Chronique du virus: une bonne nouvelle, une mauvaise et un défi majeur

La bonne nouvelle: l’imposture populiste démasquée

Partout au monde, les pyromanes populistes fêtaient un triomphe après l’autre : Modi, Trump, Bolsonaro, Orban, Salvini, auxquels on peut associer dans une certaine mesure Boris Johnson… Leur victoire semblait inévitable, le chacun pour soi, et le rejet des diversités actés. Mais partout ils ont échoué aussi bruyamment qu’ils avaient gagné les élections peu avant. Partout ils ont été démasqués, dans leur grandiloquence, leur incompétence, leur irresponsabilité, dès les premiers jours de la crise sanitaire.

En Inde, après une minimisation du virus, une mesure radicale de confinement. En Italie, la région où la pandémie a le plus sévi se trouve être le fief de Salvini, qui a fait preuve d’une grande légèreté. Bolsonaro prend des bains de foule et se débarrasse de son ministre de la santé. Trump agite la population contre les décisions de protection sanitaire des gouverneurs des Etats et coupe les vivres à l’OMS. Boris Johnson a longtemps négligé la menace, avant d’être lui-même atteint, puis de chanter les louanges d’un service national de santé que son parti s’est attaché durant des années à démanteler.

C’est bien dans le danger qu’on reconnaît la vraie valeur des personnes, quelles que soient leurs fonctions. Pour les populistes, c’est l’heure de vérité et ils ont lamentablement raté le crash test de la pandémie. Espérons que les électrices et électeurs qui les portaient aux nues seront désormais guéris de leur attirance pour leurs propos vulgaires, de division et toxiques. Gouverner, c’est prendre des responsabilités, conduire selon une éthique et des valeurs. Les imposteurs n’en sont structurellement pas capables.

La mauvaise : une Europe particulièrement fragilisée
Si le virus a démasqué les populistes face au devoir de protection des populations, il aura encore affaibli une UE déjà chancelante. Au début de la crise, l’UE est restée sans voix et sans réaction, alors qu’elle aurait dû porter des propositions de gestion pour tout un continent. Certes, l’UE n’a pas de compétences sanitaires, mais ne pas avoir de compétence juridique formelle n’a jamais été un obstacle pour soumettre des propositions aux Etats membres et suggérer une coordination des réponses.

Rien de tout cela. Aucune recommandation ni mise en commun sur les approches, les analyses sanitaires, les règles de confinement, la fermeture des frontières, ni même les statistiques de morbidité et de mortalité. Rien qui fasse sentir que l’UE veille sur les Européens. Chacun pour soi, dans sa stratégie, dans sa gestion des frontières. Avec leur brutale renaissance, en moins de 24h l’Europe s’est physiquement évaporée, et cela va s’inscrire dans les consciences : en cas de coup dur, seul l’Etat compte ; la confiance dans un des acquis communautaires les plus tangibles, la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen, en restera fortement ébranlée.

Les difficultés à assumer une vraie solidarité avec les Etats du sud du continent durement frappés par le virus sont elles aussi lourdes de menaces, et fragilisent un peu plus l’espoir que les peuples pouvaient placer dans une solidarité entre Etats membres. Et l’UE n’a même plus la force de contrer les dictatures qui renaissent à l’Est, en Hongrie ou en Pologne.

Espérons au moins que le Deal Vert, cette sortie de crise par la durabilité, survive à ces nouvelles vicissitudes du projet européen. Car il serait fatal que le soutien massif aux entreprises, bien nécessaire, se fasse sur le dos de notre avenir à tous, en misant sur le monde d’hier au lieu de construire celui de demain.

Un défi majeur: réaliser que notre avenir passe par la solidarité
La crise sanitaire et la mise à l’arrêt d’une bonne partie de l’économie sont déjà bien douloureuses dans nos pays. Mais elles sont catastrophiques pour cette moitié de l’humanité sans accès aux soins de base, pour ce milliard d’humains subsistant dans des bidonvilles ou dans la rue, pour ces 650 millions de personnes privées d’eau de qualité potable, dans de nombreuses régions du Sud global. Autant dire que la coopération au développement devra être substantiellement augmentée et faire pleinement partie de la sortie de crise. Car tant que ces besoins de base sont à ce point insatisfaits, le virus continuera à rôder.

