La crise n’est pas finie

La mise en œuvre, ce mois-ci, de l’«assouplissement monétaire» de la Banque centrale européenne (BCE) a suscité une vague de réactions, notamment des milieux politiques proches des institutions financières, selon lesquelles la crise de l’Euroland serait désormais surmontée, en ce qui concerne l’avenir de la zone euro dans sa composition actuelle.

En clair, malgré les tensions et les étincelles au plus haut niveau entre la Grèce et l’Allemagne, représentées par leurs propres ministres des Finances, le «bazooka» monétaire déployé par Mario Draghi induit les institutions européennes à être confiantes en l’avenir de la zone euro.

Or, si les acteurs sur les marchés financiers vont continuer à profiter de la «manne» jetée par l’hélicoptère piloté par M. Draghi, soulageant nombre de banques «zombie» dans les principaux pays de l’Euroland, force est de remarquer que le chômage involontaire d’un nombre très élevé de jeunes et de moins jeunes à travers la zone euro ne diminue pas (et ne va pas diminuer dans les prochaines années) suite à la très accommodante politique monétaire de la BCE.

À la différence de la Grande Dépression des années 1930, lorsque les chômeurs dans le secteur agricole ont pu migrer (de la campagne vers les villes) pour trouver une place de travail dans l’industrie naissante et à faible valeur ajoutée, la Grande Récession qui frappe, depuis déjà au moins 5 ans, les pays «périphériques» de la zone euro, n’offre aucune possibilité d’embauche à une grande partie des chômeurs involontaires dans ces pays, parce qu’ils n’ont pas en général les compétences pour décrocher un emploi (ne serait-ce qu’à temps partiel et avec un contrat à durée déterminée) dans les activités (de service) pour lesquelles les entreprises cherchent à recruter des collaborateurs très bien qualifiés.

Au lieu des politiques d’austérité, qui aggravent et prolongent la crise, la zone euro a urgemment besoin de politiques permettant à bien des chômeurs de trouver un emploi dans des activités où le capital humain est prépondérant pour la production de biens et services à forte valeur ajoutée. Le secteur public doit contribuer à cela par une augmentation des dépenses pour l’instruction et la formation continue, qui ne doivent plus être considérées comme des coûts (à réduire dans les budgets de l’État) mais comme des investissements (à augmenter) qui ne doivent pas être inclus dans le calcul des soldes budgétaires suivant le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union monétaire européenne.

Le bien commun ne doit pas dépendre d’une formule de calcul aride et dépourvue de sens au plan macroéconomique. Il en va du destin du processus d’intégration européenne et de la réalisation des États-Unis d’Europe.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.