La crise bancaire à Chypre et les problèmes qui affectent les banques en Slovénie ravivent la crainte que l’euro pourrait disparaître, du moins dans une partie de l’Euroland. Cette crainte est infondée car elle ignore les résultats obtenus suite à l’adoption d’une monnaie unique au sein de la zone euro.
Le mobile de l’unification monétaire européenne était la libre circulation des capitaux à travers les pays membres de l’Union européenne, qui a pu être réalisée avec l’élimination des barrières institutionnelles posées par l’existence de monnaies nationales différentes. Grâce à l’euro, les sociétés financières (mais également les entreprises non-financières) peuvent déplacer instantanément leurs dépôts bancaires d’un pays à l’autre au sein de l’Euroland. Cela leur permet de maximiser les profits et notamment les rentes financières dans un laps de temps très court, que les investissements dans les activités de production ne peuvent en aucun cas égaler car ils nécessitent d’une longue période avant d’être profitables (si les attentes des investisseurs s’avèrent correctes). Il en découle une pression sur les travailleurs, qui les induit à accepter des rémunérations salariales dont le taux d’augmentation reste en deçà de l’augmentation de leur productivité d’une année à l’autre, par peur que l’entreprise délocalise une partie ou la totalité de ses activités et donc ses places de travail.
Si l’adoption de l’euro a dès lors profité aux titulaires de capitaux et en particulier au secteur financier de l’Euroland, la crise de la zone euro a un impact favorable pour ces acteurs, au vu des mesures adoptées par beaucoup de pays au centre ou à la périphérie de cette zone pour soi-disant sortir de cette crise. Les politiques d’austérité, en effet, réduisent de manière drastique et considérable la dépense publique, notamment pour les assurances sociales, et font augmenter les impôts, surtout les impôts indirects comme la TVA, accentuant les disparités sociales lors de la répartition du revenu et de la richesse dans l’économie nationale.
Qui plus est, la «stratégie» adoptée par les dirigeants européens pour sortir la zone euro de sa propre crise a déplacé les choix de la politique économique du plan national au niveau intergouvernemental, libérant à jamais les responsables de ces choix du contrôle démocratique. Par là, le principe de subsidiarité a été émasculé, pour être remplacé par des choix autoritaires et éloignés des besoins de la population européenne.
L’euro ne disparaîtra donc pas: les bénéfices que les «pouvoirs forts» au sein de la société en retirent sont trop importants pour eux pour les amener à abandonner une source majeure de leurs rentes de position.