En semi-confinement, le temps à disposition passe autrement. Chaque jour, je bénéficie d’un supplément bien agréable parce que je peux “télétravailler”. Autant en profiter pour faire le ménage de printemps dans mon ordinateur et à ma place de travail virtuelle. Car oui, tout ce que j’y stocke, il s’agit pour beaucoup de “déchets” numériques, plutôt coûteux à conserver.
J’ai cette chance de pouvoir travailler depuis mon domicile, de faire du “home office” comme on dit. Ma journée de travail reste structurée comme avant : j’ai conservé la même heure de réveil à peu de choses près, car mon organisme est ainsi programmé. J’ai besoin d’un café pour démarrer et consulter les premiers courriels. Je fais une pause lecture du journal vers 10h, etc. Il y a juste quelques éléments qui manquent: le temps passé dans les trajets pour aller à mon bureau ou à des séances en extérieur, les interruptions téléphoniques, mais aussi les discussions non planifiées entre collègues. Et ça, ça change tout! De ces interactions spontanées naissent souvent des idées, des interrogations, des suggestions, des ébauches de solution. Une conférence téléphonique ne remplace pas cette spontanéité créative.
En travaillant seule depuis mon domicile, en ligne, j’observe que j’abats mes tâches avec une rapidité certaine. L’efficience du télétravail a déjà été démontrée. Entre autres exemples, cette étude (résumé PDF) de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail qui résume très bien la chose, du côté des entreprises …
“Les entreprises tirent profit, d’une part, de l’amélioration de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, qui peut entraîner une plus grande motivation, une rotation du personnel moindre et une productivité et une efficacité accrues, et, d’autre part, d’une réduction de l’espace de bureaux nécessaire et des coûts y afférents.”
… comme du côté des employé.e.s…
” (..) les travailleurs signalent une réduction du temps de déplacement, une plus grande autonomie quant au temps de travail permettant davantage de flexibilité en termes d’organisation du temps de travail, un meilleur équilibre global entre la vie professionnelle et la vie privée et une productivité accrue.”
(C’est moi qui surligne.) C’est aussi ce que me signalent mes connaissances et mes amis dans la même situation (privilégiée) que moi: on produit plus et on travaille plus longtemps. Le télétravail, quand il est possible, c’est tout bénéf’ pour tout le monde.
Pourtant, je ressens comme un léger malaise. Mais d’où vient-il, ce léger malaise…?
Un certain sentiment de culpabilité
Allez savoir pourquoi, alors que les tâches sont faites, il y a comme ce petit sentiment de culpabilité calviniste qui pousse les télétravailleurs à travailler plus. Comme s’il était indécent d’avoir terminé son job plus tôt. Il est vrai qu’il suffit de penser au bruit qu’on fait à 21 heures chaque soir sur son balcon – pour remercier et saluer le travail et l’engagement sans relâche de tout le personnel médical et hospitalier au front du coronavirus – pour se sentir un peu coupables, quand même… En applaudissant, j’ai aussi une pensée à tout le personnel de vente des magasins d’alimentation et à tous ceux et toutes celles qui sont obligé.e.s d’aller travailler à des tâches essentielles pour faire fonctionner le pays.
Effet collatéral du télétravail, au fur et à mesure que mon agenda s’est vidé de ses séances et événements et que mes tâches immédiates ont été accomplies, il me reste pas mal de temps. Du temps pour lire en détail ces études que j’ai la tentation de survoler en temps normal (car je n’ai pas le temps!). Du temps pour fignoler ce concept ou cet article. Du temps pour “scanner” l’environnement de mon domaine. Du temps pour lire ces livres importants, une sorte d’auto-formation continue. Du temps pour réfléchir à de nouvelles idées de projets, à de nouvelles stratégies aussi.
Du temps pour s’occuper de nos déchets virtuels
Il est un domaine complètement oublié pourtant, et qui pourra profiter de ce temps dégagé: celui de nos déchets virtuels. Je veux parler de ce que vous avez stocké sur votre ordinateur, vos dossiers, vos fichiers, vos documents de toute sorte.
