C’est avec stupéfaction que j’ai découvert l’excellent reportage d’Artidë Shabani et de Laurent Nègre, intitulé Suisse-Kosovo, le dur retour des retraités, dans l’émission Temps Présent de jeudi dernier. On y découvrait que des travailleurs retraités du Kosovo qui avaient cotisé pendant de longues années à l’AVS n’avaient finalement droit à aucune rente et se retrouvaient ainsi en proie à de graves difficultés financières.
Pas de convention, pas de rentes !
Petit retour en arrière pour comprendre cette situation ubuesque. En fait, contrairement aux citoyens suisses, les ressortissants étrangers qui quittent notre pays n’ont droit aux versements de leurs rentes AVS-AI et autres prestations du premier pilier, que s’ils sont citoyens d’un pays qui a signé une convention de sécurité sociale avec la Suisse. Or une telle convention existait avec le Kosovo jusqu’en 2010, année où elle a été suspendue. Décision motivée par quelques cas d’abus et par une situation administrative compliquée dans l’Etat nouveau-né. Donc, plus de convention, plus de versement de rentes !
Remboursement des cotisations ?
A priori, cette suspension ne paraît pas trop grave dans la mesure où ces assurés peuvent demander le remboursement des cotisations payées. Mais ce serait oublier le caractère fortement redistributif de l’AVS : ces travailleurs du Kosovo, venus effectuer les travaux les plus pénibles dans notre pays, auraient dû bénéficier de rentes AVS et AI élevées par rapport au montant de leurs cotisations. Si l’on prend une espérance de vie moyenne, ces retraités sont donc les grands perdants de cette décision administrative. C’est d’autant plus cruel que ces personnes ne coûtaient déjà pas tellement chers à la Suisse puisque malgré leurs maigres ressources, ils n’émargeaient pas aux prestations complémentaires, réservés aux personnes résidant en Suisse.
Rentes perdues ?
Finalement, comme on l’apprend à la fin du reportage, une nouvelle convention de sécurité sociale a été signée en juin 2018 entre les deux pays. Mais il faudra attendre la ratification par les deux parlements respectifs pour qu’elle entre en vigueur. Procédure qui peut prendre encore une année et demie. Tout est bien qui finit bien ? Pas tout à fait ! En effet, que deviennent les rentes qui n’auront pas été versées pendant 10 ans ? À cette question posée par notre consœur à un responsable de l’administration fédérale, la réponse est limpide : l’argent va rester dans les caisses de l’AVS ! En effet, puisqu’il n’y avait aucune convention, aucune rente n’est due pour cette période.
Punition collective
Légalement, la position de l’administration est sans doute imparable. Mais, sur le plan humain, c’est révoltant. Car on pénalise collectivement un groupe de personnes qui ne portent aucune responsabilité dans cette affaire. Qu’auraient-ils pu faire ? On sait qu’il est nécessaire d’assainir l’AVS, mais pas de cette manière !