Plus de lettres, perte de mémoire?

Assistons-nous sans le remarquer à une perte massive de nos mémoires collectives et personnelles ? Qui écrit encore des lettres sur papier? Lettres d’amour ou simples correspondances plus ou moins suivies et dont on peut conserver un souvenir tangible pour les décennies ou les siècles à venir.

Cette question m’a traversé l’esprit en discutant avec des jeunes gens. Pour ceux qui ont aujourd’hui leurs premières amours, dans la plupart des cas, la communication passe avant tout par les sms, les réseaux sociaux, parfois les courriels, ou oralement, mais plus par la lettre de papier, dûment postée. Quelles traces en garderont-ils?

S’écrit-on encore dans les familles ? Non, pas vraiment, on se téléphone, on ne s’écrit même plus des cartes postales. Que restera-t-il de nos échanges pour nos descendants ?

Pour ma part, j’ai précieusement conservé les lettres de mes grands-parents, de mes parents, de mes amis, de mes amours. Les relire est une merveilleuse façon de faire revivre les disparus, ou de relativiser les chagrins de la vie. De se retrouver aussi dans ses désirs et élans de jeunesse, de rire de soi souvent.

Quant à nos contemporains, dont certains, femmes et hommes, vont devenir célèbres pour la postérité par un accomplissement exceptionnel dans leurs domaines, quels qu’ils soient, laisseront-ils ces traces si précieuses de leurs pensées, de leurs passions, de leur existence intime ou de leurs doutes et convictions?

La lettre sur papier, support particulier

Lorsqu’on écrit une lettre, sur papier, on développe davantage sa pensée pour un destinataire privilégié. Qui le fait encore régulièrement ? J’avoue que cela m’interpelle car comme tout le monde, j’ai moi aussi cessé de le faire… et je remarque combien j’ai raccourci la longueur de mes messages, limité les descriptions, combien nous restons tous dans l’économie de mots, forcément réductrice. Et pour tout dire, notre expression en est appauvrie.

Pour aller plus vite souvent, voire par paresse, parce que c’est plus simple et plus « facile».

Trésors des correspondances

Pour tout chercheur, l’étude de la correspondance –si par chance elle existe encore- des femmes et des hommes qui ont compté pour les civilisations qu’ils représentent est indispensable. C’est une mine d’informations, tant sur les événements, que sur les mœurs, sur les courants de pensée, ou sur les relations humaines.

Les doutes d’Einstein

Qui connaîtrait l’échange épistolaire entre Albert Einstein et Max Born (lui aussi Prix Nobel de physique pour ses travaux en physique quantique) et qui dura de 1916, à partir de la publication d’Einstein sur la relativité générale, jusqu’à sa mort en 1955 ? Cela représente plus de 100 lettres.

On y voit Einstein et Born échanger par exemple sur la physique quantique, qu’Einstein mettait en doute. Ou sur la montée du nazisme.

*Lettre 52. « La physique quantique est très impressionnante. Une voix intérieure me dit cependant qu’elle n’est pas satisfaisante. Elle fonctionne bien sans pour autant s’approcher d’une compréhension réelle des choses.

De toute façon, je suis convaincu que dieu ne joue pas aux dés. »

                                                                                          Albert Einstein, le 4 décembre 1926

Si Madame de Sévigné n’avait pas écrit ses fameuses Lettres à sa fille, Madame de Grignan, les historiens n’en sauraient pas autant sur la vie de cour sous Louis XIV ou sur les relations entre certains écrivains qu’elle fréquentait. Les historiens d’art ne connaîtraient pas non plus les échanges entre Picasso et Cocteau par exemple.

Lettres d’amour

Nous ne saurions pas davantage ce qui unissait Victor Hugo à Juliette Drouet (elle lui écrivit 22’000 lettres! en 50 ans), George Sand à Musset, le poète Rilke à Lou Andréa Salomé, ou qu’Albert Camus aima la comédienne Maria Casarès jusqu’à sa mort. Ni les échanges privés entre Sartre à Simone de Beauvoir. Nous ne connaîtrions pas non plus les dessous de la passion brûlante d’Anaïs Ninn avec Henry Miller.

Une mémoire historique sans pareille

Les lettres des soldats de la guerre de 14-18, dans les deux camps, à leurs correspondantes de guerre, ou à leurs familles, sont tout à la fois un témoignage de ce que représentaient ces lettres pour leur survie au quotidien et d’incomparables traces de leur vie réelle au front, dans les tranchées, si différentes des cyniques rapports d’état major.

Mille et uns autres exemples pourraient être cités, Cicéron, Churchill, De Gaulle, Lénine, Freud ou tous les musiciens, les peintres, les poètes ont laissé des correspondances qui témoignent de leur époque.

Pas de nostalgie mais …

Ce n’est pas uniquement par nostalgie (toute nostalgie n’est pas réactionnaire ou conservatrice) mais plus par réelle préoccupation que je m’interroge: quelles traces laisserons-nous aux siècles futurs ?

 Quels témoignages politiques, événementiels, contextuels auront-ils, hormis les publications destinées au grand public par leurs auteurs?

Savons-nous encore écrire des lettres d’amour qui font plus de deux phrases et qui transportent ? Sur quel passé se pencheront nos enfants et petits-enfants ?

Dans les lettres, on écrit des choses intimes et on prend souvent le risque d’être sincère sans se demander si cela est politiquement correct, sans précautions oratoires, et c’est ce qui les rend si uniques, si véridiques. Si incomparables à tous les autres écrits.

Je garde les Pieds sur Terre: je crains que nos nouveaux moyens de communication, marqués au sceau de l’instantanéité, si faciles, ne constituent un tournant sans pareil dans l’Histoire.

 

Notes et références

* Correspondance 1916-1955, traduction par Pierre Leccia, Collection Science Ouverte, Le Seuil (1972) (ISBN 2-020-02813-1

Numérique et tempêtes solaires, un cocktail explosif!

Nos sociétés ultra connectées seraient-elles de plus en plus des colosses aux pieds d’argile? Notre dépendance à la production électrique et aux cyber-technologies est évidemment sans précédent dans l’histoire humaine, ce qui nous rend très vulnérables.* Voilà pourquoi nous avons besoin de la climatologie spatiale et des prévisons météorologiques interplanétaires.

 Eruptions solaires: un phénomène à surveiller

Mal connues du grand public, les éruptions solaires sont des éjections plus ou moins violentes de matière provenant de la couronne solaire, qui s’élèvent à des milliers de kilomètres en altitude et produisent soit des vents solaires soit des tempêtes solaires.

La Terre est entourée de la magnétosphère, sorte de bouclier magnétique, qui la protège généralement du flux des vents solaires, bien connus des astronomes. Ce sont eux qui génèrent les admirables aurores boréales et australes.

Les tempêtes solaires

Plus rares que les vents solaires heureusement mais d’une extrême puissance, elles éjectent des milliards de tonnes de particules énergétiques dans l’espace. Moins rapides, elles mettent de quelques heures à quelques jours pour atteindre la Terre, si celle-ci se trouve sur leur trajectoire au moment de l’éruption. Ce qui nous laisse peu de temps pour réagir…

Les orages magnétiques

Quand elles entrent en interaction avec la magnétosphère, elles provoquent des orages magnétiques. Ils peuvent être d’une violence telle qu’ils peuvent inverser le champ magnétique de la Terre ou perturber la ionosphère où circulent les ondes radio, pour ne citer que 2 de ces effets possibles dont les conséquences peuvent nous toucher directement.

