Le projet de loi fédérale sur des mesures visant à faciliter le règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les États-Unis accorde une préférence exécrable aux personnes américaines qui ont éludé le paiement des impôts et condamne de facto les employés des banques suisses, voire les tiers ayant exercé une activité semblable à celle des employés de ces banques (en clair, les avocats d’affaires ainsi que les gérants indépendants), «qui ont joué un rôle actif» pour l’ouverture des relations d’affaires transfrontières avec les dites personnes.
Les juristes vont s’acharner à épiloguer sur la définition appropriée du «rôle actif» joué par les employés de banque et les tiers impliqués, de même que sur l’ampleur de la «situation difficile sur le plan personnel, financier ou professionnel» des dits employés, qui obligerait la banque à «protéger le mieux possible les membres de son personnel» (encore une autre formule creuse, qui va induire des disputes sans fin).
Les employés de banque, par contre, vont s’interroger sur la fidélité de leur employeur, qu’ils ont servi de manière loyale dans la majorité des cas, souvent même durant une période remarquablement longue, tout en exécutant les ordres de leur hiérarchie sans oser, en général, poser des questions fâcheuses à leur supérieur direct par rapport aux cas les plus problématiques en ce qui concerne la fiscalité internationale.
L’image de la Suisse va peut-être ne pas être endommagée suite à la protection de la sphère privée des clients «off-shore» de ses banques, mais l’image de ces banques sur le marché du travail ne va pas briller par la gestion des «ressources humaines» (une expression qui en dit long sur la marchandisation du personnel).
Les actionnaires des banques suisses vont devoir aussi supporter les frais des accords que ces institutions signeront avec le Department of Justice états-unien: les amendes pécuniaires que les banques doivent payer pour tirer un trait (définitif?) sur leur passé délictueux vont limiter les dividendes et pourraient même induire les dirigeants bancaires à se lancer dans des opérations financières très risquées afin de rétablir les niveaux de rémunération et de dividende versés avant la crise globale.
Quoi qu’il en soit, la pression sur les employés de banque ne va pas diminuer ces prochaines années. Le coût du «règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les États-Unis» pourrait même être insupportable par bien de ces employés. Selon toute vraisemblance, il sera supporté par la collectivité, suivant le principe de «la privatisation des profits et la socialisation des pertes» qui caractérise l’activité économique et financière contemporaine.