L’ONG Oxfam soulignait début avril qu’»en l’absence de mesures drastiques pour consolider les économies des pays en développement, la crise pourrait précipiter pas moins d’un demi-milliard de personnes dans la pauvreté. Cela pourrait entraîner un bond en arrière d’une décennie en matière de lutte contre la pauvreté, et dans certains cas un recul de 30 ans. (…) L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que 25 millions d’emplois pourraient être perdus, un chiffre probablement sous-estimé. (…) On estime que les pertes de revenus pour la main-d’œuvre pourraient atteindre 3’400 milliards de dollars. (…) Les travailleuses, plus nombreuses dans les emplois informels et précaires, comptent parmi les personnes les plus durement touchées ».

La mise en œuvre des Objectifs de développement durable définis par les Nations Unies en 2015 était devisée à 5’000 voire 7’000 milliards de $ par an. Il faudra probablement atteindre les 10’000 milliards, vu les effets de la crise sanitaire, imaginer de nouveaux modes de financement, et, surtout, réaffecter les montants actuellement alloués à des activités non durables. Les sommes nécessaires pour assurer un minimum d’égalité de chances sur Terre apparaissent colossales, mais restent dans les 10 à 15% du PIB mondial respectivement les 5 à 10% des actifs financiers…

La prochaine discussion au Parlement sur les crédits pluriannuels de coopération internationale (Message sur la coopération 2021-2024) se déroulera dans ce contexte. Il faut espérer que nos élu.e.s, de quelque parti qu’ils soient, se mettent d’accord sur une augmentation substantielle des montants accordés. Le monde d’après la pandémie devra être davantage relocalisé, mais aussi davantage conscient des interrelations globales, car, que nous le voulions ou non, nous vivons tous sur la même Terre.

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.

5 réponses à “Chronique du virus: une bonne nouvelle, une mauvaise et un défi majeur

  1. C’est curieux, j’ai une toute autre impression.

    Il me semble que ce sont les populistes qui seront les principaux bénéficiaires de cette crise.

    Moi qui suis un populiste modéré, qui aurait simplement souhaité qu’on stoppe complètement l’immigration extra-européenne et qu’on abroge l’accord de libre circulation des personnes en Europe, le tout pour préserver les intérêts des travailleurs européens, je suis inquiet désormais que les gens raisonnables comme moi soient rapidement débordés sur leur droite par des populistes extêmistes, un peu comme ceux qui sont apparus au pouvoir dans les années 1930.

    Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Une dépression économique, qui nous pend au nez, n’a jamais profité aux réformistes progressistes modérés.

    On aurait du traiter l’épidémie selon les recommandations raisonnables du professeur Raoult : c’est à dire pas de confinement sauf pour les malades et personnes très vulnérables ; tests de dépistage massifs ; mesures d’hygiène ; port du masque et traitement des personnes positives au Covid 19 par le médicament dont l’efficacité a fait ses preuves, soit hydroxychloroquine associé à un antibiotique. Ainsi on aurait déjà vaincu l’épidémie comme
    Raoult l’a vaincue à Marseille et comme la Corée du sud l’a vaincue et surtout SANS METTRE L’ECONOMIE A L’ARRET.

    Or, on a agi à rebours du bon sens et on a mis l’économie mondiale à l’arrêt pendant des mois. Le cas français est le plus grave car on se demande si la raison de cette politique suicidaire est le désir de mâter les gilets jaunes ou le fait que les décideurs ont tous des conflits d’intérêts étant aux gages de lobbies pharmaceutiques qui ne veulent pas soigner les gens mais seulement les confiner en attendant un vaccin. Quoiqu’il en soit, quand l’économie est à l’arrêt complet pendant des mois, comme en France, le résultat inévitable est la dépression (pas la récession) économique. Et la dépression économique c’est ce qui permet aux populistes les plus extrêmistes de prendre le pouvoir.

    Je ne comprends pas votre optimisme.

    rapidement par

  2. C’est curieux, j’ai une toute autre impression.

    Il me semble que ce sont les populistes qui seront les principaux bénéficiaires de cette crise.