La fameuse découverte de David Carrington en 1859

Les événements de Carrington (Carrington events), du nom de l’astronome anglais, est un risque très sous-estimé, parfois méconnu du grand public et très souvent des politiques.

Carrington est le premier en effet à avoir observé des taches très importantes, visibles même à l’œil nu, à la surface du soleil. Puis il avait assisté, le 28 août 1859 à un éclair très violent, puis, les jours suivants, d’incroyables aurores polaires avaient illuminé les cieux bien au-delà des pôles: on pouvait lire, dit-on, le journal à Cuba en pleine nuit!

Tous les réseaux de télégraphes avaient sauté, et des télégraphistes avaient été parfois électrocutés. Mais dans l’ensemble, les dommages subis par les sociétés du 19e siècle avaient été très limités et n’avaient pas paralysé les activités humaines. On était encore à l’ère du papier et des moyens mécaniques, ce qui explique pourquoi les conséquences avaient somme toutes été si peu remarquées. On avait surtout admiré la beauté du phénomène …

Technologies: la menace solaire pour nos sociétés connectées

Aujourd’hui il s’agit au contraire d’un risque majeur.

Imaginez un peu: que se passerait-il si des centaines de transformateurs électriques étaient détruits en même temps? Certaines régions très peuplées du globe pourraient être privées d’électricité et vivre une panne totale pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois…

Notre vie est entièrement régie par les technologies avancées.

Toutes nos transactions par carte de crédit, toutes les communications via satellites, les GPS, et même la radio (qui dépend de la ionosphère), tout absolument tout ce qui aujourd’hui contrôle nos données, notre mobilité, nos communications, notre sécurité, pourrait être détruit en quelques heures et cela à l’échelle planétaire.

Cela laisse songeur …

Un précédent récent qui fait réfléchir …

En mars 1989, quelques 6 millions d’habitants du Québec furent totalement privés d’électricité pendant 9 heures: l’effondrement du système se produisit en moins de …90 secondes! Et les dégâts coûtèrent 2 milliards de dollars.

Sachant que nous sommes entrés en décembre 2019 dans le 25e cycle solaire (les cycles durent en moyenne 11 ans) et que leur intensité est variable et inconnue, il est évidemment indispensable d’observer attentivement les éruptions solaires. Ajoutons que les modèles actuels prévoient un pic d’activité solaire entre 2023 et 2026.

Les prévisions de la météorologie spatiale

Aujourd’hui des satellites ont pour mission d’observer cette activité du soleil, mais ils sont encore trop peu performants puisqu’ils offrent une prévision 20 heures maximum seulement avant l’événement, ce qui n’est pas suffisant pour permettre aux Terriens de réagir à la menace.

Une nouvelle culture du cyber-risque solaire

Tous les pays devraient appliquer à ce sujet le principe de précaution car s’il n’est pas certain que nous soyons justement dans la trajectoire d’une grosse tempête solaire, cela n’est pas exclu non plus. (cf.1)

Or le tragique exemple de Fukushima nous démontre que les modèles prévisionnels des risques sont trop souvent insuffisants car ils ne tiennent pas compte des effets dominos ou d’accumulations: un séisme ET un tsunami par exemple, se produisant en même temps au même endroit.

« Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte» Emile de Girardin. (Fondateur de la Presse et auteur de La politique universelle, 1852)

Nous sommes devenus hyper dépendants de nos production électriques, de nos cartes et puces magnétiques, et de tous nos systèmes inter-connectés. Nous devrions sérieusement réfléchir à la lumière (si j’ose dire.!) des pannes majeures les plus récentes à notre fragilité si nouvelle et si générale.

La NASA, le CNRS et L’ESA (Agence spatiale européenne) ont bien compris l’enjeu de la météorologie spatiale pour nos sociétés et ont développé des outils de calcul et des satellites d’observations pour mieux anticiper ces Carrington Events , et pour permettre de donner l’alerte à temps.

« L’enjeu est de taille pour les transformateurs électriques et le projet expérimental “Solar Shield” dirigé par le Dr Pulkkinen a pour mission d’identifier les transformateurs les plus menacés par chaque éruption solaire. “Il suffit de déconnecter pendant quelques heures tel ou tel transformateur à haut risque pour prévenir des pannes qui peuvent durer plusieurs semaines et plonger dans le noir un continent entier,” souligne le Dr Pulkkinen. » (cf.2)

En conclusion, si nous voulons garder les Pieds sur Terre, protégeons donc notre talon d’Achille car même si le risque est faible, il est bien trop grand pour nos sociétés pour être ignoré ou négligé.

 

Notes et références

1)Un rapport de la NASA datant de 2009 évalue le risque d’occurrence d’un événement Carrington comme une catastrophe planétaire susceptible de durer de plusieurs mois à plusieurs années.

En février 2014, le physicien Pete Riley publie un article intitulé :

« Sur la probabilité d’occurrence d’événements météorologiques spatiaux extrêmes » dans lequel il évoque une probabilité de 12% que la Terre soit frappée d’un Carrington Event dans les 10 prochaines années.

2) https://www.notre-planete.info/actualites/2913-consequences-tempete-solaire-Terre  Article très explicatif du site notre-planète.info (mis à jour 11 juillet 2020)

*Ces derniers mois, nous avons été victimes ou témoins de pannes géantes pendant lesquelles parfois des centaines de milliers de personnes n’ont plus pu ni téléphoner -même aux numéros d’urgence hélas- , ni se connecter, ni accéder à des données sensibles (les hôpitaux par exemple).

Je ne parle pas ici d’attaques de hackers, mais uniquement des pannes dues à des problèmes de maintenance de réseau électriques (réparations, erreurs humaines, etc.) ou d’événements dus à des phénomènes naturels et qui ont touché les infrastructures dont nous dépendons totalement.

 

 

 

 

 

 

 

 

La gifle: un geste qui a une longue histoire …

La gifle a une très forte charge symbolique de communication dans nos cultures occidentales. Ce geste si soudain a toujours gardé un statut particulier à travers les siècles. Il est intéressant d’en rappeler quelques caractéristiques historiques et sociales le lendemain de l’agression dont a été victime Emmanuel Macron et qui suscite de vives réactions. C’est perçu en effet comme bien pire qu’une tarte à la crème, une enfarinade, ou une tomate trop mûre…ça n’a rien d’une “blague”, ça ne fait pas rire du tout et on ignore si c’est prémédité ou l’expression d’un brusque accès de violence. C’est donc incompréhensible, inquiétant et choquant. Penchons-nous sur la question de façon plus générale ….

Pourquoi une gifle est-elle si intolérable?

Pour mieux le comprendre dans son sens général, il faut relier ce coup soudain porté au visage à plusieurs paramètres associés:

La main ouverte, la main tendue

Traditionnellement, et cela depuis des siècles, la main ouverte paume vers le haut et avant–bras tendu permettait de montrer que l’on ne tenait pas d’arme. Suite logique, la poignée de main, toujours donnée avec la main droite, est donc un signe de réciprocité pacifique: «je ne suis pas armé et toi non plus, dès lors nous pouvons entrer en communication verbale en confiance».

La main de la bénédiction religieuse s’approche de la tête du fidèle, qui s’en réjouit et s’y soumet volontairement en inclinant la tête.

