Les banques créent-elles de la monnaie à partir de rien ?

 

Il y a encore quelques mois, il était difficile d’imaginer que l’initiative Monnaie pleine, soumise à votation le 10 juin, puisse susciter des débats aussi vifs que ceux auxquels on a assisté mercredi dernier lors de la dernière émission d’Infrarouge. On rappellera que l’idée de base est d’empêcher les banques de faire de la création monétaire en accordant des crédits. La tension était d’autant plus forte qu’au-delà de l’initiative elle-même, les participants ne parvenaient pas à s’entendre sur le fonctionnement de notre système monétaire. Ainsi, Jean-Pierre Heim, le coordinateur romand du comité d’initiative, affirmait que les banques faisaient de la création monétaire à partir de rien, par un simple jeu d’écriture. Affirmation suscitant la réaction outrée de Michel Juvet, associé de la banque Bordier, qui mettait notamment en avant les contraintes législatives imposées aux banques, tel le ratio de liquidité, de fonds propres ou de levier.

Les crédits font les dépôts

Essayons d’y voir plus clair. Dans ce but, on peut se tourner vers le site très pédagogique de La finance pour tous* semblant donner raison aux partisans de l’initiative : «En accordant un crédit, la banque crédite du même montant le compte de dépôt de l’emprunteur. Elle réalise pour cela une simple écriture comptable. La banque vient de créer de la monnaie.(…) Une fois crédité sur son compte, l’emprunteur pourra l’utiliser pour payer ses fournisseurs ou le bien qu’il souhaite acheter grâce au crédit. On dit alors que “les crédits font les dépôts”.»

 Les banques font de la transformation

Mais cette écriture comptable n’est que la partie émergée de l’iceberg, car la banque doit pouvoir face à ses engagements, en faisant de la gestion actif-passif : «Les dépôts collectés par les banques sont liquides à court terme, alors que les prêts qu’elles accordent sont à plus long terme et illiquides. On dit que les banques font de la transformation. Comme une banque doit faire face à ses engagements, elle doit gérer cette asymétrie entre l’actif et le passif de son bilan en ayant continuellement les ressources suffisantes pour faire face aux décaissements sur les dépôts de ses clients. S’ajoutent les risques pris sur les crédits qui peuvent se traduire en pertes sèches, correspondant au montant du capital non remboursé, beaucoup plus important que les bénéfices d’un emprunt non remboursé.»

Les dépôts et les fonds propres font les crédits

Les banques peuvent-elles prêter sans limites ? Réponse : «La Banque centrale va limiter le volume de crédits afin de tenir ses objectifs de stabilité des prix mais aussi de stabilité du système financier. Pour maîtriser l’inflation, la Banque centrale va réguler indirectement la quantité de monnaie en circulation dans l’économie en agissant sur les taux directeurs qui sont les taux auxquels les banques peuvent venir se refinancer. (…) La Banque centrale va aussi utiliser le levier réglementaire mais davantage pour garantir la pérennité du système bancaire. Elle va ainsi fixer les règles de prudence. En particulier, les banques doivent détenir un montant de fonds propres proportionnel aux risques des crédits accordés. La création monétaire des banques doit donc s’accompagner d’un renforcement de leur capital. Elles doivent aussi détenir un montant minimum dans un compte à la Banque Centrale qui est proportionnel aux dépôts. C’est pour cette raison, que l’on peut aussi dire que “les dépôts font les crédits”. On peut même ajouter depuis que la réglementation internationale s’est attachée à amener les banques à renforcer leurs fonds propres que “les dépôts et les fonds propres font les crédits”.»

Système pas infaillible

 Si l’on suit ce raisonnement, on est obligé de rejeter l’idée que la création monétaire par les banques repose sur du vent ! Ce qui n’empêche pas les dérapages de temps à autre car le système n’est pas infaillible. Mais c’est là une autre question.

