui leur est imposé?

Un enjeu de civilisation

Comment alors ne pas rappeler, encore et encore, que l’école libre, laïque, publique, obligatoire et égalitaire, est la base de tous les progrès?

 Elle est le fondement indispensable des démocraties véritables, la clé de voûte de la conquête des libertés, individuelles et collectives. Et le meilleur ascenseur social qui soit.

Comment ne pas répéter l’immense privilège que cela représente d’avoir pu bénéficier de l’accès libre aux savoirs, à l’apprentissage de l’argumentation, à l’échange des points de vue, aux contenus diversifiés et aux méthodes adaptées pour mieux les comprendre ?

Elle doit permettre l’acquisition de l’esprit critique raisonné et démonstratif. Mais aussi celle de l’art de la négociation, de l’écoute de l’autre et du droit à l’erreur. Elle doit enseigner l’espoir et non le désespoir.

Lorsque l’école et l’université deviennent les otages des pouvoirs politiques malintentionnés et autoritaires, à des fins d’embrigadement ou de propagande, c’est toute la société et la notion même de civilisation qui est atteinte et durablement menacée. Parfois pour des générations… voire des siècles.

Un bien très précieux

Pour protéger l’avenir de nos démocraties et de nos enfants, nous avons le devoir de valoriser et parfois de défendre notre système scolaire lorsqu’il est heureusement ouvert à toutes et tous, et qu’il fonctionne avec toute la précision factuelle, l’exigence pédagogique et l’honnêteté intellectuelle requises.

Nous contribuons ainsi à la lutte pour la paix en empêchant collectivement les obscurantismes de regagner du terrain.

Enjeu vital , pierre angulaire de tout le reste.

D’ailleurs c’est bien pour cela que les dictateurs et les pouvoirs autoritaires de toutes sortes veulent toujours avoir la haute main sur l’école et l’université: ils en connaissent bien la puissance et la redoutent. Ils doivent donc en prendre le contrôle, aussi bien dans la forme que dans le fond.

« Que chaque enfant soit libre d’être avec un enfant,

Libre de grandir et de se développer,

Libre de manger, de dormir,

et de voir la lumière du jour,

Libre de rire et de pleurer,

Libre de jouer et d’apprendre,

Libre d’aller à l’école,

Et surtout, libre de rêver. »

Kailash Satyarthi

Militant indien du droit des enfants et du droit à l’éducation, colauréat du prix Nobel de la Paix 2014 avec Malala Yousafzai, militante pakistanaise des droits des femmes pour l’accès à l’instruction.

Gardons ensemble les Pieds sur Terre: comme tous les progrès fondamentaux, l’instruction pour toutes et tous doit, sans relâche, être préservée et protégée. Hélas, en effet, elle n’est de loin pas acquise …. jamais, ni nulle part.

*In Courrier International , 14.01.2020 https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-au-texas-ou-en-californie-dans-les-manuels-scolaires-ce-nest-pas-la-meme-histoire

**in Les Univers du Livre Actualité , le 07.12.2021, Antoine Oury https://actualitte.com/article/103735/bibliotheque/au-texas-plus-de-400-livres-retires-des-bibliotheques-scolaires

 

 

Molière super star!

Janvier 2022 marque l’ouverture, partout dans le monde et en France en particulier, de l’Année Molière, en célébration, ô combien méritée, de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, né en janvier 1622.

Une idole à toutes les époques                                               

Cumulant avec génie toutes les fonctions, immense auteur, metteur en scène novateur, directeur de troupe, comédien, il a su traverser les siècles et les cultures et sa biographie continue d’attiser aujourd’hui encore la curiosité et les polémiques.

En effet, sa vie telle que décrite dans ses biographies, présenterait nombre d’inventions fantaisistes posthumes , puisqu’en réalité nous n’avons que peu de traces tangibles de sa vie privée et aucun manuscrit autographe semble-t-il, ce qui a permis tous les délires a posteriori.

Les rumeurs…

Certains ont notamment affirmé (sans aucune preuve) qu’il s’était fait aider pour écrire ses pièces en vers par Corneille ou que Louis XIV aurait écrit sous son nom …. Comme pour toutes les célébrités, moins on en sait vraiment et plus cela excite l’imaginaire collectif.