La main tendue est aussi celle de l’aide et du secours.

La confiance

Dans tous ces cas, ce geste paume ouverte vers autrui est un gage de confiance qui relie les interlocuteurs. Le mot confiance vient du latin cum fidere qui veut dire partager sa foi  avec l’autre (au sens large du mot foi, sans connotation religieuse ici). Pouvoir se fier à quelqu’un, c’est fondamental, parfois vital. Cela implique que l’on n’a pas à craindre la trahison, la traîtrise.

La face, identité sacrée et vulnérabilité

Dans presque toutes les cultures, le visage est sacré. Sa représentation est parfois sacrilège lorsqu’il s’agit de dieu(x) dans certaines religions. Elle est souvent révérée, comme pour les chrétiens celle de l’empreinte du visage du Christ. Des populations autochtones considèrent que prendre en photo leur visage, c’est voler leur âme.

Et, ne nous y trompons pas, nous sommes plus que jamais dans une ère du culte de l’image du visage, sacralisée et enluminée par des artifices “photoshopés” ou modifiée par le maquillage et la chirurgie. L’ère du selfie narcissique se double aujourd’hui de la crainte des abus relatifs à la reconnaissance faciale par l’intelligence artificielle. Le visage est donc plus que jamais investi d’une forte charge émotionnelle.

Ajoutons que, lorsqu’on s’avance « à visage découvert » c’est en signe d’ouverture au dialogue et à la relation.

Quand la main ouverte ment

La violence de la gifle est donc multiple: la main ouverte en frappant la face commet une trahison aggravée. En effet, la surprise néfaste et la stupéfaction y sont associées.

Ce geste a toujours été considéré et ressenti comme une humiliation. On parle d’avanie, de camouflet. Ce n’est pas seulement un coup, c’est un discours gestuel. Presque théâtralisé. Toujours dramatisé. Et souvent tragique.

Si elle est donnée en privé, c’est une trahison beaucoup plus mortifiante et violente psychologiquement (et même physiquement) qu’une bourrade dans une épaule. « Se prendre une claque » est une expression métaphorique illustrative du fait qu’on n’a pas vu le coup venir, qu’on n’était ni préparé ni armé. On se croyait en confiance, on a donc baissé sa garde et on était vulnérable. Par conséquent, la rancune et la rancœur risquent fort d’être définitives. C’est une énorme blessure narcissique, et le beau Narcisse aimait, comme on le sait. son visage jusqu’à en mourir….

L’humiliation publique

Encore jusqu’au 19e siècle, la gifle publique, devant témoins, était le facteur déclencheur des duels les plus sanglants, mêmes interdits par la loi. Le soufflet se donnait généralement avec les gants de celui qui se considérait comme offensé et un tel geste au visage de son adversaire provoqué se réglait à l’aube au pistolet ou à l’épée.

Honneur et respect

En effet, attenter brusquement à l’intégrité identitaire (le visage) d’un homme (les femmes, qui en étaient parfois les enjeux ou les prétextes, ne pratiquaient pas ces codes) par ce geste si vif et inattendu était considéré comme une atteinte inacceptable à l’honneur. Il fallait laver cet affront (mot qui vient aussi du latin ad frontem , sur le front, ou vers le front) en combat singulier.

Hiérarchie des atteintes à l’honneur: le code

Dans la définition de l’Encyclopedia universalis, l’atteinte à l’honneur n’a de sens que lorsqu’il y a égalité de rang. Dans ce fameux code de l’honneur, un supérieur  hiérarchique ne peut pas se sentir humilié par quelqu’un qui n’est pas son égal. L’affront n’a pas de valeur symbolique dans un tel cas. C’est la base même du code.

En revanche, il y a crime symbolique dans la tentative d’atteinte à l’intégrité d’une figure hiérarchique forte.

Un président ou une présidente, ou tout autre dirigeant investi d’un pouvoir politique ou religieux par/sur une collectivité, représente cette collectivité qui l’a placé à son poste. Toucher à son visage, c’est toucher à tous les membres du groupe considéré et à tout ce qu’ils représentent.

Le symbole

On pourrait encore détailler longuement les facteurs, historiques, sociologiques, politiques et psychologiques qui constituent dans l’imaginaire collectif un interdit si ancien et si particulier.

Cela choque donc les gens à plusieurs titres comme on le voit.

L’Histoire et l’actualité

En minimisant la portée de cette gifle contre E. Macron, les ministres et le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal rappellent donc que le Président n’est pas humiliable ou atteignable dans son honneur puisque sa fonction même le place hirérarchiquement au-dessus du «gifleur». On est donc tout à fait dans le cadre historique du code de l’honneur.

C’est la Justice qui a la charge de punir le crime d’atteinte symbolique, au nom de la société qui l’a élu Président car, dans les régimes démocratiques, la loi et son application par la justice sont relatives à la société tout entière et s’appliquent à tous les individus qui la constituent.

Pour conclure, il est très intéressant de constater combien nous sommes dépositaires, parfois sans même le savoir, des signaux de communication ancestraux de la culture à laquelle nous appartenons.

Et puis, gardons les Pieds sur Terre et la tête froide, ce qui nous interpelle toujours, à juste titre, c’est d’assister à un acte violent commis sur une personne, quelle qu’elle soit.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le «Nudging» ou la persuasion à grande échelle, suite…

Partie 2 : Le Nudging, alternative de communication intéressante

Cette méthode s’est tout d’abord fait connaître dans les pays anglophones, dans les milieux académiques et économiques. On parle aussi de Behavioral Economy (Economie comportementaliste) et de Nudge Marketing, selon les applications considérées.

Il est important de souligner ici que cela ne peut remplacer d’autres stratégies d’information ou de communication dans tous les cas de figures, mais que c’est une possibilité différente, à ajouter ou à privilégier. C’est donc une solution complémentaire, souvent plus efficace que les méthodes traditionnelles. Elle mérite donc qu’on la prenne en considération. Une sorte de nouvelle corde (ou de nouvelle flèche) ajoutée à l’arc de ceux qui communiquent.

Non, l’être humain n’est pas si rationnel qu’il voudrait le croire!

Dès 1960 le chercheur américain Herbert Simon* s’intéresse aux processus de prises de décisions et de choix des individus, en particulier dans le domaine économique.

Il révolutionne la vision jusque-là admise de l’Homme rationnel. Il reçoit le Prix Nobel d’économie 1978 pour sa théorie sur la rationalité limitée.

Incertitudes et choix par défaut

Herbert Simon relevait les multiples facteurs d’incertitude qui modifient nos prises de décisions: par exemple, nous ne savons jamais tout, ni sur nous-mêmes ni sur le contexte de nos décisions.

Il démontre que lorsque nous faisons un choix pour résoudre un problème, nous avons avant tout renoncé à d’autres possibilités alternatives, aussitôt qu’une solution nous paraît suffisamment satisfaisante.

Or le renoncement est un acte délibéré de l’individu, à ne pas confondre avec la résignation, laquelle implique au contraire une sorte de soumission aux événements.

Le renoncement est donc un mouvement positif que l’on peut valoriser.

Emotionnels avant tout (et plutôt paresseux …)!

Il conteste l’idée reçue que, si nous sommes bien informés, nous sommes capables de prendre nos décisions de façon optimale et «froide» en quelque sorte, c’est-à-dire rationnellement. Or il n’en est rien: nous sommes des êtres essentiellement émotionnels. Bien moins cartésiens ou raisonnables que prévu, même face à des mesures chiffrées …

Il démontre aussi que, paradoxalement, nous sommes prévisiblement irrationnels”!

