Le conseil consultatif (Advisory Board)

Propriétaires-présidents-patrons: si un conseil d’administration vous inquiète, créez un conseil consultatif !

Advisory Board

 

 

Le PPPP : Propriétaire-Président-Patron de PME

Environ les deux tiers des PME (petites et moyennes entreprises) en Suisse sont dirigées par un propriétaire, président du Conseil et directeur. Ce cumul des fonctions est tout à fait légal et le Code des Obligations permet d’avoir un conseil d’administration composé d’une seule personne. Ils maîtrisent ainsi parfaitement leur entreprise, en vrai patron entrepreneur et ont souvent du succès.

Le risque des administrateurs alibis

Parfois, pour faire meilleure figure, certains vont quand même demander à un ancien camarade du service militaire, un collègue d’études ou un ami banquier de venir étoffer leur conseil Je connais le patron d’une PME qui depuis plus de vingt ans préside un conseil d’administration avec deux autres administrateurs fantômes. Il ne les réunit même plus et se contente de leur envoyer, par le biais de la fiduciaire, les procès-verbaux des rares séances du conseil et de l’assemblée générale pour signature. Ce faisant il ne se rend pas service à lui-même avec un organe purement alibi. Mais surtout, ses deux amis lui font une confiance aveugle, prennent un risque important le jour où il dérape et pourraient se retrouver co-responsable sur leurs biens personnels !

La crainte d’avoir un vrai conseil d’administration

Un patron de PME n’a pas toujours envie d’être remis en cause dans sa stratégie et ses décisions par des administrateurs indépendants qui ne prennent pas les mêmes risques que lui. Il a peur qu’ils se mêlent de ses affaires avec maladresse et lui compliquent la vie par leurs exigences de transparence et de conformité. C’est aussi une question d’intimité: un administrateur a accès à tous les chiffres de l’entreprise. Un propriétaire peut donc préférer garder ses petits secrets, qu’il ne partage qu’avec sa fiduciaire, son confident, comme son médecin pour sa santé.

L’alternative : le conseil consultatif

L’alternative, pour ce patron, est de tester l’utilité d’un conseil en commençant par une structure plus simple, totalement informelle et dispensée de toutes obligations légales : le conseil consultatif (“advisory board” en anglais ou “Beirat” en allemand). Il choisit quelques personnes de confiance, disposant de compétences utiles à son entreprise et les réunit deux ou trois fois par an pour une séance de quelques heures, en général suivie d’un repas. A chaque réunion il leur soumet ses réflexions sur un thème donné et, grâce à une discussion ouverte, reçoit des avis, conseils et opinions précieuses. Son avantage est de recevoir des informations précieuses tout en gardant sa liberté de les utiliser ou pas. Pour les membres du Conseil consultatif, ils peuvent s’exprimer en toute liberté, sans responsabilité formelle et participent à des échanges entre professionnels intéressants.

La formule du conseil consultatif est aussi intéressante pour des associations, fondations ou organisations, qui souhaitent élargir leur cercle de compétences et leurs réseaux de personnalités, sans pour autant alourdir leurs structures formelles (par ex. le conseil consultatif de la SQS, Association suisse pour Système de Qualité et de Management.

Premier exemple: une PME qui veut se développer en Suisse allemande

Après s’être bien développée en Suisse romande, une PME de Suisse romande souhaitait s’ouvrir au marché suisse allemand. Pour cela elle mit mettre sur pied un conseil consultatif composé de cinq personnes d’horizon et d’expériences complémentaires, dont deux domiciliés en Suisse allemande. Le patron préparait les séances qui se tenait à Berne le matin. Elles étaient suivie d’un repas dans un salon privé d’un hôtel. Les discussions intenses et les riches échanges pont permis de clarifier quelle était la meilleure approche pour ce marché et de se focaliser sur les marchés les plus prometteurs.

Autre exemple: un conseil consultatif spécialisé pour l’informatique.