Indémodable

Comment expliquer ce succès qui en fait l’auteur de théâtre de langue française (et Dieu sait qu’il a de la concurrence dans ce domaine) le plus lu, traduit et joué au monde encore aujourd’hui ?

Bien sûr les programmes scolaires, qui n’ont jamais cessé de le «mettre à l’affiche », ont très largement contribué à la diffusion, génération après génération, de son œuvre.

Mais ceci constitue plutôt une preuve supplémentaire, une conséquence naturelle de son génie qu’une cause de sa notoriété.

Le maître de la nature humaine

Observateur profond de ses contemporains, il a su dépasser dans ses portraits l’anecdote pure et a créé définitivement une typologie des travers humains. S’adaptant à chaque profil par un registre qui serve au mieux son propos, il passe du comique au sarcasme, de la critique politique à peine déguisée à l’émotion plus grave. Ainsi Don Juan, pour nous spectateurs modernes, est éclairé par ce que nous savons aujourd’hui grâce à Freud par exemple.

Dès lors, nous pouvons transposer ses pièces dans notre époque (et les metteurs en scène le font très souvent), les situations et les personnages restent toujours d’actualité.

Pas politiquement correct!

L’idéaliste orgueilleux et réactionnaire Misanthrope, si nostalgique du « monde d’avant », le prétentieux mais grossièrement naïf nouveau riche du Bourgeois Gentilhomme, le révoltant Tartuffe, sinistre incarnation de l’hypocrisie cléricale, ou encore ces « Précieuses ridicules » qui confondent pathétiquement être et paraître, toutes et tous , et ils sont beaucoup plus nombreux que mes quelques exemples, incarnent définitivement les principaux travers humains.

Il fallait oser les présenter ainsi à la cour et à la censure royale ! Molière était, n’en doutons pas, un homme courageux. Et, habile à déjouer les pièges de la censure, il n’en disait pas moins ce qu’il avait à dire. De son côté La Fontaine faisait, quant à lui, parler des animaux pour mieux s’en protéger. Il est lui aussi indémodable.

Comme Shakespeare, Molière touche à ce qui caractérise le plus l’âme humaine, son goût pour le pouvoir, son désir d’amour, sa peur de la mort, sa fascination pour l’argent ou sa quête existentielle de sécurité ou de certitudes.

Si l’on garde les Pieds sur Terre c’est aussi grâce à Molière! Il sait si bien se moquer de nous!

 PS. C’est aussi l’occasion d’aller à la Comédie française ou à Versailles par exemple: pièces et expositions lui rendent hommage. Ou de revoir le magnifique long métrage d’Ariane Mnouchkine: Molière ou la vie d’un honnête homme (1978).

Mais pourquoi je mets un sapin de Noël au salon?

« Parce que c’est la tradition », oui mais laquelle au juste? Je m’aperçois que j’ignore presque tout du pourquoi un sapin (et pas autre chose) et pourquoi des boules , et pourquoi de préférence rouges, des bougies, des lumières et des friandises ? Je perpétue gaiement chaque année une tradition sans en connaître grand-chose. Et vous?

Un rite millénaire et quasi universel

On trouve en effet cette tradition partout ou presque, dans l’hémisphère nord principalement mais aussi dans l’hémisphère sud, où pourtant c’est l’été en décembre.

Et ça ne date pas d’hier. On croit souvent, à tort, que c’est l’ère chrétienne et la Nativité qui marquent l’émergence de sa présence, mais ses origines sont plus anciennes et plus mélangées. En fait notre bon vieux sapin de Noël est le résultat de ce que les historiens appellent un syncrétisme: soit le produit d’associations, de mélanges complexes d’influences très diverses. Ici, tout est entremêlé, les origines païennes et religieuses, les cultures et les géographies.

Egyptiens, Romains, Grecs, Hébreux, Celtes et Gaulois (pour ne citer qu’eux) tous ces peuples anciens ont en effet célébré plus ou moins de manière identique et plus ou moins au même moment le solstice d’hiver, selon leur calendrier en vigueur alors. Dans l’ensemble soit le 24 soit le 25 décembre.