*La finance pour tous est L’Institut pour l’Éducation Financière du Public (IEFP) est une association d’intérêt général indépendante, soutenue par la Banque de France, l’Autorité des Marchés Financiers, la Fédération Bancaire Française, ainsi que de grands établissements financiers.

 

La loi sur l’énergie est-elle une usine à gaz ?

Pour Doris Leuthard, la votation du 21 mai s’annonce sous les meilleurs auspices (Source : DETEC)

 

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’envie (ou le courage) d’assister au duel Le Pen – Macron mercredi soir, mais qui sont pénétrés par leur devoir de citoyen, Infrarouge leur offrait un débat sur la prochaine loi sur l’énergie. Loi qui sera soumise à votation le 21 mai prochain.

Un projet complexe

Un tel débat s’avérait d’autant plus utile qu’il faut faire preuve de beaucoup d’abnégation pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants de cette nouvelle loi qui a suscité le lancement du référendum. Sur le papier, le projet paraît bien tenir la route, mais serait grevé de défauts aux effets particulièrement pervers selon ses détracteurs, aux considérations souvent divergentes : l’énergie deviendrait hors de prix ; les éoliennes défigurent le paysage ; la bureaucratie va proliférer et les interdictions s’accumuler ; enfin, il faudrait s’attendre à des perte d’emplois et à la baisse du niveau de vie.

Comment se forger une opinion ?

Au cours de ce débat télévisuel, auquel participait Doris Leuthard, notre sémillante ministre de l’Énergie et présidente de la Confédération, les échanges s’avéraient nourris, voire tendus. Au terme de cette émission, on restait cependant sur sa faim car il est très difficile de se forger une opinion si l’on n’est pas un spécialiste pour décortiquer les arguments de chacun. Comment juger s’il s’agit d’une usine à gaz, comme le laisse entendre ses détracteurs, ou d’un système sophistiqué répondant à une problématique complexe ? Même si certaines critiques paraissent pertinentes, est-ce que cela justifierait de renvoyer l’ensemble du paquet ? La question reste ouverte.

Les prises de position des partis

Évidemment, cette votation n’a pas lieu dans le vide : pour s’orienter, les citoyens de ce pays regardent comme d’habitude les prises de position des partis et associations qui semblent le mieux correspondre à leur vision du monde. Ce que confirme d’ailleurs le sondage publié par Tamedia le 28 avril, qui montre que 55% des personnes interrogées sont certainement ou plutôt favorables au projet, contre 42% certainement ou plutôt défavorables. La ligne de partage est assez claire, puisque les électeurs des Verts, des Vert’libéraux et du PS sont largement favorables, un peu moins pour le PDC, tandis que les électeurs de l’UDC y sont largement opposés. Quant au PLR, les partisans de la nouvelle révision sont faiblement majoritaires.

Motivation des intentions de vote

Ces chiffres prennent d’autant plus de sens si on met en parallèle les arguments qui militent en faveur de l’acceptation ou du rejet. Pour deux tiers des personnes sondées, l’argument en faveur de la loi est que les énergies renouvelables protègent le climat. En revanche, pour 37% des opposants, le souci de l’approvisionnement en énergie et pour 23% l’argument principal serait l’augmentation considérable du tarif de l’électricité.

Les sondeurs mettent en évidence l’exceptionnelle stabilité des intentions de vote par rapport au sondage précédent. Ce qu’on peut facilement expliquer par le fait qu’on oppose des points de vue profondément ancrés dans les esprits et qui ne pourraient être remis en question que par des chocs émotionnels balayant tout autre argument rationnel. Mais la ficelle ne doit pas être trop grosse. Et l’on peut douter que des arguments aussi subtils que la menace de douche froide au coût de 3’200 francs, comme on peut le voir sur des affiches publiques, puissent vraiment refroidir les ardeurs des partisans de la réforme, surtout soucieux de la protection de l’environnement. Madame Leuthard semble donc assurée de la victoire.