Comment protéger son concubin ou sa concubine en cas de décès ?

Le statut de concubin(e) n’est guère enviable dans les successions car il ne donne droit à aucune part réservataire. Sa situation va toutefois s’améliorer dans le cadre de la révision du droit successoral dès le 1er janvier de l’année prochaine dans la mesure où la part réservataire des enfants est réduite et que celle du père ou de la mère est carrément supprimée, comme je l’ai décrit dans mon billet du 11 mai dernier. De cette manière, les concubin(e)s bénéficieront de plus de latitude pour se favoriser mutuellement. Mais le point noir, et qui restera, c’est le poids de l’impôt sur les successions qui peut s’avérer particulièrement lourd selon les cantons.

Partage successoral

 Il n’y a évidemment aucune liquidation du régime matrimonial puisqu’il n’y a pas eu de mariage. Les biens du défunt (hors 2e pilier et 3e pilier lié) tombent ainsi intégralement dans la masse successorale. Dans ce partage, si le défunt ne laisse aucun conjoint mais seulement des descendants, ces derniers ne pourront plus revendiquer dès le 1er janvier prochain qu’une part réservataire de moitié, contre trois quarts encore actuellement. Autrement dit, le futur défunt peut laisser à son ou à sa concubin(e) la totalité de la quotité disponible, soit donc l’autre moitié de la succession, dès l’an prochain, contre un quart jusqu’au 31 décembre.

 Impôts très lourds à Genève et dans le canton de Vaud

Si la révision de la loi s’avère évidemment beaucoup plus favorable pour le concubin ou la concubine survivant(e), cette part d’héritage restera soumise à l’impôt sur les successions, puisque ce type d’héritier est considéré comme n’ayant aucun lien de parenté avec le défunt, alors que le veuf ou la veuve en est complètement exonéré. L’impôt s’avère particulièrement lourd à Genève et dans le canton de Vaud, jusqu’à respectivement 54,6% et 50%. Prenons un exemple. Un homme domicilié à Lausanne a eu deux enfants d’un mariage qui s’est terminé par un divorce. Il s’est remis en couple sans se remarier. À son décès, il possédait un patrimoine d’un million de francs. Il aurait pu prévoir dans son testament de laisser la moitié de sa fortune à sa concubine, soit 500’000 francs, en utilisant toute la quotité disponible. Elle aurait alors dû régler un impôt sur les successions de 50%, soit 250’000 francs.

Durée du concubinage souvent prise en compte

Mais les autres cantons ont la main nettement moins lourde, puisque les taux y sont plus bas. « En outre, comme le rappelle Pascal Vorlet, responsable de la planification financière auprès de la Banque Cantonale de Fribourg, la plupart de ces cantons permettent aux couples de concubin(e)s de bénéficier de taux plus réduits encore s’ils peuvent justifier d’une vie commune d’une certaine durée. À Fribourg, par exemple, le taux de base est d’environ 37,4%, mais recule à 14% si le concubinage avait duré au moins dix ans. » C’est le même laps de temps qui est retenu dans le canton de Berne, avec un taux de base est d’environ 39%, selon le calculateur de la Confédération, mais qui tombe à 14,6% après dix ans de concubinage. De même, dans le canton du Jura, le taux de base est de 35%, mais est ramené à 14% au bout d’une décennie de vie commune. À Neuchâtel, le taux de base est de 37%, mais la durée de concubinage pour bénéficier d’un taux plus favorable de 14% est limitée à cinq ans. Enfin, en Valais, le taux est le plus bas de Suisse romande, à 25%, mais la durée de vie commune n’entre pas en ligne de compte dans le calcul.

Changer de domicile ?

 « Pour des couples de concubin(e)s très sensible à la thématique des droits de succession, la question de l’établissement de leur domicile dans des cantons fiscalement plus cléments peut se poser, ajoute notre interlocuteur. Surtout si l’on est établi Genève ou dans le canton de Vaud. Mais il y a une autre piste liée aux biens immobiliers pour réduire cette charge fiscale future, car ces derniers sont imposés sur le lieu où ils sont situés. Ainsi, en acquérant un objet immobilier dans un de ces cantons moins gourmands, par exemple à Fribourg, le ou la concubin(e) survivant(e) domicilié(e) dans le canton de Vaud, par exemple, verrait le taux d’imposition de la part de son héritage investie dans ce bien passer de 50% à 14%, pour autant que le concubinage ait duré dix ans au moins. » Il existe par ailleurs différentes solutions pour privilégier son (ou sa) concubin(e) afin de réduire sa facture fiscale et/ou d’éviter les actions en réduction dans le cadre de la prévoyance, avec le 2e pilier selon le règlement de sa caisse de pension, par la souscription de produits de 3e pilier lié ou du 3e pilier libre s’il s’agit d’assurance risque pur.