Feuillages persistants et immortalité

Dans tous ces rites festifs, et selon les régions, on utilisait toujours des guirlandes de feuillages persistants: l’olivier, le houx, le laurier, le gui, le buis, le pin, pour symboliser la vie éternelle. On comprend le symbole. On en décorait les demeures et on y ajoutait tantôt des lumières, tantôt des friandises, pour éloigner les démons venus des ténèbres ou parfois, tenter de les amadouer par des offrandes.

Quant à l’épicéa commun (le fameux sapin), très répandu dans les forêts européennes , il était considéré par les Celtes comme « l’arbre porteur de vie », ce qui ne nous étonne pas, lorsqu’on sait qu’il peut vivre plusieurs centaines d’années dans son milieu naturel, et qu’on en a recensés et datés au Carbone 14 en Suède âgés de plus de 5000 ans! Il peut atteindre la taille monumentale de 60 mètres en Europe de l’Est, et de ce fait, incarne aussi la pérennité. Il a de plus de nombreuses vertus médicinales, bienfaisantes en période hivernale, antibiotiques, expectorantes notamment. C’est donc un arbre « puissant ».

Le culte du Soleil Invaincu: une grande fiesta impériale

Païen, le culte du Sol Invictus, pratiqué de façons diverses pendant l’Antiquité par les populations romaines au moment du solstice d’hiver fut harmonisé et sa pratique réglementée par l’empereur Aurélien au IIIe siècle pour des raisons politiques. Partout on célébrait le Soleil et on le remerciait pour sa renaissance future alors que la lumière se faisait désirer pendant l’hiver.

Aurélien trouva ainsi en effet un moyen d’unifier l’Empire, très divisé, dans une pratique commune puisque déjà consensuelle: une grande fête collective le 25 décembre pour célébrer le Dies Natalis Solis, le jour de naissance du Soleil et donc, sa renaissance éternelle.

Et lorsque cette pratique fut christianisée, on remplaça la naissance du soleil par celle du Christ. Natalis en latin devint Noël en français, Natale en italien, etc.

Le but d’Aurélien était de se servir de la convivialité (cum vivere, vivre ensemble) des festins pour pacifier et réconcilier les peuples de l’empire. Il proclama ainsi une tradition commune censée incarner l’Empire et son pouvoir. Boire, manger, se réunir pour fêter, et échanger des cadeaux en signe de bonne volonté réciproque, allumer des lumières, tous ensemble le 25 décembre.

On avait donc déjà là les ingrédients qui nous rassemblent, croyants et non croyants, encore aujourd’hui, ainsi que la notion de trêve aux conflits.

Et puis il y eut aussi un grand mélange avec les Saturnales antiques, le Samain celte, le Yule nordique et le protestantisme.

Je ne peux ici entrer dans les détails trop nombreux (et passionnants je dois dire !) des divers métissages culturels et religieux et des nombreuses légendes mais pour répondre à ma question:

Pourquoi des boules? pourquoi le rouge? et pourquoi les lumières dans le sapin?

Je peux vous donner quelques pistes plus proches de nous …

 Les boules d’ornements, rouges de préférence, sont les descendantes directes des pommes rouges qui étaient traditionnellement accrochées dans l’arbre pour rappeler aux Chrétiens le pommier sacré du Paradis.

Les friandises, tels les biscuits, étaient la représentation des hosties de l’Eucharistie.

Les lumières représentent l’espoir incarné par la naissance de Jésus, nommé Lumière du Monde chez les Chrétiens ou par le Messie attendu comme le Soleil de Justice chez les Hébreux.

 Les guerres et le pouvoir

J’ignorais en me lançant dans cette petite quête de réponses sur mon sapin de Noël que j’allais être entraînée vers l’évocation d’événements historiques aussi fortement associés aux guerres et à l’exercice du pouvoir.

En France:

Aux XVe et XVIe siècles , la tradition du sapin de Noël décoré est surtout répandue en Europe de l’est, en actuelles Estonie et Lettonie et dans les pays germaniques, dont l’Alsace fait alors partie et où cette tradition est alors déjà bien installée.