Contrairement aux idées reçues, nous prenons nos décisions en fonction d’une multitude de facteurs et de procédures dont la plupart nous échappent. Et nous le faisons de manière systématique, c’est l’aspect prévisible de nos attitudes. H.Simon montre que nous le faisons bien davantage dans le but de la satisfaction la plus aisée plutôt que dans celui de la maximisation objective de nos intérêts.

J’ai envie de dire pour résumer que, comme tout le vivant, nous économisons notre énergie chaque fois que cela nous est possible!

Cette théorie fit grand bruit dans les milieux concernés (économie et finance) et suscita bien des polémiques. Mais elle ne tarda pas à être considérée comme extrêmement intéressante.

 Reprise et développée par Daniel Kahneman (Nobel d’économie 2002), puis par Richard Thaler (Nobel 2017) et Cass Sunstein (en 2003 puis 2008 **), et par Dan Ariely*** dans son livre C’est (vraiment ?) moi qui décide: les raisons cachées de nos choix (2008), la théorie et méthode du Nudging fut adoptée par Obama dès 2008 (création d’un Nudge Squad en 2013) puis par de nombreux dirigeants et pays, jusqu’à plus récemment l’Allemagne ou la France.

Une autre version d’une même réalité: un gros gain pour un très petit prix

Ainsi, en France, en ne modifiant qu’une formulation sur la déclaration fiscale concernant la possession d’un téléviseur, on a pu récupérer des millions d’euros de redevance.

Auparavant le formulaire disait : « avez-vous un poste de TV chez vous? » et il fallait cocher pour le dire. Et le résultat était très faible…. Le « Oups ! j’avais pas vu … » était trop facile…

En faisant l’inverse, c’est-à-dire en mettant «si vous n’avez pas de TV chez vous, alors vous devez l’écrire et le déclarer solennellement» pour ne pas devoir payer automatiquement la taxe (l’idée étant que la grande majorité des Français en ont une), l’Etat a utilisé le biais dit d’autorité:

Si vous écrivez « Non je n’en ai pas » et que vous mentez, vous ne pourrez pas prétendre ne pas avoir voulu frauder … C’est plus difficile, cela vous prendra plus de temps (il faut écrire une déclaration à part) et c’est donc moins tentant. Vous êtes amenés à prendre vos responsabilités de façon plus active.

Coût de l’opération pour changer la formulation? Plus que faible au regard du bénéfice car les montants des redevances ont fait un bond! Ainsi les citoyens ont donc été incités à être plus honnêtes sans remontrances ni menaces explicites.

La question des dérives

S’agissant tout de même de manipulation, bien que «douce», et basée très efficacement sur la psychologie humaine et comportementale, on est en droit de se demander si le Nudging n’est pas un redoutable moyen de nous « moutonniser » à l’envi à des fins plus ou moins nobles.

Je n’ai pas de réponse toute prête à ce sujet.

Le Nudging public, social ou politique:  le paternalisme libertarien

Je remarque néanmoins que le risque est très faible si les principes de liberté des individus d’adhérer ou non à l’incitation sont strictement respectés, comme c’est normalement le cas dans cette pratique dite du paternalisme libertarien (Libertarian Paternalism tel que définit par Thaller et Sunstein **). Cela implique également qu’ils soient  préalablement informés clairement.

En revanche dans le Nudge marketing à des fins purement publicité-vente-profit, je serais plus critique et je crains les risques de dérives pour la seule raison déjà que l’objectif n’est plus du tout le bénéfice «vertueux » collectif mais celui de quelques-uns au détriment potentiel des autres…

De grandes firmes de sodas pleins de sucre et de sel s’intéressent par exemple de très près à ces techniques d’influence. Cela reste alors du pur marketing de vente de produit.

 Une perspective optimiste pour les causes collectives?

Remarquons pour conclure que certains mettent beaucoup d’espoir sincère dans cette méthode pour résoudre diverses problématiques sociétales ou environnementales car elle tient compte de nos réelles inerties comportementales et des contextes qui nous entourent au lieu d’en être déconnectées.

Cela ouvrirait une nouvelle voie de gouvernance, complémentaire aux méthodes déjà en vigueur. Ils défendent la thèse que des conduites acceptées librement nous responsabilisent davantage et font de nous des citoyens mieux assumés. Cela me paraît très sensé.

Je garde les Pieds sur Terre : entre toutes les options possibles d’opinions à ce sujet, je propose de laisser à chacune et chacun le libre choix de la réponse  😉 !

 

* Herbert Simon interview http://www.sietmanagement.fr/decision-organisationnelle-rationalite-procedurale-les-boucles-imc-h-simon/

**Libertarian Paternalism  in Thaler, Richard H. and Cass R. Sunstein. Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness. Yale University Press, 2008.

***Dan Ariely conférence :Contrôlons-nous nos décisions ?

https://www.ted.com/talks/dan_ariely_are_we_in_control_of_our_own_decisions?language=fr

(traduction de la conférence https://www.ted.com/talks/dan_ariely_are_we_in_control_of_our_own_decisions/transcript?language=fr

 

Le «Nudging» ou la persuasion à grande échelle Partie 1

 Se faire vacciner ou pas? prendre l’escalier ou l’escalator? trier davantage les déchets? rouler mieux et moins vite?  Voici autant de problématiques modifiées par des stratégies de Nudging. Qu’est-ce que c’est et comment ça marche?

 Partie 1

Plus que jamais, actuellement les gouvernements utilisent les techniques communicationnelles du Nudging dans divers domaines (écologie, fiscalité, sécurité routière, politiques de santé etc.) afin d’orienter les gens vers des prises de décisions et des comportements considérés comme bénéfiques pour la collectivité.

A moindre coût et, ce qui est très important, en déclarant préserver leur liberté de décision. On parle de « manipulation douce » et assumée ouvertement par ceux qui s’en servent.

«Nudge» (en français «coup de pouce ») est, en d’autres termes, une méthode de communication destinée à modifier des comportements avec la pleine adhésion des personnes concernées ou à les inciter à passer de l’indécision à l’action. Tout cela sans contraintes ni punition, ni même recommandation.

C’est de la persuasion à grande échelle, basée sur une étude préalable des comportements effectifs des individus dans tel ou tel contexte. Aujourd’hui les grands cabinets de conseil spécialisés dans ce domaine (ex. BVA en France, qui conseille le gouvernement) se servent d’analyses de mégadonnées (Big Data) pour leurs collectes de données ciblées.

Ceux qui veulent persuader se basent sur la psychologie comportementale pour modifier leur message incitatif, de façon à obtenir l’adhésion du plus grand nombre de gens possible pour effectuer un changement.

L’exemple de l’escalier de Stockholm

En se servant par exemple de notre tendance à aimer nous amuser, on peut nous inciter à prendre l’escalier plutôt que l’escalator uniquement en peignant les marches comme un grand clavier de piano. C’est ce qui a été tenté à Stockholm. Pas de discours ni de conseils, juste un environnement visuel suggestif et ludique.

Résultat: une baisse de 70% de l’usage de l’esclator et deux premiers bénéfices: une substantielle économie d’énergie et un bénéfice santé pour les usagers, donc une prévention à très bas coût pour la politique de santé publique. Ce qui représente un fort retour sur investissement (ROI). Quant au destinataire, le public, il a toujours le libre choix de prendre ou non l’escalator. C’est un exemple de Nudge.

