L’économie a perdu ses valeurs

La crise de l’économie globale, qui est aussi une crise des «sciences économiques» essentiellement, est beaucoup plus profonde qu’on ne le croit habituellement. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les objectifs de l’activité économique sous le régime de la financiarisation: l’augmentation du taux de profit est plus importante que la satisfaction des clients et des collaborateurs de n’importe quelle entreprise. Cela a pour conséquence que les politiques économiques visent avant tout la croissance du Produit intérieur brut (PIB), comme si cela était suffisant (voire nécessaire) afin de réduire le chômage involontaire qui frappe, à l’heure actuelle, l’ensemble de l’économie mondiale.

En fait, l’économie contemporaine fonctionne sur la base d’une échelle de valeurs renversée par rapport à la période précédant les années 80 du siècle passé, lorsque la plupart des entreprises, au-delà du secteur public, veillaient tout d’abord à respecter la dignité des personnes dans leurs dimensions physique, psychique, spirituelle et émotionnelle.

À une époque où bien des économistes et des acteurs politiques visent à mesurer (pour l’augmenter) le Bonheur intérieur brut (BIB), il faudrait commencer par reconnaître que le bonheur individuel est tributaire des capacités personnelles d’exercer une activité professionnelle, pouvant dès lors satisfaire les besoins de consommation par un niveau salarial cohérent avec les valeurs éthiques que les activités et les «sciences» économiques doivent urgemment retrouver pour le bien commun.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.