Prévoyance obligatoire

 Si l’on passe en revue les différents outils de la prévoyance, on constate immédiatement que le statut de concubin(e) n’existe pas dans l’AVS. En revanche, dans le cadre du 2e pilier, tout dépend du règlement. En effet, de nombreuses institutions de prévoyance considèrent les concubin(e)s comme des conjoints mariés et leur accordent les mêmes droits en cas de décès, notamment si la vie commune a duré plus de cinq ans. Les caisses de pension exigent souvent que l’assuré leur transmette de son vivant une clause bénéficiaire en faveur de son concubin(e). Cette personne pourrait alors avoir droit à des rentes qui seraient soumises à l’impôt sur le revenu habituel. Il en va de même si ces prestations prennent la forme d’un versement en capital, soumis également à l’impôt sur le revenu, mais à un taux réduit, bien inférieur au taux de l’impôt sur les successions. Et ces versements échapperont à toute action en réduction éventuelle de la part d’héritiers réservataires.

Rachats dans sa caisse de pension ?

On peut se demander si des rachats ne seraient pas particulièrement intéressants si l’on cherche à améliorer la couverture du concubin ou de la concubine en cas de décès. « Ce serait sans doute une mauvaise idée, poursuit Pascal Vorlet, car la grande majorité des caisses de pension recourent à la primauté des prestations pour couvrir le risque, notamment le décès, c’est-à-dire que les prestations qui lui sont liées dépendent uniquement du salaire assuré. Des cotisations supplémentaires, sous forme de rachats, n’auraient ainsi aucun effet sur les prestations versées. De manière générale, on recommandera, avant toute décision, de bien prendre connaissance du règlement de sa caisse de pension. »

 3e pilier lié ou libre

 Par ailleurs, dans le cadre du 3e pilier lié, on peut également privilégier son concubin ou concubin(e), si la vie commune a duré plus de cinq ans, en le ou la désignant comme bénéficiaire. Mais, comme on l’a vu dans mon billet du 18 août dernier, bien que le montant versé en cas de décès ne tombe pas dans la masse successorale, il est pris en compte dans le calcul des réserves (pour les assurances vie mixte, il s’agit de la valeur de rachat), comme cela a été précisé dans la révision qui entre en vigueur au 1er janvier prochain, comme dans le 3e pilier libre. Par ailleurs, dans tous les cantons romands, le bénéficiaire ne sera pas soumis à l’impôt sur les successions, mais à l’impôt sur le revenu, à taux réduit. Alors que dans le 3e pilier libre, le montant versé sera imposé au titre de l’impôt sur les successions. Pour des couples de concubin(e) l’assurance mixte souscrite dans le cadre du 3e pilier libre peut s’avérer peu judicieuse s’il y a un risque de subir une action en réduction, de même que pour des raisons fiscales. Il serait en effet nettement plus avantageux de le faire dans le cadre du 3e pilier lié, si c’est possible.

Cas pratique

 Pour illustrer notre propos, prenons le cas d’un couple de concubins domicilié en ville de Genève, dont l’un des deux décède. Supposons que ce dernier avait conclu une assurance mixte en faveur de sa concubine, d’un montant garanti de 100’000 francs en cas de décès. Cette somme serait soumise à l’impôt de succession à hauteur de 49’896 francs si le contrat avait été signé en 3e pilier libre. Alors qu’en 3e pilier lié, la concubine n’aurait dû s’acquitter que de l’impôt sur le revenu à taux réduit, pour seulement 4’662 francs, comme on peut le voir sur la représentation graphique ci-dessous :

