No dreams, Zachariah

J’ai deux manières d’écouter de la musique: chez moi, ou en déplacement. En déplacement, c’est assez simple: je glisse dans mon iPhone les dernières musiques que j’ai achetées ou qu’on m’a envoyées, et je les écoute à pleins tubes au casque: dans la rue, dans le bus, dans le train, ou pendant que je fais mes courses et que je dégaine ma supercard de la Coop pour la montrer à la caisse non vivante… Mais à chaque fois dans le plus pur respect de la chronologie: un album après l’autre, et un titre après l’autre au sein de chaque album. Mécanique, me direz-vous. Peut-être un peu trop d’ailleurs – j’angoisse quand je me rends compte, après l’avoir arrêté, que mon smartphone n’a pas enregistré à la seconde près le moment où j’ai appuyé sur “PAUSE”.

A la maison, c’est tout différent: random général sur tout ce que contient mon disque dur externe. Je passe cinquante fois par jour du black metal écossais à la noise algérienne; de Josquin Desprez à Justin Broadrick; de Bach à Laibach. Ce grand vortex me donne l’impression d’être un obsessionnel du compromis. Mais il me permet aussi de passer par des carambolages sublimes – et d’élaborer d’étonnants cousinages.

Tenez, au niveau des voix. En voici deux qu’a priori on n’aurait pas associées. Premièrement: David Yow, chanteur de Jesus Lizard, dans «Zachariah» (sur Liar, Touch & Go, 1992):

Il est sorti mardi matin de mes enceintes. Juste ensuite a déboulé Charlie Looker, chanteur d’Extra Life, dans «No Dreams Tonight» (sur Dream Seeds, Northern Spy, 2012):

La succession des ces deux formidables mélismes (rocailleux chez Yow, médusant chez Looker) dans des contextes génériques parfaitement différents (rock cramé vs folk blême) a failli me faire lâcher ma tasse de café (il était 8h20). Si l’émotion était une quantité, je me suis alors dit qu’on serait entre eux dans une parfaite équivalence. Ce coup du sort m’a surtout conforté dans un des plus anciens enseignements musicaux que je me suis inculqués: regarde pas (trop) d’où ça vient, encaisse plutôt ce que ça te fait.

Si j’étais chez vous, je partirais:

Vous trouverez une sélection de concerts dans les notules que je livre, chaque samedi, pour la page Passe-Temps du supplément culturel du Temps. Voici quelques autres idées encore pour les jours à venir:

Vendredi 27 janvier:

-> Honey For Petzi & Svarts (Bikini Test, La Chaux-de-Fonds)

-> Massicot & Ensemble Contrechamps (Le Garage, Lausanne; le lendemain  à l’ABC de La Chaux-de-Fonds, le dimanche au Victoria Hall de Genève)

Samedi 28 janvier:

-> Hemlock Smith feat. Emilie Roulet & 17F (Bout du Monde, Vevey)

-> Katalin Ladik & Jacques Demierre (Pavillon ADC, Genève)

Lundi 30 janvier:

-> The Ocean & Abraham (Fri-Son, Fribourg)

Jeudi 2 février

-> Asmâa Hamzaoui (Le Rez, Genève)

-> L’Orchidée cosmique (Cylure, Lausanne)

Vendredi 3 février:

-> Yvan Etienne (Cinéma Bellevaux, Lausanne)


Une mixtape pour la route?

Vous trouverez ici quelques sons qui m’ont accroché l’oreille dans les derniers jours. Cette fois-ci: Sinner DC, Erik Blennow Calälv / Lisa Ullén / Finn Loxbo / Ryan Packard, Pizza Noise Mafia, MNMM, µ-Ziq, Yiorgos Tsanakas, Morphine, Akkord, Shadowhuntaz & Kareem, Kali Malone (featuring Stephen O’Malley & Lucy Railton).

 

Philippe Simon

Philippe Simon est chef d'édition au «Temps» et Dr ès Lettres de l'Université de Genève, spécialiste de Rabelais et des littératures de la Renaissance. En marge de cela, il se passionne pour les musiques singulières, curieuses, aventureuses – tous styles confondus. C'est de ces sons qu'on n'entend guère qu'il va vous parler ici.