Trump/Clinton 2016, Le Pen/Macron 2022, ressemblances, dissemblances

A première vue les parallèles sont saisissants entre l’élection présidentielle américaine de 2016 et celle qui se déroule ce mois d’avril en France :

  • Dans les deux pays, la fonction présidentielle est placée au centre des débats et des institutions.
  • Si les USA sont parmi les grandes puissances mondiales, la France est au cœur de l’UE, un des six Etats fondateurs, capable de la faire évoluer positivement ou négativement.
  • Les deux élections présentent dès lors des enjeux globaux majeurs.
  • Dans les deux cas, s’affrontaient et s’affrontent des candidats perçus comme les représentants de l’»élite» de la capitale (Hillary Clinton, Emmanuel Macron), et des challengers se présentant comme les porte-parole des populations exclues du festin des riches (Donald Trump, Marine Le Pen).
  • Dans les deux cas, les premiers pensaient gagner parce qu’ils avaient la raison pour eux, et dans les deux cas les challengers ont réussi leur pari de rassembler une bonne partie des « exclus » sous une bannière souverainiste et de préférence nationale.
  • Dans les deux cas, la Russie de Poutine a clairement indiqué ses préférences et est intervenue directement.

« Avant c’était mieux »

Dans les deux cas, enfin, on note, après des années de pilonnage médiatique notamment sur les réseaux dits sociaux, un déplacement net du curseur électoral vers la droite. Le/la candidat.e populiste récupérant les craintes du milieu populaire d’être concurrencé par plus pauvres qu’eux et de ne plus reconnaître son pays comme il était « avant » (avant l’arrivée de migrant.e.s en nombre, avant la dissolution des mœurs et l’insécurité dans les quartiers, etc.), craintes consécutives au grippage de l’ascenseur social et signes de perte de confiance dans le « progrès ». Le/la candidate « de l’élite » se situant du coup également plus à droite, notamment en matière économique. Et si Trump racolait les foules avec son Make America Great Again, le discours lepéniste ne dit pas autre chose, en recyclant l’image de la douce France des villages prospères d’autrefois, regroupés autour de l’école, la mairie et le clocher – qui avait fait élire Mitterrand voici 40 ans.

Le risque ? Que la démagogie, la versatilité, les insultes, les outrances et le bain de foule permanent prennent le dessus sur un discours de responsabilité, comme Trump, Salvini ou Orban l’ont tristement illustré tout au long de leurs mandats. Mais surtout, et cela explique toute la sollicitude de Poutine pour l’extrême-droite souverainiste européenne, celui d’un affaiblissement notable de l’UE.

Un enjeu clé : consolider ou déstabiliser l’UE ?

La guerre menée par Poutine contre l’Ukraine a souligné clairement l’importance vitale pour les peuples d’Europe que UE soit solide et solidaire, s’ils tiennent à leur souveraineté et à leur liberté. Car la souveraineté ne peut désormais plus s’exercer qu’ensemble, si l’on veut peser sur le monde. Nous devons donc pouvoir compter les uns sur les autres en Europe, et, quel que soit le prochain président américain, il devra avant tout s’occuper du Pacifique bien plus que de l’Atlantique. En effet, tôt ou tard la Chine passera à l’action face à Taïwan, qui démontre au quotidien l’intolérable pour Xi Jinping, à savoir que la démocratie est parfaitement compatible avec la mentalité chinoise – et ce sera alors l’heure de vérité pour l’Amérique.

L’élection présidentielle française – tout comme celles de 2016 et de 2020 en Amérique – a donc une dimension géopolitique de premier ordre. C’est là qu’on mesure à quel point, dans son assurance et sa superbe, Macron a négligé de susciter l’adhésion des Français. Il a assumé sans broncher l’étiquette délétère de président des riches, limitant l’impôt sur la fortune au foncier et voulant augmenter l’âge de la retraite, ignoré l’état de délabrement social de son pays, occulté les drames des territoires qui se désertifient et des banlieues – fabriques d’exclusion et d’extrémismes laissées à elles-mêmes. Il n’a pas su saisir la crise des gilets jaunes pour décentraliser le pouvoir et introduire des éléments de démocratie directe, ni les propositions de la convention citoyenne pour le climat, trahissant au passage sa promesse de les reprendre intégralement.