Elle est de plus associée à la Réforme et donc au culte protestant. On raconte même que l’idée des lumières dans le sapin viendrait du réformateur Martin Luther, pour figurer les étoiles…

Chez les catholiques, on célèbre la Nativité avec la Crèche. Les protestants voulurent s’en démarquer en adoptant le sapin, surmonté de l’Etoile de Bethléem.

Après la guerre franco-prussienne de 1870, ce sont les Alsaciens et les Lorrains qui répandirent plus largement cette coutume en France. Jusqu’alors elle n’avait pas véritablement pris l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui, malgré l’apparition du sapin de Noël à la cour de France à plusieurs reprises, sous l’influence des diverses reines d’origine germanique.

Ainsi l’épouse de Louis XV, polonaise d’origine, ou plus tard la Duchesse d’Orléans sous Louis-Philippe ont-elles aussi contribué à la coutume du sapin comme Arbre de Noël. (Cette appellation qui deviendra un terme générique pour le sapin ornementé date semble-t-il de 1521 en Alsace).

En Suisse:

Le protestantisme, la proximité avec les influences des pays de l’est de l’Europe, le voisinage constant avec Strasbourg et l’Alsace, le commerce par le Rhin et la grande quantité d’épicéas dans les forêts ont favorisé tout naturellement cette tradition.

En Grande-Bretagne:

Très éprise de son mari, le Prince Albert, lequel était d’origine allemande, en décembre 1848 la Reine Victoria lança la mode du sapin de Noël at home, auprès duquel elle avait rassemblé la Royal Family et ainsi posé pour le magazine Illustrated London News. Cela eut un succès retentissant et mondial.

La Reine Victoria allait ainsi exprimer publiquement et impérialement deux des valeurs chères au 19e siècle: l’association entre le respect religieux et le cercle de famille, réunis autour d’un même symbole. L’unité impériale sous toutes ses formes, de la famille à la nation, et sous une seule autorité dominante.

Ce qui n’est pas sans rappeler l’idée de l’Empereur Aurélien …

Conclusion en guirlande « lumineuse »

Donc si je résume, le sapin par sa forme triangulaire est à la fois un rappel de la Sainte Trinité pour les Chrétiens, de l’exercice du pouvoir pyramidal pour ceux qui le souhaitent, de la protection pour les faibles, du repère pour les égarés, de lumière et de chaleur, de rappel que le vivre ensemble passe par le don et le contre-don des cadeaux et par le repas commun, de fiesta païenne et polythéiste ancestrale, bref, que le paradis n’est pas tout à fait perdu et que l’on peut éloigner les démons!

Alors je garde les Pieds sur Terre et je me dis que j’ai bien de la chance d’avoir un sapin décoré dans mon salon !

Tous mes vœux ! Ah d’ailleurs, saviez-vous que naguère on écrivait des vœux sur des cartes suspendues dans le sapin? Oui, bon, promis, je m’arrête là ! Bonnes fêtes !

Plus de lettres, perte de mémoire?

Assistons-nous sans le remarquer à une perte massive de nos mémoires collectives et personnelles ? Qui écrit encore des lettres sur papier? Lettres d’amour ou simples correspondances plus ou moins suivies et dont on peut conserver un souvenir tangible pour les décennies ou les siècles à venir.

Cette question m’a traversé l’esprit en discutant avec des jeunes gens. Pour ceux qui ont aujourd’hui leurs premières amours, dans la plupart des cas, la communication passe avant tout par les sms, les réseaux sociaux, parfois les courriels, ou oralement, mais plus par la lettre de papier, dûment postée. Quelles traces en garderont-ils?

S’écrit-on encore dans les familles ? Non, pas vraiment, on se téléphone, on ne s’écrit même plus des cartes postales. Que restera-t-il de nos échanges pour nos descendants ?

Pour ma part, j’ai précieusement conservé les lettres de mes grands-parents, de mes parents, de mes amis, de mes amours. Les relire est une merveilleuse façon de faire revivre les disparus, ou de relativiser les chagrins de la vie. De se retrouver aussi dans ses désirs et élans de jeunesse, de rire de soi souvent.