Assurance décès risque pur

 L’assurance décès risque pur constitue une solution idéale pour des couples de concubin(e)s, qu’elle soit souscrite en 3e pilier lié ou libre. Le capital de l’assurance vie est versé en cas de décès au bénéficiaire désigné sans risquer de subir une action en réduction. Car comme il s’agit d’assurances sans valeur de rachat, aucun montant ne peut entrer dans le calcul des parts réservataires. Autre avantage, fiscal celui-ci : le versement est soumis à l’impôt sur le revenu à taux réduit, comme dans le 3e pilier lié, à l’exclusion de tout impôt sur les successions. « Concrètement, poursuit notre expert, dans le cadre d’une succession qui serait lourdement imposée, comme dans le canton de Vaud, et, pour neutraliser cette charge fiscale, il s’agirait de souscrire une assurance risque pur en cas de décès couvrant non seulement le montant de l’impôt successoral à régler, mais également l’impôt sur le revenu à taux réduit qui serait dû sur le versement de la prestation d’assurance. »

Usufruit croisé

 Une autre solution pour éviter tout à la fois les prétentions d’héritiers réservataires et les impôts sur les successions est constituée par l’usufruit croisé pour des couples de concubin(e)s qui acquièrent leur logement sous forme de copropriété. En effet, cela permet qu’en cas de décès de l’un des deux partenaires, l’autre puisse continuer à vivre dans le logement commun puisqu’il va recouvrer son plein droit de propriété sur la moitié dont il était nu-propriétaire – tout en bénéficiant toujours de l’usufruit sur l’autre moitié. En revanche se pose la question d’éventuels impôts de donation, qui sont normalement appliqués en cas d’usufruit simple. En principe l’usufruit croisé est assimilé à un échange de droits, donc neutre sur le plan fiscal. Mais cette exonération n’est accordée qu’à certaines conditions, qui vont dépendre des différentes législations cantonales, comme je l’ai détaillé dans mon billet du 17 novembre 2021. Quant à la reprise d’une éventuelle hypothèque, la problématique est identique à celle qui se présente pour un conjoint survivant, qui devrait faire preuve de sa capacité de financement sur la base de ses revenus, comme je l’avais longuement détaillé dans mon billet du 7 octobre dernier J’y renvoie les lecteurs intéressés.

Donations

 On mentionnera encore la possibilité que le ou la plus riche des deux concubin(e)s fassent des donations à son compagnon ou à sa compagne. Mais ces donations sont en principe soumises à l’impôt sur les donations, qui sont très proches des impôts sur les successions, avec d’éventuelles franchises, selon les cantons, comme on peut les estimer grâce au calculateur de la Confédération. « L’idée, reprend Pascal Vorlet, serait de faire des donations régulières en dessous de la franchise. Mais cela signifie de le faire longtemps et pour des petites sommes, par exemple 10’000 francs par année dans le canton de Vaud et 5’000 francs dans le canton de Fribourg. » On notera qu’à Genève, ce seuil est fixé à 5’000 francs, non renouvelable.

L’usufruit croisé est-il toujours fiscalement avantageux en Suisse romande ?

Pour des couples de concubin(e)s qui acquièrent leur logement sous forme de copropriété, l’usufruit croisé constitue traditionnellement une option judicieuse. En effet, cela permet qu’en cas de décès de l’un des deux partenaires, l’autre puisse continuer à vivre dans le logement commun puisqu’il va recouvrer son plein droit de propriété sur la moitié dont il était nu-propriétaire – tout en bénéficiant toujours de l’usufruit sur l’autre moitié. Il peut ainsi échapper aux prétentions des héritiers bénéficiant de parts réservataires et éviter tout impôt de succession. En revanche se pose la question d’éventuels impôts de donation, qui sont normalement appliqués en cas d’usufruit simple. En principe l’usufruit croisé est assimilé à un échange de droits, donc neutre sur le plan fiscal. Mais cette exonération n’est accordée qu’à certaines conditions, qui vont dépendre des différentes législations cantonales.

Enquête sur le terrain

Chacun ou chacune peut évidemment s’adresser à l’autorité de son canton pour savoir quelles sont les règles qui s’appliqueront dans sa situation. Mais au-delà de son cas personnel, il est sans doute intéressant d’établir des comparaisons entre les pratiques entre les différents cantons. C’est pourquoi je me suis livré à une petite enquête auprès de ces fiscs cantonaux, en me limitant toutefois à la Suisse romande. J’ai posé à chaque fois les mêmes questions, notamment si la création de l’usufruit croisé pouvait donner lieu à un impôt sur les donations. Et qu’en est-il quand la valeur des usufruits s’avère inégale. Une autre question portait sur la création de l’usufruit postérieurement à celle de l’acquisition : cela pouvait-il faire une différence ?