Autre exemple de conseil consultatif intéressant: celui consacré à une fonction spécifique particulière, notamment pour l’informatique. Depuis quelques années, je participe aux travaux du conseil consultatif d’une banque universelle consacré uniquement aux questions informatiques. Nous nous retrouvons entre spécialistes pour discuter en détails, analyser, critiquer et suggérer des pistes de réflexions sur des thèmes préparés par la direction. La discussion est franche, ouvert et se termine toujours par un repas pour continuer les échanges d’une manière plus informelle.

Attention au risque de l’organe de fait

Le conseil consultatif permet à un patron de discuter des conseils éclairés, sans obligation formelle de transparence, ni responsabilités formelles. Mais il faut l’utiliser à bon escient ; trop impliqué dans des décisions importantes, dans la haute direction et la haute surveillance de l’entreprise, il peut être considéré comme organe de fait avec toutes les responsabilités légales que cela implique. Plus tard, si l’expérience est concluante, il est possible de constituer un véritable conseil d’administration. Attention toutefois à bien gérer la transition car les règles du jeu changent ! Les règles formelles et la responsabilité d’un véritable conseil d’administration sont bien plus importantes que pour un conseil consultatif.

Quels administrateurs pour les entreprises publiques de la Confédération ?

COnfédération suisse

 

Près de vingt entreprises et institutions suisses dépendent de la Confédération

 

Près d’une vingtaine d’entreprises et établissements de la Confédération sont – au final – pilotés par le Conseil fédéral. Celui-ci a fixé des principes de gouvernance d’entreprises pour gérer et/ou superviser ces institutions ou participations. Cette liste comporte les sociétés anonymes de droit publiques fournissant des prestations sur le marché comme Poste Suisse SA (100%), les CFF SA (100%), RUAG (100 %), Skyguide SA (99,94%) et Swisscom SA (51,22%).Mais il y a d’autres établissements à caractère monopolistique, tels que le domaine des EPF et ses six institutions, l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation (ASRE), etc., ainsi que des entités assumant des tâches de surveillance de l’économie et de la sécurité, comme la FINMA ou l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN).

Un processus de renouvellement qui prend du temps

 L’atteinte d’une limite d’âge (généralement fixée à 70 ans), ou d’une limite de durée de mandats (généralement fixée à 12 ans), des conflits d’intérêts potentiels ou réels mais aussi des démissions en cours de mandat sont les principales raisons de changement dans la composition des conseil d’administration. Le renouvellement d’un membre du Conseil, et plus particulièrement du président est donc en principe calculable et prévisible. Toutefois le processus de recrutement reste complexe. En effet, c’est rarement le conseil d’administration qui recherche le bon profil mais plutôt le département concerné de la Confédération. Les exigences de compétences, d’expériences et de professionnalisme sont prises en compte mais les aspects politiques restent importants, surtout pour la présidence. La personne retenue devra être acceptée par le Conseil fédéral in corpore puis officiellement être élue par l’assemblée générale de l’entreprise. Une formalité peut-être, mais qui doit être respectée.

Des changements de présidents à La Poste Suisse et chez Compenswiss

Trouver les bons candidats reste un exercice difficile, soumis à de nombreuses contraintes et règles d’incompatibilité. 2016 sera une année de transition importante dont voici quelques exemples :

petit logo PosteLe 26 avril, le Fribourgeois Urs Schwaller devrait remplacer Peter Hasler, atteint par la limite d’âge, à la président de la Poste Suisse. Conseiller d’Etat expérimenté, conseiller aux Etats pendant trois législatures, avocat et administrateur de sociétés, il devrait assumer cette tâche avec brio.

Pour Compenswiss, le Conseil fédéral est sorti du cadre politique pour aller chercher Manuel Leuthold, un fin connaisseur des marchés financiers et le nommer à la présidence.