Quant à nos contemporains, dont certains, femmes et hommes, vont devenir célèbres pour la postérité par un accomplissement exceptionnel dans leurs domaines, quels qu’ils soient, laisseront-ils ces traces si précieuses de leurs pensées, de leurs passions, de leur existence intime ou de leurs doutes et convictions?

La lettre sur papier, support particulier

Lorsqu’on écrit une lettre, sur papier, on développe davantage sa pensée pour un destinataire privilégié. Qui le fait encore régulièrement ? J’avoue que cela m’interpelle car comme tout le monde, j’ai moi aussi cessé de le faire… et je remarque combien j’ai raccourci la longueur de mes messages, limité les descriptions, combien nous restons tous dans l’économie de mots, forcément réductrice. Et pour tout dire, notre expression en est appauvrie.

Pour aller plus vite souvent, voire par paresse, parce que c’est plus simple et plus « facile».

Trésors des correspondances

Pour tout chercheur, l’étude de la correspondance –si par chance elle existe encore- des femmes et des hommes qui ont compté pour les civilisations qu’ils représentent est indispensable. C’est une mine d’informations, tant sur les événements, que sur les mœurs, sur les courants de pensée, ou sur les relations humaines.

Les doutes d’Einstein

Qui connaîtrait l’échange épistolaire entre Albert Einstein et Max Born (lui aussi Prix Nobel de physique pour ses travaux en physique quantique) et qui dura de 1916, à partir de la publication d’Einstein sur la relativité générale, jusqu’à sa mort en 1955 ? Cela représente plus de 100 lettres.

On y voit Einstein et Born échanger par exemple sur la physique quantique, qu’Einstein mettait en doute. Ou sur la montée du nazisme.

*Lettre 52. « La physique quantique est très impressionnante. Une voix intérieure me dit cependant qu’elle n’est pas satisfaisante. Elle fonctionne bien sans pour autant s’approcher d’une compréhension réelle des choses.

De toute façon, je suis convaincu que dieu ne joue pas aux dés. »

                                                                                          Albert Einstein, le 4 décembre 1926

Si Madame de Sévigné n’avait pas écrit ses fameuses Lettres à sa fille, Madame de Grignan, les historiens n’en sauraient pas autant sur la vie de cour sous Louis XIV ou sur les relations entre certains écrivains qu’elle fréquentait. Les historiens d’art ne connaîtraient pas non plus les échanges entre Picasso et Cocteau par exemple.

Lettres d’amour

Nous ne saurions pas davantage ce qui unissait Victor Hugo à Juliette Drouet (elle lui écrivit 22’000 lettres! en 50 ans), George Sand à Musset, le poète Rilke à Lou Andréa Salomé, ou qu’Albert Camus aima la comédienne Maria Casarès jusqu’à sa mort. Ni les échanges privés entre Sartre à Simone de Beauvoir. Nous ne connaîtrions pas non plus les dessous de la passion brûlante d’Anaïs Ninn avec Henry Miller.

Une mémoire historique sans pareille

Les lettres des soldats de la guerre de 14-18, dans les deux camps, à leurs correspondantes de guerre, ou à leurs familles, sont tout à la fois un témoignage de ce que représentaient ces lettres pour leur survie au quotidien et d’incomparables traces de leur vie réelle au front, dans les tranchées, si différentes des cyniques rapports d’état major.

Mille et uns autres exemples pourraient être cités, Cicéron, Churchill, De Gaulle, Lénine, Freud ou tous les musiciens, les peintres, les poètes ont laissé des correspondances qui témoignent de leur époque.

Pas de nostalgie mais …

Ce n’est pas uniquement par nostalgie (toute nostalgie n’est pas réactionnaire ou conservatrice) mais plus par réelle préoccupation que je m’interroge: quelles traces laisserons-nous aux siècles futurs ?

 Quels témoignages politiques, événementiels, contextuels auront-ils, hormis les publications destinées au grand public par leurs auteurs?