Résultats globaux

Cette petite enquête a été réalisée auprès des autorités fiscales de Genève, du Valais, de Neuchâtel, de Fribourg et de Berne et du secteur Solutions patrimoniales de la Banque Cantonale Vaudoise pour le Canton de Vaud. Manque à l’appel le Canton du Jura pour lequel je n’ai pas obtenu de réponse. Il en ressort que l’usufruit croisé échappe à tout impôt lors de l’acquisition. Mais à condition que les parts de copropriété faisant l’objet de l’usufruit soient égales. Par ailleurs, l’usufruit croisé ne doit pas obligatoirement être créé au moment de l’acquisition pour bénéficier de cette exonération, à l’exception du Canton de Vaud. Entrons dans le détail en commençant par Genève, dont l’autorité fiscale m’a fourni le plus d’informations.

Genève

Dans le canton de Genève, l’usufruit croisé peut donner lieu à un impôt sur les donations si les valeurs attribuées ne sont pas équivalentes. Ce qui peut se produire même si les parts de copropriété s’avèrent égales, s’il existe une différence d’âge importante entre les concubin(e)s précise la Direction des personnes physiques, des titres et de l’immobilier du département des finances du Canton de Genève : « En effet, la valeur de l’usufruit (selon la Loi sur les droits d’enregistrement) pour une personne de moins de 50 ans équivaut à la moitié de la valeur de sa part alors que pour une personne de plus de 69 ans, elle équivaut à un huitième de la part. » Dans ce cas, la différence de valeur entre les deux usufruits donnerait lieu à un impôt de donation. Mais, nous précise-t-on, c’est une situation plutôt rare. Une autre situation génère des valeurs d’usufruit inégales : « Il arrive aussi que les copropriétaires n’achètent pas des parts de copropriété égales (par exemple dans un rapport d’un tiers pour deux tiers). Dans ces cas, la distorsion des valeurs attribuées génère naturellement des droits de donation qui peuvent être importants dans le cas des concubins puisqu’ils peuvent s’élever à 54,6% de la différence de valeur des usufruits échangés. »

Vaud

Dans le canton de Vaud, la grande différence par rapport aux autres cantons romands, c’est que l’exonération fiscale de l’usufruit croisé, à égalité de valeurs, n’est accordée qu’au moment de l’acquisition du bien. En revanche, si l’usufruit croisé est effectué a posteriori, il peut coûter très cher: Il est assimilé à deux donations, qui sont toutes deux soumises à l’impôt sur les donations. Il y a cependant une solution pour éviter cet impôt, c’est la vente croisée d’usufruits. Il n’agit donc plus de donations, mais d’opérations à titre onéreux. Chaque opération donne lieu à un demi-droit de mutation sur la valeur de l’usufruit de chacun des deux concubin(e)s, auquel peut s’ajouter un droit entier sur la différence éventuelle entre les deux valeurs d’usufruit. Différence qui peut provenir soit de parts de copropriété inégales et/ou de différence d’âge. Malheureusement, cette solution peut s’avérer quand même nettement plus coûteuse que le simple échange d’usufruits : en effet, la vente est susceptible de dégager un gain immobilier imposable, d’autant plus que l’opération est effectuée des années après l’acquisition du bien.

Fribourg

Dans le Canton de Fribourg, le Service cantonal des Contributions indique : « L’usufruit croisé est considéré comme un échange (transfert d’objets à titre onéreux) soumis au droit de mutation selon l’art. 18 LDMG. Selon cette disposition, en cas d’échange, les droits de mutation (3%) sont prélevés sur la valeur d’un seul des objets échangés. Si les objets n’ont pas une valeur égale, les droits de mutation seront prélevés sur la valeur la plus élevée. » Mais cette différence de valeurs éventuelle n’a aucune incidence en termes de donation : « Dès lors que l’on considère être en présence d’un échange, il n’y aura pas de donation ; aucun impôt sur les donations ne sera dès lors perçu. Il n’y aura pas d’impôt sur les donations sur la différence. »

Valais

Dans le canton du Valais, le Service des Contributions répond de la manière suivante : « En cas d’usufruit croisé, l’administration fiscale détermine la valeur capitalisée de l’usufruit constitué pour chacun des concubins en prenant en compte leur espérance de vie respective. Même si les parts de copropriété sont de valeur égale, la différence d’âge entre les concubins peut donc avoir pour effet que l’un reçoit un usufruit d’une valeur plus élevée que l’autre. Il est imposé sur la différence au taux de 25%. Ce principe est applicable que l’usufruit croisé soit créé dès l’acquisition ou plus tard. »

Neuchâtel

Le Service des Contributions du Canton de Neuchâtel indique qu’ « en cas de constitution simultanée et croisée d’usufruit il n’y aura un impôt que, en l’absence de contrat de partenariat, sur la différence de valeur des deux droits d’usufruit (cette valeur dépend du sexe et de l’âge de la/du donatrice/trice et a fortiori de la valeur du bien immobilier ». Dans le canton de Neuchâtel, cet impôt est réduit pour des couples de concubins partageant une vie commune depuis au moins 5 ans.

