Les autorités politiques allemandes insistent sur l’exigence de restituer aux créanciers étrangers l’intégralité de la dette publique grecque car il en va du respect des accords (d’abord ceux entre les débiteurs et leurs créanciers, ensuite ceux pris dans le cadre de la fameuse Troïka, sous la menace de couper les vivres à l’économie grecque, comme l’a fait la Banque centrale européenne par sa décision du 4 février 2015). Or, les Allemands doivent considérer deux points majeurs:
– d’une part, le «miracle économique» dont leur pays a bénéficié dans les deux décennies suivant la Deuxième guerre mondiale tient aussi à l’Accord sur les dettes extérieures allemandes conclu à Londres le 27 février 1953. Cet accord, qui a effacé plus de la moitié des dettes allemandes face à de très nombreux créanciers étrangers, a permis, en réalité, un nouveau départ de l’économie allemande, lourdement touchée par les événements tragiques durant la première moitié du XXème siècle.
– d’autre part, comme l’a fait remarquer Joseph Stiglitz, l’«aléa moral» que bien des économistes mentionnent pour indiquer le danger que, en cas d’annulation partielle de la dette publique grecque, d’autres pays (à commencer par l’Espagne, si Podemos sortait gagnant des élections générales prévues à la fin de cette année) vont exiger des annulations de leurs dettes extérieures, ne doit pas faire oublier les responsabilités (et les risques d’aléa moral) du côté des créanciers, surtout au vu des aides financières que ceux-ci ont obtenues par les États, suite à l’éclatement de la crise de l’Euroland.
En clair, l’évidence empirique est double. Elle montre, historiquement, qu’une remise partielle de dettes ne nuit pas mais, au contraire, profite à la fois au débiteur et à ses créanciers. Elle montre également que la socialisation des pertes des acteurs financiers globalisés pousse ceux-ci à continuer avec leurs stratégies prédatrices, capturant des rentes et des profits qui, eux, avèrent le véritable aléa moral induit par le régime de la financiarisation des activités économiques au détriment du «bien commun».
La Grèce a ses propres problèmes à régler. Mais ses créanciers ont le devoir moral d’être responsables des comportements prédateurs qu’ils ont mis en œuvre avec la garantie que l’Euroland est trop grande pour faire faillite.