CFF: une succession à la présidence avec un candidat interne ou externe aux CFF?petit logo CFF

Aux CFF, le président Ulrich Gygi atteindra aussi ses 70 ans en 2016. L’entreprise vient d’annoncer que la vice-présidente Monika Ribar prendra sa succession. Ceci n’était pas acquis par avance, si l’on considère les deux exemples suivants. Chez Skyguide, c’est une personne externe au Conseil, Walter T. Vogel, qui a pris la présidence en mai 2015. Ce fut l’inverse chez Ruag, où le vice-président Hans-Peter Schwald est devenu président le 15 mai 2014.

A la recherche de candidates femmespetit logo Swisscom

  Hansueli Loosli est le président expérimenté de Swisscom depuis 2009. Avec ses 61 ans il peut exercer sa fonction encore quelques années. Par contre deux membres du Conseil seront atteints par la durée maximale du mandat. Il est fort à parier qu’en tout cas une femme sera élue afin d’atteindre le quota de 30 % de femmes exigé par le Conseil fédéral.

Cela reste un défi pour d’autres sociétés comme RUAG qui compte une seule femme parmi ses 7 membres. D’autres sont déjà conforme comme la Poste suisse avec 3 femmes sur 9 membres et Compenswiss avec 6 femmes sur 14 membres !

Une situation plus complexe au Conseil de la SSR-SRGpetit logo SRG SSR

Des 9 membres du Conseil de la SRG-SSR, le Conseil fédéral n’en nomme que deux et c’est l’assemblée des délégués, soit environ quarante personnes qui nomme le président. En juin 2015, Raymond Loretan a quitté la présidence pour éviter tout malentendu avec sa candidature PDC à Genève pour le Conseil des Etats (il n’a pas été élu). L’intérim est assuré jusqu’en 2017 par le vice-président actuel, Viktor Baumeler car le recrutement de la personne idéale semble plus complexe que prévu.

Des principes de gouvernance sains

La recherche d’administrateurs pour les grandes entreprises publiques reste un défi. Saluons la volonté du Conseil fédéral de privilégier de plus en plus les compétences et l’expérience comme administrateur, au lieu de critères purement relationnels ou politiques. C’est nécessaire au vu de la taille et des défis que doivent relever toutes ces entreprises publiques.

Des quotas de femmes dans les directions d’entreprise ?

Le Conseil fédéral veut des quotas de femmes au sein des conseils d’administration et des directions

Le dernier projet de révision du droit des sociétés anonymes a été publié le 4 décembre 2015. Sans surprise, Mme Simonetta Sommaruga, cheffe du DFJP, maintient l’exigence d’une représentation d’au minimum 30 % de femmes ou d’hommes dans les conseils d’administration des grandes sociétés cotées. Pour les directions générales, contrairement à ce qui était prévu dans l’avant-projet, ce pourcentage est abaissé à 20 %. Le Conseil fédéral explique que « les membres de la direction doivent posséder des connaissances plus spécialisées. En cas de non-respect des seuils, les entreprises devront expliquer pourquoi ceux-ci n’ont pas été atteints et indiquer les mesures déjà mises en œuvre ou prévues pour y remédier. ».

Quota de femmes

 

Quinze ans de travaux préparatoires…

Depuis 2001, la révision du droit des sociétés anonymes est un thème politique en chantier, dont le processus a été fortement perturbé par l’acceptation de l’initiative Minder en 2013 (devenue depuis l’article 95 alinéa 3 de la Constitution fédérale). Après une large procédure de consultation, le Conseil fédéral a publié le 4 décembre 2015 les grandes lignes d’un nouveau projet dans lequel il prend acte des résultats de la consultation et des importantes critiques qui lui étaient adressées.

Les quotas légaux de femmes, pas avant 2031 ?

Le Conseil fédéral espère terminer la rédaction de son projet de révision à la fin de l’année 2016. Il sera ensuite présenté pour discussion et adoption par les Chambres fédérales. Passé le délai référendaire, il s’agira encore de procéder à l’adaptation de plusieurs ordonnances, notamment celle sur le registre du commerce (ORC). Dans une perspective optimiste, la révision pourrait entrer en vigueur en 2021. L’atteinte des seuils de représentation des sexes fait l’objet d’un délai de cinq ans pour les conseils d’administration et de dix ans pour les directions générales, soit 2031 !

