C’est entendu, l’IA fait de la musique. Je ne sais pas comment ça fonctionne dans le détail, je n’ai aucune compétence en la matière. Je me contente d’écouter ces productions et de laisser mon cerveau se brancher sur des sentiments parfaitement opposés. Un peu d’angoisse tout d’abord, dont j’imagine qu’elle repose sur la notion d’indistinction: qu’est-ce qui est humain (ou simplement vivant) et qu’est-ce qui ne l’est pas? Comment se débrouiller pour parvenir malgré tout à faire cette distinction? Une musique dont l’origine serait parfaitement indécidable devient monstrueuse au sens propre: elle engage l’interprétation vers un métabolisme paradoxal, vers quelque chose dont on ne sait si c’est inerte ou non, mort ou vif – ou les deux à la fois.
A vrai dire, on n’en est pas encore là. Les chansonnettes créées par Jukebox (OpenAI) ou MusicLM (Google) sont encore sacrément brutes de décoffrage. C’est là que mon cerveau se branche à l’autre sentiment, qui pourrait être décrit par le mélange des mots suivants: rire / étrangeté / exotisme / stupéfaction. Peut-être faudrait-il que je fasse, un moment, semblant de prendre l’IA pour un être humain: si elle l’était, je dirais que sa manière de créer a quelque chose de l’art brut – c’est incongru, incorrect, déphasé, perturbant; ça emprunte des voies de traverse très peu carrossables; ça prend des éléments épars et ça les rassemble au rebours du sens commun.
Il se trouve que je ne suis pas le seul à être interloqué. Ecoutez ceci…
C’est même plutôt le contraire: il produit un surplus d’étrangeté. Je vous laisse vous balader chez Jukebox, c’est un fourre-tout d’ersatz de styles divers. Tenez, voici un Bowie de synthèse (déjà assez ancien):
Oui, ça fait un peu mal, on est d’accord. Chez le concurrent Google, on a imaginé les choses un peu différemment, pour des résultats pas moins bizarres. Le résumé de l’opération est le suivant: «Nous présentons MusicLM, un modèle générant de la musique haute-fidélité à partir de descriptions textuelles telles que “une mélodie de violon apaisante soutenue par un riff de guitare distordu”.» On donnera un bon point dans la mesure où il ne s’agit plus ici de faire du pastiche, mais de tenter des transcriptions d’un langage vers un autre. Et, je suis bien forcé de l’avouer, il existe une application assez foutraque, qui «traduit» des tableaux en musique à partir de la description des toiles. C’est parfois du grand n’importe quoi («La Danse» de Matisse en ritournelle electro, c’est très moyen); mais le rendu du «Guernica» de Picasso sur des tons presque dark ambient est très étonnant.
Si j’étais chez vous, je partirais:
Vous trouverez une sélection de concerts dans les notules que je livre, chaque samedi, pour la page Passe-Temps du supplément culturel du Temps. Voici quelques autres idées encore pour les jours à venir:
Jeudi 2:
-> Tout Bleu (Le Salopard, Bienne; puis le 4 au Café Kairo, Berne; et le 5 au Bruit Rose, Fribourg)
Vendredi 3:
-> Loscil (Amalgame, Yverdon)
Samedi 4:
-> Robert Henke (Dampfzentrale, Berne)
-> Srip & Vdot (Urgence Disk, Genève)
-> Schnellertollermeier (Théâtre de l’Echandole, Yverdon)
Lundi 6:
-> E-L-R (Bad Bonn, Guin)
-> The Monsters (PTR, Genève)
Mardi 7:
-> Tio Madrona (Urgence Disk, Genève)
Jeudi 9:
-> The Gaslamp Killer (Gannet, Bâle)
Vendredi 10:
-> Eugene Chadbourne (Point 11, Sion; puis le 14 chez Bongo Joe, Genève; et enfin le 15 à la Collection de l’art brut, Lausanne)
Une mixtape pour la route?
Vous trouverez ici quelques sons qui m’ont accroché l’oreille dans les derniers jours. Cette fois-ci: Asher Tuil, Oddatee, Hundschopf, Gorgonn, Corrosion of Conformity, JFK & The Grey Wolves, Saint Vitus, Fret, Cabaret Voltaire, Glorious Home, Blackwood, FaUSt feat. Keiji Haino.