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Un fils d’immigrés suisses fondateur principal de la mythique Voie de l’inconscient

Les fondateurs du plus célèbre parcours militaire au monde, situé à Djibouti, étaient de passage en Suisse du 6 au 8 novembre dernier à l’occasion d’une interview qui servira à la réalisation d’un film documentaire qui sortira en janvier 2022.

Puisant dans des images d’archives inédites, ce court-métrage retracera le passionnant destin d’une voie d’escalade, qui deviendra, quelques décennies plus tard, un parcours mythique.

Les Suisses fuyaient une situation précaire

C’était en 1913, il y a 108 ans de cela, Martin et Louise Marguerite Blatter, fille d’Albert Bronner et de Thérèse Mayer, originaires d’Hottingen, un quartier de Zurich, firent partie des 500 000 citoyens suisses qui, entre 1819 et 1914, passèrent par la rigueur et les rudesses de l’exil, en quittant définitivement la Suisse à la recherche d’un monde meilleur.
C’est le cœur rempli d’émotion que ces expatriés fuirent leur terre natale dans un voyage interminable qui les conduisit dans les Vosges.
Si, aujourd’hui, ces exilés revenaient d’outre-tombe, ils seraient assurément très fiers de leurs petits-fils, dont l’existence tout entière fut marquée par l’empreinte d’un parcours militaire émérite sans faute.
Et pour cause, le jeune Philippe Blatter, né en 1949 à Épinal, est un homme d’action et de combats qui ne semble jamais désarmé face à l’adversité.
Ces qualités sont à souligner. S’agit-il d’un trait de caractère ou bien d’un signe du destin en se référant à ses origines suisses ? N’oublions pas que les mercenaires helvétiques étaient considérés comme les meilleurs soldats de l’Europe. Viscéralement attaché à sa Suisse, la montagne coule dans ses veines. Il reste toujours, à bientôt 72 ans, un passionné d’escalade et pratique encore l’alpinisme.

La genèse de la Voie de l’inconscient

Un jour de l’année 1976, alors qu’il était déployé à Djibouti en Territoire français des Afars et des Issas – nom donné au territoire de l’actuelle République de Djibouti durant la colonisation française entre 1967 et son accès à l’indépendance en 1977 – le jeune Blatter croit en sa bonne étoile et se lance dans la création d’une voie d’escalade qu’il baptise : La Voie de l’inconscient.
Vierge de tout équipement, c’est là que commença la légende, celle d’une falaise qui se retrouve un jour dans le champ de vision d’un homme, Philippe Blatter.
C’est ainsi qu’il la surnomme, en raison de la friabilité de la roche et de la faible adhérence des fixations à la paroi. Située sur la piste des Mariés reliant Arta à Arta plage, sur les rives du golfe de Tadjourah en République de Djibouti, l’emplacement de ce point n’a rien d’anodin.

Un ouvreur et quatre équipeurs

Le pari se révèle être risqué, mais bien au contraire, après l’avoir baptisée ainsi, prêt à toutes les audaces, c’est sous sa direction accompagné de quatre hommes du commando Montfort, que commence l’aventure. Il s’agit de François-Alain Gourmelen, de Patrick Delezaive, de Jean-Marie Jourdain et d’Yves Lorette.
Ensemble, ces cinq soldats franchiront cette paroi durant de nombreux jours si bien qu’ils ne les compteront même plus.
Entre 1976 et 1978, les commandos marine accueillaient et formaient régulièrement toutes les compagnies de légionnaires à l’instar de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère. Cette formation se déclinait en trois ateliers différents, le nautisme, le sabotage et… La Voie de l’inconscient.
Cependant, l’éruption de l’Ardoukôba accompagné d’un tremblement de terre d’une magnitude de 4,6 qui eut lieu le 7 novembre 1978 a mis fin provisoirement aux entraînements sur La Voie de l’inconscient.
Entre-temps, durant l’année 1978, suite au séisme de Djibouti, la Légion étrangère créa le centre d’entraînement au combat d’Arta plage (CECAD) afin de remplacer un ancien centre amphibie qui existait à Obock. Après sa reconnaissance officielle à Arta-Plage, elle participera à l’amélioration de La Voie de l’inconscient et reprendra à son compte les formations que les commandos marine leur avaient enseignées.

À l’aube du 45e anniversaire de cet emblématique parcours militaire, qui aura lieu en décembre, ces cinq hommes n’auraient jamais pensé qu’un jour ils auraient ouvert une voie d’escalade qui s’avérera être la plus prestigieuse au monde.

Et pour cause, leur œuvre aura permis de former des décennies de soldats des forces armées françaises et internationales à l’aguerrissement en milieu désertique et qui sert à les préparer lorsqu’ils partent sur les différents théâtres d’opérations dans le monde.

 

Serge Kurschat

 

Photo de Philippe Blatter :  copyright Serge Kurschat

 

Serge Kurschat

Historien diplômé de l'Université de Franche-Comté, multientrepreneur, chroniqueur sur le blog du journal Le Temps.

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