Une monnaie digitale au lieu des billets?

Les banques centrales ont désormais épuisé leurs possibilités d’intervenir afin de soutenir le système économique dans son ensemble, qui reste faible au niveau structurel dix années après l’éclatement de la crise financière globale. Les politiques d’assouplissement monétaire et les taux d’intérêt négatifs n’ont pas entrainé les effets imaginés par les banquiers centraux, qui n’ont pas considéré les implications négatives de leurs décisions sur la répartition du revenu et de la richesse dans l’ensemble de l’économie.

En l’absence d’une politique budgétaire anticyclique de l’État, à travers une augmentation des dépenses publiques favorisant la classe moyenne de la population et, indirectement, les petites et moyennes entreprises tournées vers le marché domestique, les banquiers centraux sont sollicités afin d’intervenir de manière créative pour «sauver les meubles».

Une idée qui continue à faire discuter consiste à émettre une monnaie digitale par la banque centrale, qui à cet effet pourrait utiliser la technologie de la «blockchain» à la base des «cryptomonnaies» (à l’instar du bitcoin et de l’ethereum). Cette monnaie digitale de banque centrale pourrait remplacer (au moins en partie) les grosses coupures des billets de banque, réduisant ainsi la possibilité de soustraire le paiement des impôts. L’avantage principal d’une monnaie digitale de banque centrale concernerait toutefois la politique monétaire, étant donné que la banque centrale pourrait imposer des taux d’intérêt négatifs de manière plus efficace qu’elle a pu le faire jusqu’à présent. En effet, les banques qui ont été contraintes de payer un taux d’intérêt à la banque centrale auprès de laquelle elles ont des dépôts cherchent ensuite d’en répercuter le coût, d’une manière ou d’une autre, sur leur clientèle, faisant augmenter la prise de risque sur les marchés financiers et immobiliers, nourrissant ainsi les risques qu’une autre grande crise comme celle de 2008 éclate au plan national ou global.

S’il y avait une monnaie digitale émise par la banque centrale, la politique des taux d’intérêt négatifs agirait directement sur les ménages et les entreprises (plutôt que sur les banques), de telle manière à induire les consommateurs et les entreprises dans l’économie «réelle» à dépenser leur épargne et investir afin de relancer la croissance et l’emploi dans le système économique, où les banques ne sont pas intéressées à ouvrir des lignes de crédit car elles préfèrent nourrir la circulation financière de l’argent à travers les marchés financiers globalisés.

Une monnaie digitale émise par la banque centrale pourrait aussi être utile à l’État et aux collectivités locales dans la mesure où elle permettrait d’augmenter les recettes fiscales. Les contribuables malhonnêtes auraient plus de difficulté à se soustraire au paiement des impôts et les taux d’intérêt négatifs auraient vraiment les effets imaginés par leurs partisans, c’est-à-dire qu’ils feraient augmenter la consommation et les investissements qui créent du revenu et des places de travail, améliorant aussi en fin de compte la situation des finances publiques.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

Une réponse à “Une monnaie digitale au lieu des billets?

  1. La monnaie digitale sera probablement la raison de la prochaine crise, qui sera sans doute plus sévère que 2008.. enfin, comme tout est virtuel, on ne peut savoir.

    En revanche, professeur d’économie, doit être une profession à risque, garantie par l’Etat, non?

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