Berne

L’intendance des impôts du canton de Berne indique : « Au moment de la constitution de l’usufruit, les effets fiscaux varient selon que les prestations réciproques sont équivalentes ou pas. Si les deux concubins ont le même âge et que leurs parts respectives de copropriété sont de même valeur, alors leurs prestations réciproques sont équivalentes. Dans ce cas, l’impôt sur les donations n’est pas dû. En revanche, si les prestations réciproques ne sont pas équivalentes, il y a donation mixte, imposée en conséquence. » En d’autres termes, l’impôt sur les donations sera prélevé sur la différence.

Taux d’imposition cantonaux

Contrairement à la pratique fiscale de chaque canton, qu’il faut aller chercher de manière un peu laborieuse, le taux d’imposition de donation pour chaque canton et commune est extrêmement simple à obtenir. En effet, le calculateur de la Confédération fournit immédiatement cette donnée, comme j’en avais déjà parlé dans mon billet du 16 décembre 2020. En passant, ce calculateur souffre toujours d’erreurs de traduction en français. Si « Ehepartner » est correctement traduit par « conjoint(e) », « Lebens-/Konkubinatspartner » correspond dans la version francophone à « conjoint(e) ou concubin(e) ». Si l’on base sur ce calculateur, un conjoint pourrait donc être simultanément imposé sur la base de deux taux différents !

Attention à la caisse de pension

Avant d’en terminer avec la solution de l’usufruit croisé, on peut encore mentionner la mise en garde de Françoise Demierre Morand, notaire à Genève, dans le cas où une partie des fonds propres du défunt provenait de sa caisse de pension : « Si cette personne n’avait pas annoncé son compagnon ou sa compagne comme bénéficiaire en cas de décès, l’institution de prévoyance pourrait demander le remboursement des prestations qu’elle avait versées s’il n’y a pas de bénéficiaires. La situation peut s’avérer infernale ! »

 

 

 

Acheter son logement en couple pour le meilleur et pour le pire

Lorsqu’on présente le processus d’acquisition d’un bien immobilier à son propre usage, on néglige souvent le fait qu’il émane d’un couple pour la plupart du temps. Et c’est loin d’être anodin, surtout si l’on songe aux conséquences en cas de décès ou de divorce. Si l’on est dans ce cas, il est donc important de réfléchir à la forme juridique que prendra cette acquisition, que ce soit comme copropriété ou propriété commune. Le choix sur l’une ou l’autre option dépendra essentiellement du régime matrimonial qui lie les époux ou s’il s’agit de concubinage. Mais avant d’aller plus loin, il est nécessaire d’approfondir ces notions de copropriété et de propriété commune.

Copropriété

Lors de l’achat en couple dans le régime de la copropriété, chacun des deux conjoints devient propriétaire d’une part du bien immobilier, qui reste cependant indivisible. Cette part – qu’on appelle quote-part – va être inscrite dans l’acte d’achat au nom de chaque époux. Étant donné que chaque quote-part est considérée comme un bien immobilier en soi, les copropriétaires peuvent en disposer librement soit la vendre ou la mettre en gage. Ce droit est « en partie théorique », comme l’écrit la Chambre des Notaires de Genève dans un dépliant consacré à l’achat en couple, puisqu’en principe seul l’autre copropriétaire serait susceptible de racheter la part de son conjoint. À moins qu’il ne s’agisse de propriété par étages (PPE), qui constitue une forme particulière de copropriété, ou chaque copropriétaire peut facilement disposer de son logement, soit pour le vendre, le mettre en gage ou le louer.