Ou celui du passage piéton islandais (Cf. photo ci-dessus)

En Islande, une ville a créé un passage piéton en 3D qui fait trompe-l’œil et qui est destiné à faire ralentir les usagers de la route car ils croient voir un obstacle. Ce Nudge a depuis, été plusieurs fois imité ailleurs avec succès (Inde, France, etc.).  *(Cf. la vidéo lien en bas de l’article.)

On peut aussi nous influencer très efficacement en misant sur notre profond désir d’appartenance au groupe social.

Si nous lisons que tant de milliers de gens font une action jugée positive, comme trier les déchets, limiter leur consommation énergétique ou donner leurs organes post mortem, nous aurons tendance par mimétisme et par conformisme social à faire de même. La pression des pairs (peer pressure) est un puissant levier de changement.

L’effet Ikéa, exemple de biais cognitif

Il apparaît que nous accordons plus de valeur à un bien, proportionnellement à la difficulté que nous avons eu à l’assembler et parce que nous y sommes parvenus. Une satisfaction qui donne du prix à notre action et à sa réalisation concrète.

Donc favoriser le succès des individus dans une entreprise difficile donne une valeur ajoutée à l’action, largement supérieure à l’action elle-même car elle est émotionnelle, investie affectivement. Cette satisfaction supérieure les motivera à réitérer l’expérience puisqu’elle est fortement gratifiante. Cela crée une sorte d’appropriation positive et durable.

Autres procédés: l’effet de la répétition ou la peur de la perte

Rien de nouveau ici, c’est la répétition sous toutes ses formes qui finit par modifier la perception du récepteur ou encore la stratégie d’évitement de la perte qui le poussera à faire autrement si on lui en donne la possibilité. Le Nudging consistera alors à lui offrir l’accès facilité à cette possibilité!

Bref, plus de 120 biais cognitivo-comportementaux ont été listés, et permettent donc de mettre en œuvre des mécanismes d’influence efficaces.

Dans l’ensemble, jusqu’à maintenant, les gouvernements démocratiques pratiquaient assez généralement l’information et la recommandation, assorties de l’obligation (morale ou légale) et la coercition (amendes, punitions légales, sanctions etc.) lorsqu’ils voulaient obtenir des comportements plus « vertueux » chez leurs populations. On partait de la théorie et on obligeait à sa mise en pratique.

A l’inverse, le Nudging suit une démarche inductive: d’abord l’observation du terrain et des utilisateurs, l’analyse de leurs comportements réels et en contexte (via des mégadonnées notamment) puis seulement, la mise en œuvre réaliste d’une stratégie de communication adaptée et simple.

Première conclusion

Pour faire une métaphore, on pourrait dire qu’avec un Nudge on forge une clé (=le message incitatif) par rapport à la serrure (=le public cible), alors qu’on avait tendance à forcer la serrure avec une clé inadaptée …. Ce qui, bien sûr laissait des traces sur la porte, l’endommageait et ne permettait pas toujours de l’ouvrir (= l’adhésion libre à la proposition de changement).

A suivre ! ….dans la partie 2, à venir bientôt!

Vidéo sur le passage piéton en 3D d’Islande: https://www.youtube.com/watch?v=szJbz-z7iJw&t=75s

Mettre des mots sur les maux

Dans les séries, (En thérapie sur Arte fait un véritable tabac), dans les médias, ou sur les réseaux sociaux, les prises de parole existentielle sont d’actualité: tant pour dénoncer publiquement des violences trop longtemps tues que pour exprimer des souffrances dans la confidentialité d’un dialogue thérapeutique. Ce n’est pas seulement à une libération de la parole à laquelle nous assistons, mais à la reconnaissance publique de sa nécessité pour la santé globale des individus et pour la vitalité de nos sociétés.

Freud a dit:” Le premier homme à jeter une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation.”

En effet, le mot, même insultant, est déjà plus élaboré que le geste brutal. Il suppose une prise de distance par la parole, une sorte de réflexion sur une situation donnée. Au lieu d’une réaction brute, primaire, inarticulée en quelque sorte, il y a un passage par la pensée: ce n’est plus le bras qui frappe, c’est la voix qui exprime, mal certes, mais c’est déjà un progrès…

Un apprentissage fondamental pour la pensée: les mots

Ainsi les très petits enfants “font” des colères avec force cris et gesticulations avant de pouvoir “dire” leur colère, car cela implique tout un apprentissage fondamental: celui des mots. L’acquisition de vocabulaire c’est la base même de la construction de la pensée, où les mots sont autant de briques ou d’éléments qui offrent de plus en plus de possibilités de combinaisons et de nuances.

Sans mots, pas de concepts donc pas de raisonnements, ni d’expression des émotions

Pour revenir aux très jeunes enfants, il leur faut plusieurs années d’apprentissage pour pouvoir nommer ce qu’ils ressentent, et pouvoir en parler sans être limités par leur manque de vocabulaire.

Si ce stade est atteint au fur et à mesure de leur jeunesse, ils peuvent alors mieux se faire entendre, se comprendre et comprendre les autres, mieux se développer et continuer leur expansion vers des univers de pensée de plus en plus riches et diversifiés.

Ils se sentent alors moins impuissants et ressentent moins de frustrations, moins de colère ou de tristesse. Ils peuvent passer par le discours au lieu d’en rester aux actes seuls. En d’autres termes, plus on a de mots dans la tête et plus on a de chance de pouvoir s’exprimer de façon fidèle et exacte. C’est une immense richesse. Hélas, comme toutes les richesses, elle n’est pas toujours bien partagée.

L’école, creuset vital

Tous les enfants n’ont pas l’immense chance d’avoir un milieu familial propice à l’acquisition des mots abstraits, des concepts. C’est l’école qui égalise les différences, qui offre à tous la possibilité d’enrichir leur pensée.

Celles et ceux qui en sont privés sont  bien évidemment tout aussi sensibles et intéressants que les autres, mais ils restent silencieux, ils sont comme invisibles.

Avec les confinements, dans certains pays, comme en Italie du sud actuellement, les enfants et adolescents décrocheurs sont nombreux,  ils se sont sentis exclus de l’école, ils sortent du champ éducationnel et risquent fort, hélas, d’être les futures victimes de systèmes d’exploitations plus ou moins frauduleux. Ce phénomène a lieu plus ou moins partout à des degrés divers et a de quoi inquiéter.

Auront-ils un jour les moyens de dire leurs maux? Et si non, sous quelle forme s’exprimeront-ils?

Abdellatif Kechiche a fait il y a plusieurs années un très beau film sur ce sujet L’Esquive, (2003, il obtint 2 Césars) qui montrait que la violence naît  souvent de l’incapacité à dire les choses, à s’exprimer verbalement.

Pouvoir mettre des mots sur les maux : une nécessité

Aujourd’hui dans toutes les couches de la population, tous âges et conditions socio-économiques confondues, il y a de la souffrance, la pandémie générant des situations souvent critiques voire tragiques, et toujours anxyiogènes.

Les consultations de psychothérapies se multiplient et l’on se préoccupe dans tous les pays de la santé mentale des populations. La parole se libère aussi en matière de viols ou d’abus de toutes sortes. On redécouvre le pouvoir nécessaire des mots et les bienfaits de la médecine qui traite le psychisme et c’est peut-être là un «bénéfice associé» à cette difficile période.