D’ici 2031, ces quotas ne seront plus nécessaires

Le principe d’une plus grande diversité au sein des Conseils d’administration et des directions est accepté depuis plus d’une décennie. Comprenons bien que la diversité concerne le sexe, mais aussi l’âge, des aspects socio-culturels, etc. Des quotas ont déjà été introduites en Suisse. Depuis novembre 2013, le Conseil fédéral s’est fixé  des “quotas-cibles” de 30 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés dont il est actionnaire, un seuil qui doit être atteint graduellement d’ici fin 2020. Le Canton de Bâle Ville a fait de même, en imposant la présence d’au moins un tiers de représentants de chaque sexe dans les entreprise publiques contrôlées par le canton (article 24 de la loi d’exécution de la loi fédérale sur l’égalité, votée le 9 février 2014).

Guido Schilling, dans son schillingreport 2015, constate que « un tiers des nouveaux membres des conseils d’administration des 100 plus grandes entreprises suisses sont des femmes ». Le pourcentage de femmes a, de ce fait, atteint la barre des 15% dans les conseils d’administration et devrait dépasser les 20 % en 2020. « 73% des entreprises sondées comptent aujourd’hui au moins une femme dans leur conseil d’administration ».

Par contre, le taux de femmes n’est que de 6 % dans les directions d’entreprises des cent plus grandes entreprises suisses. C’est là que se situe le défi le plus important. Mais la nouvelle génération de femmes cadres supérieures est prête. Il y a donc fort à parier qu’une personne sur cinq dans les directions générales sera une femme d’ici à 2031, rendant caduque la proposition de quotas actuellement en discussion.

Quel conseil d’administration pour les entreprises publiques ?

La Confédération s’inspire du code suisse de bonne pratique

La Confédération suisse et les cantons sont les propriétaires de nombreuses entreprises de droit public dans des domaines aussi variés que les finances, les transports publics, la santé, les fournisseurs d’énergie et services industriels, les télécommunications ainsi que de nombreux prestataires de services liés à un monopole.

Pour la gestion des entreprises publiques fédérales, le Conseil fédéral a publié ses 28 principes directeurs dans un Rapport sur le gouvernement d’entreprise du 13 septembre 2006. Il s’inspire fortement des recommandations du Code suisse de bonne pratique publié par economiesuisse. Les grandes entreprises de droit public sur le plan national comme La Poste SA, les CFF, RUAG disposent de conseils de taille inférieure à dix, avec des administrateurs indépendants complémentaires dans leurs compétences et expériences.

La « représentation démocratique » dans les conseils d’administration

Mais, dans certains cantons, la « représentation démocratique » dans les conseils d’administration est très développée. Il s’agit de la volonté politique, exprimée souvent dans une loi, et spécifiant que le Conseil d’administration doit être composé de représentants:

  • des principales parties prenantes, particulièrement le personnel;
  • des principaux actionnaires et usagers, particulièrement cantons et communes;
  • des principaux partis politiques en présence;
  • d’autres intérêts particuliers comme des partenaires ou clients.

Des conseils d’administration de 6 à 40 membres !

Cette représentation a pour conséquence des tailles de conseil allant de 12 à 40 membres. Le conseil d’administration des TL  (transports publics lausannois) rassemble 28 membres, dont la Municipalité de Lausanne in corpore. La Suva, entreprise de droit public s’autogère avec un conseil d’administration comprenant 16 représentants des travailleurs, 16 représentants des employeurs et 8 représentants de la Confédération. La volonté de rester fidèle aux principes du partenariat social induit ainsi la présence de 40 administrateurs ! Pour pouvoir fonctionner, ces conseils sont obligés de créer un bureau du Conseil pour gérer la préparation des réunions, l’ordre du jour et des questions urgentes, ce qui relègue parfois le conseil à un rôle purement formel.

