Gouvernance et corruption : le silence n’est pas d’or

Des structures et des hommes

Les malheurs de Sepp Blatter révèlent les fonctionnements obscurs des organisations : des dérives de la gouvernance aux silences coupables. Il faut reconnaître que la gouvernance d’une fédération est autrement plus complexe que celle des autres organisations. Ici plus qu’ailleurs, l’influence est la clé du pouvoir. Pour avoir participé au recrutement d’un CEO / Secrétaire général d’une fédération comptant 164 pays, je sais combien les jeux politiques sont subtils et puissants.

La FIFA plus sévère dans le jeu que dans la gestion

A l’instar de bon nombre d’organisations, la FIFA a développé un code d’éthique plus strict pour son « business » (les matches et les joueurs) que pour ses instances dirigeantes. Hélas. Il est bien connu que celui qui est à même de décrypter les rouages et arcanes de l’organisation finit par s’en rendre maître et la mettre à son service. C’est ce qu’a fait M. Blatter. Avec ou sans le cautionnement de son conseil, il s’est acquis une quasi impunité.

L’avis de l’ancien président du CIO et l’exemple d’IBM

Me Carrard, avocat spécialiste du droit du sport, ex-directeur exécutif du CIO, sait de quoi il parle. La FIFA l’an nommé en juillet 2015 président de son comité des réformes; celles-ci doivent être présentées en 2016 et sont pour l’instant confidentielles.  Le CIO a eu aussi ses années sombres. Me Carrard a raison de dire que « la chance de la FIFA serait d’avoir un président totalement hors du sérail ». La corruption commence avec la collusion, et cette dernière trouve ses germes dans ce qu’on appelle le « old boys network ». Et l’avocat d’ajouter : « Avant de changer les personnes, il faut réformer les structures comme les statuts, les règles d’élection, la gouvernance et la transparence. Il faut un changement de culture et des mentalités”. Me Carrard, depuis juillet 2015.

La plus spectaculaire démonstration de cet adage est la transformation d’IBM par Lou Gerstner. L’homme, un iconoclaste venu d’American Express, était alors le seul capable de secouer la culture d’autosatisfaction d’IBM qui, après des années flamboyantes, s’était enkystée dans une complaisance fatale. Son nettoyage des écuries de l’entreprise a été proprement herculéen.

En gouvernance, le silence n’est pas d’or

Mais, au juste, qu’est-ce qui fait donc que ces structures et ces hommes se détraquent pendant si longtemps sans que rien ne puisse les faire changer, sauf une crise majeure ? Les explications sont sans doute nombreuses. John Steinbeck donne une réponse intéressante dans Des Souris et des Hommes : « Vous avez tous peur les uns des autres, c’est pas autre chose. Vous avez tous peur que les autres aient quelque chose à raconter sur votre compte. »

En gouvernance comme ailleurs, le silence permet sans doute de gagner du temps. Certains peuvent en profiter. Chacun finit par devoir quitter son mutisme. A ses risques et périls. Raison pour laquelle il faut en parler.

François E. Clerc est co-animateur de l’ACAD (Académie des administrateurs) et co-fondateur de Triple A Associés.

Comment rémunérer son conseil d’administration ?

La rémunération des administrateurs, un sujet devenu sensible

Me Luca Urben, avocat stagiaire, a récemment publié sa thèse sur «La rémunération des dirigeants en droit suisse de la société anonyme ». Son ouvrage très complet passe en revue sur 617 pages les fondements et principes de la rémunération mais aussi les exigences légales dont l’ordonnance contre les rémunérations abusives (ORAb) et les sanctions. Avant l’acceptation de l’initiative Minder, le conseil d’administration fixait lui-même la rémunération de ses membres et n’avait pas de comptes à rendre à l’assemblée générale à ce sujet. Il était ainsi en permanent conflit d’intérêts, en étant le bénéficiaire des honoraires qu’il avait lui-même fixés. Depuis la nouvelle législation, le pouvoir de décider de la rémunération des administrateurs des sociétés cotées en bourse a formellement passé à l’assemblée générale.

Parlons d’argent en toute transparence

La question de la rémunération du conseil d’administration est devenu au fil du temps très complexe. Est-ce la faute à Thomas Minder et son initiative, à Daniel Vasella et sa rémunération très au-dessus des normes ? Ou plus simplement à une nouvelle perception de la relation à l’argent dans notre société où se mélangent volonté de transparence, besoin d’égalité mais aussi jalousie et égo ?

Souvent, tout à l’honneur d’avoir été proposé pour rejoindre un conseil d’administration, un futur administrateur n’ose guère demander quelle sera sa rémunération. Il ne veut pas donner l’impression que sa motivation est pécuniaire. Et pourtant c’est un thème à clarifier rapidement et qui peut influencer votre engagement et votre disponibilité: “If you pay peanuts, you get monkeys ! ».

Les cinq éléments de la rémunération d’un administrateur

Cinq éléments de rémunération sont à prendre en compte pour les membres d’un conseil d’administration :

  • Les honoraires de base, qui couvrent la responsabilité, la disponibilité, la préparation et la participation aux séances ordinaires, payés en principe une fois par an.
  • Les jetons de présence, versé pour la présence effective aux séances du conseil.
  • Un complément pour les responsabilités supplémentaires (président du CA ou d’un comité, parfois aussi comme vice-président ou membre d’un comité). Selon les responsabilités, les honoraires de base sont multipliés d’un facteur 1.5 à 3
  • Le forfait pour séances supplémentaires (séances extraordinaires ou des séminaires du CA)
  • Les honoraires pour activités supplémentaires avec un paiement à un tarif horaire fixé à l’avance pour des travaux supplémentaires demandés officiellement par le CA à l’un de ses administrateurs.

Combien ?
Idéalement le Conseil d’administration devrait adopter un règlement de rémunération qui clarifie par écrit les montants à prévoir pour chacun des cinq éléments. Les montants vont varier selon la taille de l’entreprise, l’importance des responsabilités, la fréquence des réunions du Conseil, etc.
Selon BDO, la rémunération des membres de conseils d’administration d’entreprises helvétiques de taille moyenne s’élève en moyenne à CHF 25 000.– par an en 2014. Cette étude, réalisée depuis 1995, vous fournit de nombreuses indications détaillées sur les montants payés. A lire avant de demander ou fixer vos rémunérations !

Dominique Freymond est co-animateur de l’ACAD (Académie des administrateurs), vice-président de l’ISADE (Institut suisses des administrateurs) et co-fondateur de Triple A Associés