On comprend  en effet que les images seules ne suffisent pas, et que le psychisme humain a besoin de la parole pour s’exprimer de façon civilisée et précise pour apaiser les angoisses existentielles, pour aller de l’avant de façon constructive, pour acquérir de la force et de la résilience. Ou, pour faire simple, pour mieux vivre.

Sonnette d’alarme 

Les gouvernants, quel que soit le pays, devront être hyper attentifs à tous ces jeunes qui se trouveront, de par les circonstances actuelles, encore plus dépourvus de la chance de prendre ce merveilleux ascenseur mental, voire social, d’un riche lexique et du bénéfice qui en résulte.

Une saine prise de conscience?

Mais je garde Les pieds sur Terre et je vois le bon côté des choses: les mots sont de retour ! et qui sait, les assurances suisses admettront-elles peut-être enfin de considérer que le recours à un soutien psychologique au cours d’une existence est juste le signe que les patients prennent soin d’eux-mêmes , comme pour n’importe quelle autre consultation médicale, et non pas la manifestation d’un « risque » sanctionné par des « réserves » ?

 

 

La fin d’Erasmus au Royaume-Uni: régression déplorable, décision critiquable

A l’heure où chacun s’accorde (à juste titre) à saluer l’extraordinaire exploit des chercheurs du monde entier pour le vaccin anti COVID dans une intense collaboration historique, Monsieur Boris Johnson et son gouvernement trouvent Erasmus «trop cher» et décident brutalement fin décembre que le Royaume-Uni cesse d’y participer! Comme «cadeau de Noël» pour beaucoup de jeunes européens, auxquels il avait pourtant dit de ne pas s’inquiéter à ce propos quelque temps auparavant, c’est un cadeau empoisonné.

Un lâchage de première classe

J’avoue être plus que consternée par ce revirement, et ce d’autant plus que la Suisse, qui fut sortie du programme Erasmus +, consécutivement aux votations du 9 février 2014 (voir à ce sujet l’infographie suisse ci dessous*) souhaite actuellement fortement pouvoir revenir dans le futur programme Erasmus 2021, car elle en mesure l’importance.

C’est donc à mon sens une décision britannique lourde de conséquences. B. Johnson se contente d’annoncer un très hypothétique et vague système de remplacement, plus «britannique». Sans donner ni dates ni aucune autre information, et laissant ainsi en rade des milliers de jeunes européens qui n’auront pas les moyens financiers d’aller ailleurs étudier en anglais sans sortir d’Europe. Pour certains, les futurs enseignants d’anglais notamment, mais aussi pour tous ceux qui n’ont pas l’argent pour une alternative (ce qui est la grande majorité des jeunes étudiants !), c’est la fin sans recours de cette possibilité en Grande-Bretagne.

Un programme innovant et formidablement humaniste

En 1987, en le baptisant Programme Erasmus, en hommage au célèbre humaniste de la Renaissance, Erasme, l’Europe s’ouvrait à la mobilité dans ce qu’elle a de plus prometteur: les échanges de savoirs et de connaissances pour l’enrichissement mutuel des nations européennes.

Ce but était noble et enthousiasmant (il l’est toujours) car il offrait à des milliers de jeunes venus de 11 pays (au début) de se rencontrer, d’apprendre d’autres modes de vie, de découvrir d’autres cultures, et bien sûr, et surtout, d’étudier ensemble dans des universités diverses et dans d’autres langues que la leur.

En 2017, on fêtait ses 30 ans, et on répertoriait déjà plus de 5 millions (!) de jeunes étudiants bénéficiaires dans 33 pays. (= le Programme Erasmus +)

Un instrument pour la paix

 Connaître mieux l’Autre et sa culture, s’ouvrir à d’autres perceptions, d’autres mœurs, d’autres cuisines, et d’autres savoirs et compétences, est un gage de progrès en matière de lutte contre les préjugés et contre les discriminations fondées sur l’ignorance. Plus que jamais nous en avons besoin.

Il ne faut pas en sous-estimer les effets bénéfiques sur le moyen et le long terme. Au cours de leurs séjours, les étudiants (secondaires et secondaires supérieurs) ont ainsi la chance si précieuse de sortir de leur environnement pour apprendre et pour établir des connexions constructives.

Ce faisant, ils se constituent un réseau, personnel et professionnel, qui n’a rien de virtuel et qui leur reste pour toute leur existence. C’est donc une des bases fondatrices des futures collaborations dont nous profitons tous.

Un gage de qualité pour les universités européennes

Erasmus a aussi coïncidé ensuite avec les accords de Bologne qui ont été signés en 1999, et qui ont harmonisé les systèmes d’enseignements supérieurs européens pour 29 pays.

Cela a initié également les équivalences de diplômes et  les certifications ISO destinées à promouvoir la qualité des formations et de la recherche européennes.

Le programme Erasmus offre aussi aux chercheurs et aux professeurs une mobilité inter-universités et Hautes Ecoles inestimable pour les avancées intellectuelles et scientifiques.

Un investissement qui rapporte gros!

Au CERN on a un impressionnant accélérateur à particules, or Erasmus est, n’en doutons pas, lui aussi un puissant accélérateur de collaborations et un incubateur de synergies intellectuelles, pratiques, techniques et trans-disciplinaires.

C’est, si l’on veut se placer sur le seul terrain financier si cher au gouvernement de B. Johnson, un investissement certes, mais qui peut rapporter gros. Et bien plus que la mise initiale!

Un système à défendre!

 En conclusion, cette nouvelle qui s’est un peu noyée au milieu de toutes les autres en décembre et qui pouvait paraître sectorielle, voire anodine, ne l’est pas du tout. Elle nous concerne collectivement.

Erasmus + doit être défendu, c’est l’une des plus belles réalisations européennes!

En oeuvrant pour pouvoir y revenir en 2021, la Suisse a bien compris l’enjeu d’avenir que cela représente pour elle.

Hélas, le gouvernement britannique actuel quant à lui, a la vue très très courte! And is very old fashioned, indeed….

Je garde les Pieds sur Terre et là, je donne un grand coup de pied de protestation à l’égard de cette décision si malvenue.

 

*Pour information sur Erasmus et la Suisse : www.erasmus-ch.ch/fr/era

 

 

 

 

Le cadeau: un «présent» qui clôt le passé et nous souhaite un meilleur futur

Dans une démarche ancestrale et rituelle, quelques jours avant la fin de l’année, nous nous hâtons de finir d’emballer, de confectionner ou d’acheter nos cadeaux pour ceux que nous aimons. Cette année–ci plus encore que d’habitude nous ressentons un besoin profond de clore un passé qui nous a fait souffrir à travers des rites millénaires très riches de significations.

Le cadeau, pour un nouveau chapitre

Dans son article sur le cadeau*, le sociologue Dominique Bourgeon explique que le mot « cadeau » fait référence à la lettre capitale très enluminée et décorée qui ornait la toute première lettre d’un nouveau chapitre au Moyen-Age. C’était donc le signe du début d’un nouveau récit, une initiale prometteuse: décorée et de couleurs vives, elle incitait le lecteur à commencer sa nouvelle lecture, le chapitre précédent étant achevé.

Les étrennes, chez les Romains

Il relate également la tradition romaine sous l’empereur Domitien, pendant la fête des saturnales, du 17 au 23 décembre et qui annonçaient le futur retour de la lumière et l’allongement des journées.