    Moi qui suis un populiste modéré, qui aurait simplement souhaité qu’on stoppe complètement l’immigration extra-européenne et qu’on abroge l’accord de libre circulation des personnes en Europe, le tout pour préserver les intérêts des travailleurs européens, je suis inquiet désormais que les gens raisonnables comme moi soient rapidement débordés sur leur droite par des populistes extêmistes, un peu comme ceux qui sont apparus au pouvoir dans les années 1930.

    Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Une dépression économique, qui nous pend au nez, n’a jamais profité aux réformistes progressistes modérés.

    On aurait du traiter l’épidémie selon les recommandations raisonnables du professeur Raoult : c’est à dire pas de confinement sauf pour les malades et personnes très vulnérables ; tests de dépistage massifs ; mesures d’hygiène ; port du masque et traitement des personnes positives au Covid 19 par le médicament dont l’efficacité a fait ses preuves, soit hydroxychloroquine associé à un antibiotique. Ainsi on aurait déjà vaincu l’épidémie comme Raoult l’a vaincue à Marseille et comme la Corée du sud l’a vaincue et surtout SANS METTRE L’ECONOMIE A L’ARRET.

    Or, on a agi à rebours du bon sens et on a mis l’économie mondiale à l’arrêt pendant des mois. Le cas français est le plus grave car on se demande si la raison de cette politique suicidaire est le désir de mâter les gilets jaunes ou le fait que les décideurs ont tous des conflits d’intérêts étant aux gages de lobbies pharmaceutiques qui ne veulent pas soigner les gens mais seulement les confiner en attendant un vaccin. Quoiqu’il en soit, quand l’économie est à l’arrêt complet pendant des mois, comme en France, le résultat inévitable est la dépression (pas la récession) économique. Et la dépression économique c’est ce qui permet aux populistes les plus extrêmistes de prendre le pouvoir.

    Je ne comprends pas votre optimisme.

  3. Bonjour,
    J’adhère sans une ombre de doute à votre post et je vous remercie de votre analyse qui contribue à ma réflexion. Toutefois, la bonne nouvelle contient en elle-même son ombre et un côté à peine obscur puisque affichée par ces bouffons, ou autres qualificatifs très sombres. On le voit ces derniers jours : les contre-feux “fake new”s envoyés par les dirigeants chinois et ses réseaux sociaux inféodés ( résultats : 80 % de la population chinoise croie dur comme fer que l’origine du Coronavirus est américaine) ; Bolsonaro et Trump jouent les antagonismes violents pour justifier de la sortie rapide du confinement avec toutes les conséquences terribles potentielles. Je ne pense pas que leurs supporters vont s’en détourner. C’est terrible ! Mais c’est la réalité; et Nous Européennes : mollesse, absence de solidarité (à moins que les Coronabonds soient enfin lancés), absence de concertation, et pas de leadership. La crise économique est potentiellement foudroyante ces prochaines semaines ! Vous le dites très bien la mobilisation des sommes financières pour s’en sortir vers une bonne direction (il n’y en qu’une) reste atteignable au regard de la richesse mondiale, et plus vite on agira plus vite on aura une rupture avec la tendance. Toute tergiversation en termes de temps obligera à plus de mobilisation financière et potentiellement à des confiscation financières (celle des dépôts et de l’épargne). Je rêve d’une Europe ENTIERE tournée dans cette aspiration .

  4. bonjour
    On parle de richesse mondiale ? mais on est pas riche ! on est des profiteurs des gaspilleurs des politiciens des jaloux des trouillards . . . la richesse c’est être comme Rambo , survivre dans la jungle avec seulement un couteau . . . on nous a rendus faibles, soumis, à la merci de gouvernements tout autant voleurs et tricheurs que nous !! gloire au virus qui ne tuera pas assez de monde . . . par contre ça nous donne l’opportunité de changer les choses, ne plus prendre l’avion, polluer beaucoup moins prendre soin de la nature, ARRETER d’être les esclaves de l’élite qui pisse dans son froc aujourd’hui de peur que tout ça s’arrête; Bref être enfin intelligents et courageux car sinon dame nature va nous vomir encore plus facilement que les dinosaures.Ce qui est grave ce n’est pas le virus mais l’idée même que tout reparte comme avant.

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