Savons-nous encore écrire des lettres d’amour qui font plus de deux phrases et qui transportent ? Sur quel passé se pencheront nos enfants et petits-enfants ?

Dans les lettres, on écrit des choses intimes et on prend souvent le risque d’être sincère sans se demander si cela est politiquement correct, sans précautions oratoires, et c’est ce qui les rend si uniques, si véridiques. Si incomparables à tous les autres écrits.

Je garde les Pieds sur Terre: je crains que nos nouveaux moyens de communication, marqués au sceau de l’instantanéité, si faciles, ne constituent un tournant sans pareil dans l’Histoire.

 

Notes et références

* Correspondance 1916-1955, traduction par Pierre Leccia, Collection Science Ouverte, Le Seuil (1972) (ISBN 2-020-02813-1

Numérique et tempêtes solaires, un cocktail explosif!

Nos sociétés ultra connectées seraient-elles de plus en plus des colosses aux pieds d’argile? Notre dépendance à la production électrique et aux cyber-technologies est évidemment sans précédent dans l’histoire humaine, ce qui nous rend très vulnérables.* Voilà pourquoi nous avons besoin de la climatologie spatiale et des prévisons météorologiques interplanétaires.

 Eruptions solaires: un phénomène à surveiller

Mal connues du grand public, les éruptions solaires sont des éjections plus ou moins violentes de matière provenant de la couronne solaire, qui s’élèvent à des milliers de kilomètres en altitude et produisent soit des vents solaires soit des tempêtes solaires.

La Terre est entourée de la magnétosphère, sorte de bouclier magnétique, qui la protège généralement du flux des vents solaires, bien connus des astronomes. Ce sont eux qui génèrent les admirables aurores boréales et australes.

Les tempêtes solaires

Plus rares que les vents solaires heureusement mais d’une extrême puissance, elles éjectent des milliards de tonnes de particules énergétiques dans l’espace. Moins rapides, elles mettent de quelques heures à quelques jours pour atteindre la Terre, si celle-ci se trouve sur leur trajectoire au moment de l’éruption. Ce qui nous laisse peu de temps pour réagir…

Les orages magnétiques

Quand elles entrent en interaction avec la magnétosphère, elles provoquent des orages magnétiques. Ils peuvent être d’une violence telle qu’ils peuvent inverser le champ magnétique de la Terre ou perturber la ionosphère où circulent les ondes radio, pour ne citer que 2 de ces effets possibles dont les conséquences peuvent nous toucher directement.

La fameuse découverte de David Carrington en 1859

Les événements de Carrington (Carrington events), du nom de l’astronome anglais, est un risque très sous-estimé, parfois méconnu du grand public et très souvent des politiques.

Carrington est le premier en effet à avoir observé des taches très importantes, visibles même à l’œil nu, à la surface du soleil. Puis il avait assisté, le 28 août 1859 à un éclair très violent, puis, les jours suivants, d’incroyables aurores polaires avaient illuminé les cieux bien au-delà des pôles: on pouvait lire, dit-on, le journal à Cuba en pleine nuit!

Tous les réseaux de télégraphes avaient sauté, et des télégraphistes avaient été parfois électrocutés. Mais dans l’ensemble, les dommages subis par les sociétés du 19e siècle avaient été très limités et n’avaient pas paralysé les activités humaines. On était encore à l’ère du papier et des moyens mécaniques, ce qui explique pourquoi les conséquences avaient somme toutes été si peu remarquées. On avait surtout admiré la beauté du phénomène …

Technologies: la menace solaire pour nos sociétés connectées

Aujourd’hui il s’agit au contraire d’un risque majeur.

Imaginez un peu: que se passerait-il si des centaines de transformateurs électriques étaient détruits en même temps? Certaines régions très peuplées du globe pourraient être privées d’électricité et vivre une panne totale pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois…

Notre vie est entièrement régie par les technologies avancées.

Toutes nos transactions par carte de crédit, toutes les communications via satellites, les GPS, et même la radio (qui dépend de la ionosphère), tout absolument tout ce qui aujourd’hui contrôle nos données, notre mobilité, nos communications, notre sécurité, pourrait être détruit en quelques heures et cela à l’échelle planétaire.