Propriété commune

Du côté de la propriété commune, le bien immobilier reste un tout indissociable. Bien que le nom des acquéreurs figure dans l’acte d’achat, aucune part ne leur est attribuée. Le droit de propriété est donc commun et couvre la totalité du bien immobilier. Sans quote-part, il est donc impossible pour un des deux conjoints de disposer librement de son droit de propriété. On comprend donc aisément que la propriété commune n’a de sens pour les personnes mariées sous le régime de la communauté de biens, qui est devenu rare, ou pour l’acquisition en société simple, qui n’est guère habituelle.

Régime de la participation aux acquêts

Les couples mariés sous le régime de la participation aux acquêts, de loin le plus courant, choisiront « le plus souvent la forme de copropriété à parts égales, même si les apports des deux conjoints sont inégaux ». Cette égalité de quote-part est importante du point de vue psychologique, traduisant l’idée qu’il s’agit vraiment du logement familial et non pas seulement de celui du conjoint qui aura versé les fonds propres les plus importants. Cette option s’avère d’autant plus prisée qu’elle a peu d’incidence en cas de divorce. En effet, la liquidation du régime matrimonial entraînera le partage sur la base des fonds investis par chacun des deux conjoints dans le bien immobilier. Et si cet investissement a dégagé une plus-value, cette dernière sera répartie proportionnellement à l’apport de chacun des deux, et non pas sur le montant de la quote-part.

Régime de la séparation de biens

De nombreux couples mariés sous le régime de la séparation de biens optent pour les mêmes raisons psychologiques la copropriété à quotes-parts égales, quels que soient les apports de chacun des époux. Toutefois, dans ce cadre, celui ou celle qui aurait le plus investi dans le bien pourrait être pénalisé en cas de divorce. Car contrairement à la participation aux acquêts, il n’y a pas de partage de biens puisqu’ils ont toujours été séparés. Pour illustrer ce mécanisme, la Chambre des Notaires présente le cas suivant de l’époux qui contribue à 70% de l’achat du logement. En cas de divorce, celui-ci ne pourrait profiter de la plus-value éventuelle dégagée par les 20 points de pourcentage qu’il a investis en sus de l’apport effectif de son ex-conjoint. Mais cela pourrait s’avérer pire encore, en se voyant opposer « l’idée que l’avance était en fait une donation, donc non récupérable. »

Corrections

Dans cette perspective, on s’explique alors mal le choix de couples mariés sous le régime de la séparation de biens dont le but est justement d’éviter tout partage lors de la liquidation du régime matrimonial. Mais on peut heureusement corriger cette faiblesse avec différents moyens que détaille la Chambre des Notaires : « en fixant expressément les modalités d’un prêt entre époux ; en adoptant la forme de la copropriété proportionnelles aux apports ; voire en acquérant l’objet en société simple entre époux. »

Concubinage

Pour les couples de concubin(e)s, leur situation s’apparente à celle des conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens, puisque les patrimoines restent séparés. En revanche, en cas décès, il en va tout autrement : contrairement aux conjoints mariés, quel que soit le régime matrimonial, les concubin(e)s ne sont jamais héritiers légaux l’un de l’autre. En d’autres termes, le survivant n’héritera pas de son compagnon ou compagne, à moins de figurer dans le testament de ce dernier ou dernière. En outre, la part qui pourrait lui être attribuée s’avérera très réduite s’il existe des héritiers bénéficiant de parts réservataires, en particulier des descendants du défunt. Enfin, le concubin(e) ne pourra échapper à des impôts de succession, plutôt élevés, qui diffèrent selon les cantons

Usufruit croisé

Il existe cependant un moyen très simple pour pallier ces deux inconvénients afin de permettre au partenaire survivant de pouvoir continuer à habiter le logement – ou le louer – sans craindre les prétentions d’héritiers réservataires et d’échapper à tout impôt de succession lié au bien immobilier. Il s’agit de choisir la copropriété avec usufruit croisé au moment de l’acquisition. En d’autres termes, en cas de décès d’un des concubin(e)s, l’autre continue de bénéficier de son droit de propriété sur la moitié du logement et de l’usufruit sur l’autre moitié. Il n’y a donc aucun processus de succession sur le bien immobilier, donc pas d’héritiers, ni impôt à ce moment-là, comme c’est en principe le cas dans la totalité des cantons de Suisse romande lorsque la valeur capitalisée des usufruits s’avère égale. Mais, comme chaque canton est souverain en la matière et n’applique pas forcément les mêmes règles. il est nécessaire d’aller sur le terrain pour s’en assurer et détailler dans quelles conditions l’exonération est plus ou moins totale. Le résultat de cette enquête fera l’objet de mon prochain article de blog.