A moins que vous ne soyez une personne hyper organisée et structurée, votre ordinateur, votre espace personnel sur le serveur de l’entreprise regorgent de fichiers que vous ne consultez plus. Certains sont parfois mal triés, enregistrés au mauvais endroit et du coup, vous les avez en plusieurs exemplaires, stockés dans plusieurs dossiers. Une masse gigantesque d’octets oubliés…
Quand avez-vous le temps de faire de l’ordre, de trier et d’éliminer ces bits et ces mégas que vous n’utilisez plus ? Je parie que la réponse de la majorité de mes congénères sera comme la mienne: presque jamais. Ou alors on s’y emploie un peu, histoire de faire une copie de sauvegarde (back up) quand on y pense ou quand on doit changer d’ordinateur (ce qui n’est pas très fréquent). Mais on bâche vite… la tâche semble insurmontable et on a toujours mieux à faire.
Outre la clarté de l’archivage obtenue, quel intérêt me direz-vous à profiter du semi-confinement pour trier vos dossiers électroniques? Au niveau environnemental, un e-mail envoyé, cela équivaut à 19 grammes de CO2, selon l’ADEME ou Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Vos documents, ils sont stockés sur des centres de données (data center) qui ne carburent pas à l’eau. L’électricité nécessaire pour faire tourner toutes ces machines et les refroidir, ce sont encore des tonnes de CO2. Et je ne parle pas des ressources utilisées pour fabriquer ces gigantesques espaces de stockage. Selon Jean-Claude Domenjoz dans Le Temps du 14 juin 2018, le numérique constitue une véritable menace pour la biosphère.
Pas de poussière sous le tapis!
On se pâme devant le retour des dauphins dans le port de Cagliari, on rêve de voir les eaux transparentes de Venise comme elles ne l’ont jamais été, on est émerveillé de voir, grâce aux images satellite de la NASA, que le taux de dioxyde d’azote émis par certaines régions de Chine a chuté drastiquement depuis le début de la pandémie et des mesures de confinement prises. Mais ces effets positifs visibles dus à l’arrêt de l’activité humaine ne doivent pas faire oublier notre consommation accrue d’internet et du numérique.
Repensez à vos dossiers d’ordinateur. Ne vous apparaissent-ils pas comme la poussière que l’on aurait balayée et cachée sous le tapis ?
C’est le printemps depuis deux jours. Et si vous vous mettiez aussi à faire le ménage dans votre ordinateur et dans votre boîte mail ? Vous devriez avoir un peu de temps pour cela désormais… Car cette pandémie va encore durer quelques semaines, nous prédisent les experts.
Respectez les consignes de distanciation sociale (même si c’est dur), lavez-vous les mains souvent, restez chez vous le plus possible et portez-vous bien!
Bonjour,
Votre article soulève un sujet très intéressant car cette pollution est si peu visible. Vous mentionnez le coût environnemental de l’envoi d’un mail, dont la majorité sont expédiés automatiquement. Vrai travail de fourmis, je vous conseil d’essayer de vous désinscrire de toutes les newsletter, mailing list ou autres spam inutiles et énergivores qui polluent votre boîte aux lettres virtuelle. De plus, la majorité des réseaux sociaux envoient des mails à chaque notification, à la chasse au messages inutiles !
PS : je suis sûr que beaucoup d’entre nous on cette adresse mail poubelle, il est peu être temps de la supprimer 😉
Bonjour Valérie, c’est effectivement un sujet dont on parle très peu, et pourtant si énergivore ! On remplace les radios et les échographies faites dans les hôpitaux et centres de radiologie par des renvois sur des sites pour aller voir les résultats. Ce n’est pas à mon sens une technique qui sera moins polluante, car elle demande beaucoup d’énergie et beaucoup d’encre pour l’impression. Il y a encore un long chemin à faire pour que les diverses entreprises ne s’évertuent pas à envoyer un e-mail commercial tous les 2 ou 3 jours, et que la prise de conscience soit effective dans ce domaine là aussi. J’ai une micro entreprise en ligne, et je ne propose que 2 e-mails par mois à mes abonnés, car je veux à tout prix éviter une saturation de leur boite mail. Je fais régulièrement le tri de mes mails et divers dossiers, car on est vite submergé. Merci pour votre article fort intéressant cela dit.