Le prix de la « représentation démocratique »

Les conséquences de la priorité donnée à la dimension politique, plutôt qu’à l’efficacité de la gouvernance, dans les entreprises publiques sont nombreuses :

  • Les séances sont plus longues.
  • Les administrateurs se sentent moins responsabilisés et sont parfois moins présents.
  • Les intérêts supérieurs de l’entreprise à long terme sont parfois mal pris en compte.
  • Le débat politique remplace le débat sur les enjeux véritables de l’entreprise
  • Des changements parmi les administrateurs sont plus fréquents, car ils sont souvent élus « ès fonctions » et non « ad personam ».

Politicien et administrateur : s’effacer au profit de la bonne gouvernance

La gouvernance est un métier différent que celui du politicien. Elle exige aussi une posture très différente, une manière de fonctionner en retrait, hors de l’ego et des tumultes des médias. Il est donc temps de renoncer à la représentation dite “démocratique” partout où elle n’est pas indispensable. Les conseils d’entreprise publique pourront fonctionner avec plus d’efficacité en disposant d’un petit nombre d’administrateurs compétentes et motivés et bénéficier de leurs expériences complémentaires.

Dominique Freymond est co-animateur de l’ACAD (Académie des administrateurs), vice-président de l’ISADE (Institut suisses des administrateurs) et co-fondateur de Triple A Associés.

Gouvernance et corruption : le silence n’est pas d’or

Des structures et des hommes

Les malheurs de Sepp Blatter révèlent les fonctionnements obscurs des organisations : des dérives de la gouvernance aux silences coupables. Il faut reconnaître que la gouvernance d’une fédération est autrement plus complexe que celle des autres organisations. Ici plus qu’ailleurs, l’influence est la clé du pouvoir. Pour avoir participé au recrutement d’un CEO / Secrétaire général d’une fédération comptant 164 pays, je sais combien les jeux politiques sont subtils et puissants.

La FIFA plus sévère dans le jeu que dans la gestion

A l’instar de bon nombre d’organisations, la FIFA a développé un code d’éthique plus strict pour son « business » (les matches et les joueurs) que pour ses instances dirigeantes. Hélas. Il est bien connu que celui qui est à même de décrypter les rouages et arcanes de l’organisation finit par s’en rendre maître et la mettre à son service. C’est ce qu’a fait M. Blatter. Avec ou sans le cautionnement de son conseil, il s’est acquis une quasi impunité.

L’avis de l’ancien président du CIO et l’exemple d’IBM

Me Carrard, avocat spécialiste du droit du sport, ex-directeur exécutif du CIO, sait de quoi il parle. La FIFA l’an nommé en juillet 2015 président de son comité des réformes; celles-ci doivent être présentées en 2016 et sont pour l’instant confidentielles.  Le CIO a eu aussi ses années sombres. Me Carrard a raison de dire que « la chance de la FIFA serait d’avoir un président totalement hors du sérail ». La corruption commence avec la collusion, et cette dernière trouve ses germes dans ce qu’on appelle le « old boys network ». Et l’avocat d’ajouter : « Avant de changer les personnes, il faut réformer les structures comme les statuts, les règles d’élection, la gouvernance et la transparence. Il faut un changement de culture et des mentalités”. Me Carrard, depuis juillet 2015.

La plus spectaculaire démonstration de cet adage est la transformation d’IBM par Lou Gerstner. L’homme, un iconoclaste venu d’American Express, était alors le seul capable de secouer la culture d’autosatisfaction d’IBM qui, après des années flamboyantes, s’était enkystée dans une complaisance fatale. Son nettoyage des écuries de l’entreprise a été proprement herculéen.