Négliger le lien avec la population se paie cher

Il a ainsi gravement fragilisé sa position. Mais au-delà de tous les parallèles entre Trump et Marine Le Pen, il y a une différence de taille entre les deux modes d’élection : celui en France est simple et direct ; est élu le candidat qui a obtenu le plus de voix. Aux Etats-Unis, le système électoral fait que Hillary avait 3 millions de voix de plus que Trump, mais a quand même perdu. Il a fallu à Biden un différentiel de 8 millions de voix en sa faveur pour l’emporter. Souhaitons donc à la France et à l’Europe que Macron fasse un résultat positif, et espérons que le souvenir du vent du boulet lui rappellera la nécessité de cultiver les dimensions écologique, sociale et de gouvernance, pour que la France puisse être enfin en paix avec elle-même.

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.

15 réponses à “Trump/Clinton 2016, Le Pen/Macron 2022, ressemblances, dissemblances

  1. La situation sociale en France ( que vous connaissez très mal parce que vous n’êtes pas immergé dedans ) est l’exemple type d’un des paradoxes de Alexis de Tocqueville : le paradoxe des inégalités .” plus un pays est égalitaire , plus la frustration devant les inégalités restantes est grande ” . Ainsi , la France est le pays qui utilise à tout bout de champ , à tort et à travers , l’expression “justice sociale ” alors qu’elle est bien classée au niveau du coefficient de Gini , par exemple .

  2. Ces deux personnalités : Marine Le Pen et Donald Trump ont sans doute beaucoup de défauts, mais ni l’une ni l’autre n’auraient jamais eu aucune chance si les poilitiques suivies par les gens de votre bord, c’est à dire les progressistes antisociaux pro immigration, antinationaux, partisans d’une écologie punitive et insensée, pénalisant les petites gens, n’avaient pas totalement échoué, au point même de susciter la révolte et le dégoût.

  3. Franchement, comment fait la France pour se choisir des politiciens aussi médiocres ?

    Au travail, mes collègues de travail frontaliers viennent de grandes écoles, savent l’anglais, peuvent discuter avec pertinence, etc…

    Francement, Macron a le niveau d’un cadre inférieur et Marine d’une bénévole au chômage d’une SPA… Que fait l’élite française? à part s’expatrier en Suisse et au Luxembourg ?

    Ce sont les partis qui se débrouillent pour exclure les élites et promouvoir les médiocres ?

  4. La conclusion de votre blog est cocasse “Souhaitons donc à la France et à l’Europe que Macron fasse un résultat positif” Un socialiste qui souhaite la victoire de Macron c’est assez amusant et un manque d’amour propre.

  5. [Martin, “l’autre”] Je suis pour l’immigration. Pensez à ce qu’ont apporté Mazarin, les Médicis, Marie Curie, les troupes coloniales, Dufour… Réfléchissez aux ravages de la consanguinité, dans ces endroits où l’on préfère se marier entre cousins et ne pas s’informer des techniques en usage dans les pays étrangers avancés, cela par immobilisme ou peur. Et il y a tous ces profs qui ont pu atteindre un haut niveau de connaissance, susceptible de faire avancer la recherche mondiale parce qu’ils ont étudié dans des universités loin de leur lieu de naissance. Les américains sont pour beaucoup des migrants! L’essentiel pour les nouveaux arrivés est de leur faire respecter les mœurs, les coutumes importantes et surtout les lois du pays d’accueil, c’est cela qui compte. Pour ce qui est de l’écologie, elle doit se mettre au service de la survie de l’humanité et pas des loups ou des ours! Que signifie être antinational? Vouloir l’Europe? vouloir la paix? vouloir une coopération généralisée entre les nations? Non à la guerre! oui aux voyages avec ou sans retour!

    1. Limmigration massive que nous subissons n’a rien à voir avec Mazarin, les Médicis et le général Dufour. C’est vraiment se moquer du monde que de suggérer ça.

      Quelques individualités d’exceptionnelle qualités se comptant sur les doigts d’une main, n’ont absolument rien de commun avec le déplacement massif de peuples entiers, par millions de personnes, qui modifie en profondeur le tissu ethnique et culturel des populations du pays d’accueil, ou plutôt du pays envahi.

      Bien sûr dans cette masse il y a sans doute quelques indivualités de valeur à la Mazarin ou Dufour. Ce n’est pas là le problème. Le problème ce sont les millions d’indésirables.

      Soyez sérieux s’il vous plaît, cher homonyme.

