La Suisse doit négocier l’échange d’informations

La vitesse des changements en ce qui concerne le secret bancaire est problématique pour la Suisse à plusieurs égards. D’une part, les avoirs qui, par le passé, ont été soustraits au paiement de l’impôt constituent désormais un poids trop lourd pour les banques en Suisse, à cause de l’absence de solution générale pour les régulariser sans être appelés à payer d’une manière ou d’une autre une ardoise élevée. D’autre part, il y a beaucoup d’incertitudes à l’égard des nouvelles règles que la place financière suisse devra respecter, tant pour leurs contenus que pour le calendrier de leur mise en œuvre, au vu de la confusion qui règne sur le plan mondial. Cette incertitude va à l’encontre des intérêts de toutes les parties prenantes.

Plutôt que de se réfugier derrière l’écran fumeux de la protection de la sphère privée pour revendiquer mordicus le secret bancaire, la Suisse (par le truchement du Conseil fédéral) a intérêt à adopter une attitude proactive et à utiliser à bon escient la pression des «Offshore Leaks».

En remettant en cause la finalité des «trusts» et des autres montages opaques dans les territoires anglo-saxons, la Suisse peut obtenir deux résultats importants lors des négociations qui vont devoir se dérouler à plusieurs niveaux (G20, OCDE, Union européenne): d’une part, il s’agit de déterminer quelles sont les données financières que les pays vont devoir échanger entre eux pour des raisons fiscales; d’autre part, il est capital pour le secteur financier suisse d’être mis sur un pied d’égalité avec les autres places financières afin que la concurrence puisse jouer de la même manière pour l’ensemble des acteurs concernés.

La première étape, qui doit être entamée sans tarder, consiste à ouvrir une discussion au niveau national afin de déterminer les activités pour lesquelles la Suisse envisage l’échange automatique d’informations. Il conviendra donc que les partis politiques et les différents acteurs sur la place financière helvétique trouvent rapidement une entente à ce sujet, sachant qu’il n’y aura plus de «repas gratuits». La deuxième étape, qui doit commencer avant que l’indignation internationale soulevée par les «Offshore Leaks» s’estompe, porte sur l’ouverture de négociations que la Suisse devra mener activement sachant que les concessions qu’elle devra faire à différents niveaux seront directement proportionnelles au temps qui s’écoulera avant l’établissement d’un standard international pour l’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales.

Si la Suisse veut continuer à se targuer d’être la première de la classe, il faut qu’elle ait l’ambition de ses propres moyens, sans oublier que le monde est en train de changer à une vitesse inhabituelle pour ceux qui ont avancé par inertie grâce au secret bancaire désormais révolu.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.