Cela laisse songeur …

Un précédent récent qui fait réfléchir …

En mars 1989, quelques 6 millions d’habitants du Québec furent totalement privés d’électricité pendant 9 heures: l’effondrement du système se produisit en moins de …90 secondes! Et les dégâts coûtèrent 2 milliards de dollars.

Sachant que nous sommes entrés en décembre 2019 dans le 25e cycle solaire (les cycles durent en moyenne 11 ans) et que leur intensité est variable et inconnue, il est évidemment indispensable d’observer attentivement les éruptions solaires. Ajoutons que les modèles actuels prévoient un pic d’activité solaire entre 2023 et 2026.

Les prévisions de la météorologie spatiale

Aujourd’hui des satellites ont pour mission d’observer cette activité du soleil, mais ils sont encore trop peu performants puisqu’ils offrent une prévision 20 heures maximum seulement avant l’événement, ce qui n’est pas suffisant pour permettre aux Terriens de réagir à la menace.

Une nouvelle culture du cyber-risque solaire

Tous les pays devraient appliquer à ce sujet le principe de précaution car s’il n’est pas certain que nous soyons justement dans la trajectoire d’une grosse tempête solaire, cela n’est pas exclu non plus. (cf.1)

Or le tragique exemple de Fukushima nous démontre que les modèles prévisionnels des risques sont trop souvent insuffisants car ils ne tiennent pas compte des effets dominos ou d’accumulations: un séisme ET un tsunami par exemple, se produisant en même temps au même endroit.

« Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte» Emile de Girardin. (Fondateur de la Presse et auteur de La politique universelle, 1852)

Nous sommes devenus hyper dépendants de nos production électriques, de nos cartes et puces magnétiques, et de tous nos systèmes inter-connectés. Nous devrions sérieusement réfléchir à la lumière (si j’ose dire.!) des pannes majeures les plus récentes à notre fragilité si nouvelle et si générale.

La NASA, le CNRS et L’ESA (Agence spatiale européenne) ont bien compris l’enjeu de la météorologie spatiale pour nos sociétés et ont développé des outils de calcul et des satellites d’observations pour mieux anticiper ces Carrington Events , et pour permettre de donner l’alerte à temps.

« L’enjeu est de taille pour les transformateurs électriques et le projet expérimental “Solar Shield” dirigé par le Dr Pulkkinen a pour mission d’identifier les transformateurs les plus menacés par chaque éruption solaire. “Il suffit de déconnecter pendant quelques heures tel ou tel transformateur à haut risque pour prévenir des pannes qui peuvent durer plusieurs semaines et plonger dans le noir un continent entier,” souligne le Dr Pulkkinen. » (cf.2)

En conclusion, si nous voulons garder les Pieds sur Terre, protégeons donc notre talon d’Achille car même si le risque est faible, il est bien trop grand pour nos sociétés pour être ignoré ou négligé.

 

Notes et références

1)Un rapport de la NASA datant de 2009 évalue le risque d’occurrence d’un événement Carrington comme une catastrophe planétaire susceptible de durer de plusieurs mois à plusieurs années.

En février 2014, le physicien Pete Riley publie un article intitulé :

« Sur la probabilité d’occurrence d’événements météorologiques spatiaux extrêmes » dans lequel il évoque une probabilité de 12% que la Terre soit frappée d’un Carrington Event dans les 10 prochaines années.

2) https://www.notre-planete.info/actualites/2913-consequences-tempete-solaire-Terre  Article très explicatif du site notre-planète.info (mis à jour 11 juillet 2020)

*Ces derniers mois, nous avons été victimes ou témoins de pannes géantes pendant lesquelles parfois des centaines de milliers de personnes n’ont plus pu ni téléphoner -même aux numéros d’urgence hélas- , ni se connecter, ni accéder à des données sensibles (les hôpitaux par exemple).

Je ne parle pas ici d’attaques de hackers, mais uniquement des pannes dues à des problèmes de maintenance de réseau électriques (réparations, erreurs humaines, etc.) ou d’événements dus à des phénomènes naturels et qui ont touché les infrastructures dont nous dépendons totalement.