      P. S. Puisque vous avez de la culture, vous n’ignorez pas, en outre, que parmi les courtisans de Marie de Médicis il y avait aussi quelques métèques très intriguants et dangereux comme la Galigaï et Concini, dit Conchine, appelé aussi le maréchal d’ Ancre, qui aurait mis la France à feu et à sang si le duc de Luynes ne l’avait pas assassiné à la demande du jeune Louis XIII.

  6. À quel âge avez-vous compris que maquillage voulais dire « maquille l’âge » ?

    Désolé, c’est tout ce que m’inspire Mme Clinton.

  7. Il faut peut être que le peuple français s’auto-flagelle encore pendant 5 ans pour comprendre sa douleur?
    En votant le “moins pire des deux”, il risque de récolter la même politique autocratique que les 5 dernières années, mais en bien pire.
    Il y a comme un doute affreux (et si pour déjouer ce mauvais sort, il faudrait faire le choix inverse de ce que la haute bourgeoisie voudrait pour “notre bien” – le choix du populisme et des défavorisés du système).
    Avec Macron II, vous plébiscitez le retour de l’autoritarisme décomplexé, du cynisme, du mensonge pervers et du mépris de classe. Peut-être est-ce cela qui permettra au peuple de retrouver sa vraie souveraineté, finalement l’ennemi est l’allié dont nous avons besoins sur la voie de l’empowerment et de la vraie liberté. Mais avant cela, nous devrons traverser des temps très chahutés.

  8. Pourriez-vous user de votre influence médiatique pour demander la fermeture des sites porno qui diffusent des vidéo d’Ukrainiennes/russes ?

    – les premières sont victimes de traite d’êtres humains;
    – les secondes aussi + le financement aide l’effort de guerre de Poutine.

    C’est bien de faire pression sur Decathlon; mais faut que les sites porno soient sensiblisés et agissent !

    1. Le message de Donald Trump avant les élections ressemble maintenant moins à une blague : “Biden for resident !”

  9. Bonjour,
    dans les différences, il y en a une autre, et qui est très importante, entre l’élection de Trump, et celle qui s’annonce en France. Trump a été élu par un “congrès Républicain”. Il savait donc qu’il aurait, au moins jusqu’aux mid-terms, la capacité de gouverner. Concernant Mme Le Pen, si elle est élue le 24 avril, elle ne pourra réellement gouverner qu’à partir de mi-juin, sous réserve que les français votent pour des députés RN. Et cette réserve est très importante. En effet, en 2017 Mr Macron a obtenu une majorité car il s’inscrivait dans un “dégagisme” généralisé. Il est nettement moins probable que Mme Le Pen puisse “rééditer l’exploit”. Car, si elle gagne ce sera avec l’aide de voix d’électeurs “voulant dégager Mr Macron” sur la base de sa politique (anti)sociale passée (APL, …) et annoncée (RSA conditionné, financement des retraites par le décès avant l’âge des plus pauvres, …). Mais, si Mr Macron est le “point de fixation” de haines farouches, il n’est pas évident que cela s’étende autant que cela aux députés LREM.

    Donc, l’élection de Mme Le Pen affaiblira un peu la position française au sein de l’UE, par le fait que nous aurions alors une présidente et un gouvernement de bords opposés. Mais sa “capacité de nuisance” dans un tel schéma serait malgré tout très réduite. En revanche, si effectivement elle devait avoir une Assemblée Nationale à sa botte se serait dramatique. Mais j’ai du mal à croire à ce scénario.

    Il se pourrait même que son élection soit une chance pour la Démocratie en France. En effet, si elle est élue, il semble alors difficile à un parti existant d’avoir une majorité aboslue à l’Assemblée. Il faudra donc que se crée une majorité de coalition. Ceci redonnerait alors un vrai rôle l’Assemblée, qui avait été transformée en simple chambre d’enregistrement par Mr Macron.

  10. Je me réjouis de lire vos explications.

    Si Poutine = mal !;
    Si Biden = bien ?

    “Les Etats-Unis ont prévenu les îles Salomon qu’ils riposteraient en conséquence si la Chine devait installer une présence militaire permanente dans l’archipel du Pacifique, après la signature d’un accord de sécurité controversé, a rapporté la Maison Blanche #AFP”
    https://mobile.twitter.com/afpfr/status/1517539484056891392

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