En gouvernance, le silence n’est pas d’or

Mais, au juste, qu’est-ce qui fait donc que ces structures et ces hommes se détraquent pendant si longtemps sans que rien ne puisse les faire changer, sauf une crise majeure ? Les explications sont sans doute nombreuses. John Steinbeck donne une réponse intéressante dans Des Souris et des Hommes : « Vous avez tous peur les uns des autres, c’est pas autre chose. Vous avez tous peur que les autres aient quelque chose à raconter sur votre compte. »

En gouvernance comme ailleurs, le silence permet sans doute de gagner du temps. Certains peuvent en profiter. Chacun finit par devoir quitter son mutisme. A ses risques et périls. Raison pour laquelle il faut en parler.

François E. Clerc est co-animateur de l’ACAD (Académie des administrateurs) et co-fondateur de Triple A Associés.

Comment rémunérer son conseil d’administration ?

La rémunération des administrateurs, un sujet devenu sensible

Me Luca Urben, avocat stagiaire, a récemment publié sa thèse sur «La rémunération des dirigeants en droit suisse de la société anonyme ». Son ouvrage très complet passe en revue sur 617 pages les fondements et principes de la rémunération mais aussi les exigences légales dont l’ordonnance contre les rémunérations abusives (ORAb) et les sanctions. Avant l’acceptation de l’initiative Minder, le conseil d’administration fixait lui-même la rémunération de ses membres et n’avait pas de comptes à rendre à l’assemblée générale à ce sujet. Il était ainsi en permanent conflit d’intérêts, en étant le bénéficiaire des honoraires qu’il avait lui-même fixés. Depuis la nouvelle législation, le pouvoir de décider de la rémunération des administrateurs des sociétés cotées en bourse a formellement passé à l’assemblée générale.

Parlons d’argent en toute transparence

La question de la rémunération du conseil d’administration est devenu au fil du temps très complexe. Est-ce la faute à Thomas Minder et son initiative, à Daniel Vasella et sa rémunération très au-dessus des normes ? Ou plus simplement à une nouvelle perception de la relation à l’argent dans notre société où se mélangent volonté de transparence, besoin d’égalité mais aussi jalousie et égo ?

Souvent, tout à l’honneur d’avoir été proposé pour rejoindre un conseil d’administration, un futur administrateur n’ose guère demander quelle sera sa rémunération. Il ne veut pas donner l’impression que sa motivation est pécuniaire. Et pourtant c’est un thème à clarifier rapidement et qui peut influencer votre engagement et votre disponibilité: “If you pay peanuts, you get monkeys ! ».

Les cinq éléments de la rémunération d’un administrateur

Cinq éléments de rémunération sont à prendre en compte pour les membres d’un conseil d’administration :

  • Les honoraires de base, qui couvrent la responsabilité, la disponibilité, la préparation et la participation aux séances ordinaires, payés en principe une fois par an.
  • Les jetons de présence, versé pour la présence effective aux séances du conseil.
  • Un complément pour les responsabilités supplémentaires (président du CA ou d’un comité, parfois aussi comme vice-président ou membre d’un comité). Selon les responsabilités, les honoraires de base sont multipliés d’un facteur 1.5 à 3
  • Le forfait pour séances supplémentaires (séances extraordinaires ou des séminaires du CA)
  • Les honoraires pour activités supplémentaires avec un paiement à un tarif horaire fixé à l’avance pour des travaux supplémentaires demandés officiellement par le CA à l’un de ses administrateurs.

Combien ?
Idéalement le Conseil d’administration devrait adopter un règlement de rémunération qui clarifie par écrit les montants à prévoir pour chacun des cinq éléments. Les montants vont varier selon la taille de l’entreprise, l’importance des responsabilités, la fréquence des réunions du Conseil, etc.
Selon BDO, la rémunération des membres de conseils d’administration d’entreprises helvétiques de taille moyenne s’élève en moyenne à CHF 25 000.– par an en 2014. Cette étude, réalisée depuis 1995, vous fournit de nombreuses indications détaillées sur les montants payés. A lire avant de demander ou fixer vos rémunérations !

Dominique Freymond est co-animateur de l’ACAD (Académie des administrateurs), vice-président de l’ISADE (Institut suisses des administrateurs) et co-fondateur de Triple A Associés