«Le terme «étrenne» est issu du latin « strena » signifiant « pronostic, présage, signe » puis «cadeaux pour servir de bon présage».

Les vœux de bonne santé: merci Strenia!

La déesse Strenia (ou Strena), nom d’où est issu le mot étrennes, est la déesse de la force, du courage, de la vitalité et de la santé.

Cela expliquerait pourquoi nous associons nos cadeaux de Noël ou de fin d’année (quel qu’en soit le calendrier) de vœux solennels de bonne santé, de succès et de prospérité.

Ajoutons-y l’amour et l’affection, tels qu’Aphrodite nous les suggère:

Les trois Grâces, lumière et festivités

Appelées aussi les Charites (du verbe grec «se réjouir»), elles accompagnent Apollon, dieu de la lumière, Aphrodite déesse de l’amour sous toutes ses formes et Dionysos, dieu du vin et des fêtes.

Euphrosine est la joie de vivre, Thalie l’abondance et la brillante Aglaë, messagère d’Aphrodite annonce l’amour.

Elles sont étroitement reliées au don: pour les Grecs anciens elles représentent en effet la personne qui donne, celle qui reçoit et celle qui rend (dans un geste de reconnaissance).

Elles dansent en un cercle qui incarne la vie, le mouvement et l’échange. Elles offrent aussi la liesse et la joie de vivre dans la convivialité du partage.

Le trio bienfaisant des Rois Mages est bien sûr lui aussi l’incarnation des cadeaux de nouvelle naissance, sous une lumière exceptionnelle.

Beaucoup de traditions, religieuses ou non, intègrent des fêtes qui associent lumière, amour, cadeau et surprise heureuse, bon pronostic, et bonne santé.

Pour de belles et bonnes surprises: un bel emballage

Pour qu’il y ait surprise, il faut que le cadeau soit caché sous un bel emballage, coloré comme la première lettre du nouveau chapitre de la future nouvelle année. L’emballage aussi fait partie de l’acte du don, et nous y passons également beaucoup de temps. C’est une sorte de porte d’entrée à ouvrir pour de nouvelles découvertes.

Et souvent la surprise semble tomber du ciel, des nues ou des cheminées…

Un peu de nous… en société

Les sociologues, ethnologues et anthropologues ont tous été interpellés par les rituels de don et de contre-don comme fondateurs des liens et révélateurs des relations sociales. Vladimir Propp dans son livre Morphologie du conte ** en montre également l’importance dans notre imaginaire. Pour sa quête, le héros ou l’héroïne bénéficie souvent d’un cadeau aux pouvoirs magiques, reçu d’une personne bienveillante.

Un cadeau est une part de nous, de notre personnalité que nous remettons à autrui et elle y reste pour toujours attachée: on se souvient du donateur en utilisant son cadeau ou en le contemplant. Ce n’est pas une simple marchandise, ainsi que l’a démontré Marcel Mauss dans son très célèbre Essai sur le don.***

Pour lui le bonheur individuel se construit sur le bonheur des autres, et s’illustre dans l’échange: offrir, savoir recevoir et savoir rendre à son tour.

« La raison profonde de l’échange-don vise davantage à être qu’à avoir. »Marcel Mauss

Cette année tout particulièrement!

En cette fin d’année rien d’étonnant que nous ayons tant besoin de nous offrir ces cadeaux de bon augure pour fermer le chapitre de 2020, nous souhaiter de la santé pour 2021 avec la déesse Strenia et nos étrennes.

De festoyer avec les personnes que nous aimons le plus, sous la bienveillance des Trois Grâces et de toutes les divinités païennes ou non qui nous permettront d’envisager le futur avec optimisme.

Offrons-nous la perspective d’une bonne année 2021!

Avoir les Pieds sur Terre n’empêche pas d’avoir la tête dans les étoiles!! Tous mes vœux !

 

Références et sources:

* Le cadeau : du don à l’épiphanie Dominique Bourgeon Dans Revue du MAUSS 2010/1 (n° 35), pages 313 à 332

**Vladimir Propp, Morphologie du conte, Seuil / Points, 1965 et 1970

*** Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, paru en 1923-1924 dans l’Année Sociologique, est le texte le plus célèbre1 de l’anthropologue Marcel Mauss.

 

 

 

 

Peut-on se passer des livres de papier?

Pourquoi, malgré leur extrême efficacité, aucune tablette ni aucune liseuse ne remplace-t-elle vraiment le bon vieux livre, de papier, d’encre de colle et de carton, dans nos vies? Avec la fermeture des magasins déclarés «non essentiels», on a vu s’élever une vague de protestations populaires et dans les milieux culturels lorsque les librairies et les bibliothèques ont été écartés du droit d’ouverture. Cela pose la question de notre rapport aux livres.

Le livre, bien plus qu’un simple objet…

Pour nous qui avons eu la grande chance d’apprendre à lire, les premiers livres ce sont des images d’abord, puis des phrases, et toutes les histoires contenues dans cette «boîte magique», que l’on peut ouvrir n’importe où, n’importe quand, et qui nous emporte, tel un tapis volant dans des mondes insoupçonnés.

La grande évasion …sans électricité, ni chargeur.

Toucher un livre, le tourner dans ses mains, le soupeser, le humer, le feuilleter, sont autant d’expériences sensorielles inoubliables et dont on ne se lasse jamais.

 Un livre c’est vivant, ça palpite parfois, ça se blesse en tombant, ça vit notre vie, ça boit la tache du café renversé, ça se gondole dans l’eau…

Comme nous, il souffre et s’abime, il vieillit, prend lui aussi des taches brunes, nous sur les mains et lui sur ses pages.

Comme nous, il se prête ou se donne, avec amour ou avec amitié. Il s’adopte même, posé sur un banc, un muret ou encore dans une boîte de rue. Il circule et voyage. Il nous transporte; dans la bibliothèque d’un bistrot, il nous donne l’impression d’être chez nous.

On veut le revoir et pouvoir à nouveau le caresser dans les rayons. Lorsqu’il nous déçoit, on lui en veut, on le jette de côté, dans un geste de dépit.

Il partage notre chambre, notre chevet, et même notre lit. Réceptacle à dédicaces et à annotations, il sait nous accompagner dans la maladie, nous console, et nous ouvre des perspectives au fil de ses pages.

Son poids, sa forme, l’épaisseur de son papier, le petit bruissement familier des pages tournées, sa couverture plus ou moins évocatrice pour celui qui nous voit lire, sont autant de petits souvenirs accumulés.

La merveilleuse machine à remonter le temps

Cet objet c’est aussi un peu d’éternité: en feuilletant un vieux livre, on partage avec d’autres femmes et d’autres hommes un geste commun, au-delà des siècles. On hume un peu de passé, on découvre des typographies et des orthographes parfois étranges, des encres et des enluminures.

Partout dans le monde, des gens collectionnent les livres anciens, et les considèrent dans leur totalité, matériaux et contenu, comme des objets très précieux, à juste titre: ils véhiculent la mémoire humaine sous toutes les latitudes. On est encore aujourd’hui ébranlé par la disparition de la fameuse bibliothèque antique d’Alexandrie…

Vous attacheriez-vous à votre liseuse?

Un livre n’est décidément pas du seul domaine de la fonction utilitaire, comme une liseuse électronique, si pratique en voyage je le concède volontiers (j’en ai une). Pour ce qui est des livres, on est dans le ressenti physique et les émotions tout à la fois.

Toutes générations confondues

 Pour ceux qui aiment lire, le contenu reste bien sûr, quel que soit son support, une Nourriture terrestre * irremplaçable.

Mais le contenant livre est décidément un « doudou » auquel on s’attache.

Des libraires disent d’ailleurs que plus les gens sont collés toute la journée devant leur écran et plus ils ressentent le besoin de passer à autre chose pour leurs loisirs: être dans le concret de l’objet que l’on ose emporter partout, même dans le sable, même près de l’eau, dans une forme de liberté revigorante. Et puis, le bouquin est un objet éminemment recyclable!

Objets de résistance

Le 11 novembre 2020, l’écrivain Maurice Genevois est entré au Panthéon, rejoignant ainsi les 560 autres écrivains combattants français, qui ont su comme lui, par leurs récits, leurs poèmes et leurs témoignages raconter leur époque, leurs combats, leurs espoirs et leurs désespoirs… dans des livres.

Comme c’était alors le seul véhicule possible de leurs écrits, l’objet livre a incarné leurs combats. Ces écrivains ont souvent risqué leurs vies pour se faire imprimer, (rendons aussi hommage aux imprimeurs résistants) car les écrits restent, comme le dit le proverbe latin.** Je pense par exemple à Vercors, à Aragon et à tous les écrivains de la Résistance.

Les livres ont parfois été et sont encore aujourd’hui des objets subversifs, brûlés dans des autodafés, cachés ou interdits, convoités aussi. Ils sont souvent les munitions de la lutte pour la liberté de penser et d’exister. La liseuse électronique aura-t-elle à son tour ce potentiel symbolique?

Remparts contre la barbarie

 Je vois les bibliothèques comme un rempart contre la barbarie, bien plus désirable que tous les murs de briques et de fils de fer barbelés. Un salutaire moyen de pratiquer le remue-méninges et de s’évader tout à la fois.

Aimons les livres, histoire(S) de garder Les pieds sur Terre et de se mettre la tête et le coeur au vert!

 

* Les nourritures terrestres , André Gide (1897)

** Verba volant, scripta manent : les paroles volent, les écrits restent. Proverbe latin

 

Rire est une affaire sérieuse

«Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.» Voilà ce que   l’écrivain La Bruyère, qui en connaissait un rayon en matière d’humanité, affirmait dans Les Caractères. Et puis, «rire , c’est bon pour la santé» comme l’a dit d’une voix sépulcrale Monsieur Schneider-Ammann, notre très sérieux conseiller fédéral au don comique insoupçonné (y compris de lui-même) mais désormais mondialement reconnu et salué sur youtube.

Penchons-nous donc sur cette merveilleuse expérience physiologico-existentielle, ça devrait nous distraire un peu. Aujourd’hui j’adopte la perspective du rire à travers les âges et les auteurs, pour un petit tour d’horizon revigorant, j’ose l’espérer…

« Mieux est de ris* que de larmes écrire. Pour ce que* rire est le propre de l’Homme. » annonçait Rabelais à ses lecteurs. Médecin, il avait le projet de faire rire ses malades pour les soulager, et se lança ainsi dans l’écriture de Pantagruel puis de Gargantua dans ce but: les faire rire aux éclats et leur faire oublier leurs souffrances.

*(rires) *(parce que)

C’était un précurseur, jugez plutôt :

Les vertus thérapeutiques du rire

Sont très sérieusement reconnues par la science médicale aujourd’hui, tant pour les enfants malades que pour les traitements des maladies cardio-vasculaires par exemple.

Norman Cousins, un journaliste américain atteint d’une maladie dégénérative très douloureuse, le découvre sur lui-même en 1964 et fait date dans les thérapies médicales à partir de sa publication d’un article en 1979 sur ce sujet. Il fait toujours référence aujourd’hui. (Anatomy of an Illness as Perceived by the Patient.)

Norman Cousins visionnait volontairement des films comiques qui le faisaient beaucoup rire. Il observa les effets physiologiques qui s’ensuivaient: il souffrait moins et pouvait dormir.

Depuis lors les neurosciences se sont penchées sur la question et continuent ces recherches très sérieuses et prometteuses.

L’activité physique du rire est libératoire, libératrice d’endorphines, analgésique, elle masse les côtes et le diaphragme, oxygène le sang,  diminue le stress, augmente l’immunité et muscle les abdominaux ! Elle accroît l’optimisme et favorise l’insertion sociale.

 « Le rire est le meilleur désinfectant du foie » avait pour sa part dit Malcom de Chazal 1902-1981). En tout cas, rire évite de se faire trop de bile … !

Une aide existentielle

« La plus perdue de toutes les journées est celle où l’on n’a pas ri » nous dit le philosophe du 18e siècle Chamfort (Maximes et réflexions). C’est une phrase qui semble extrême, mais qui laisse songeur si l’on s’y attarde…Nous avons tous traversé des journées tristes ou terribles pendant lesquelles rire était impossible. Elles sont perdues pour le bonheur.

Paradoxalement, cela demande beaucoup de courage de rire dans certaines circonstances: il faut prendre du recul et prendre sur soi, transformer du lourd, de la gravité, en légèreté. Mais ça en vaut la peine, si on en a la force, car ça dédramatise, ça donne une autre lecture de la réalité qui nous accable. Ce n’est hélas pas toujours possible. Mais on peut essayer, comme l’avait fait fait Norman Cousins de s’appuyer sur les autres pour nous faire rire à nouveau, et relancer la machine vers plus d’espoir…

Humour et humoristes

 «C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens.» (Molière, 1622-1673)

«L’humoriste, c’est un homme de bonne mauvaise humeur.»(Jules Renard, 1864-1910)

Aujourd’hui, comme naguère, les humoristes nous sont nécessaires, ils nous font du bien. Ils dessinent, parlent, se filment, écrivent pour notre plus grand plaisir. Ils sont les « fous des rois », ceux qui osent dire tout haut ce que nous pensons parfois tout bas, ou qui nous ouvrent les yeux sur des réalités difficiles, illustrant ainsi souvent cette pensée:

« La vérité est dans le rire » (Mme de Girardin, Lettres parisiennes,19.07.1837)

En tout cas, le rire est souvent nécessaire pour enrober la critique et dorer une pillule que certains pouvoirs n’avalent pas (ou plus) toujours bien. Aux Etats-Unis, les humoristes ont davantage de marge de manœuvre pour s’exprimer franchement que bien des journalistes…

Enfin, comme le dit Raymond Queneau, parfois aussi «l’humour est une tentative pour décaper les grands sentiments de leur connerie».

 Si l’on associe cette déclaration à la célèbre définition de l’infini * d’Einstein, les humoristes auront encore longtemps matière à nous faire rire…

Alors gardons les Pieds sur Terre et nos zygomatiques en exercice, trouvons chaque fois que c’est possible, le moyen de rire un peu, beaucoup, passionnément !

Il n’y a pas de mal à se faire du bien, rions! Parce que, comme le dit un auteur anonyme dans cette bible du rire qu’est le livre de Jean-Marie Gourio 10’000 brèves de comptoir  : «la galère, j’aurais pas pu, t’es toujours assis dans le sens contraire de la marche ! »

*«Deux choses sont infinies: l’Univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue.» Albert Einstein