Mario, Valérie, Massimo, Stéphane et Hélène font vibrer le bassin méditerranéen en Suisse romande. Fronda, leur ensemble, offre une musique sacrée qui ne dit pas son nom.
Revisitées par les cinq artistes de Fronda (www.fronda.ch), les musiques populaires du Sud de l’Italie et du bassin méditerranéen ont un parfum d’universalité. Par son fougueux ou tendre violon, son accordéon envoûtant, sa guitare et son bouzouki apaisants et ses voix prenantes, tous portés par le rythme de la tammora, ce quintette de troubadours nous invite au voyage. Non seulement pour aller à la rencontre d’autres cultures mais surtout pour aller à la rencontre de nous-mêmes, dans une énergie qui part des tréfonds de la Terre pour chatouiller les étoiles.
Fronda, ce sont en italien ces petites pousses qui dansent avec le vent, à l’extrémité des branches des oliviers tout en haut desquels se hissait l’enfant Mario, qui deviendra l’initiateur de l’ensemble musical. Il avait alors une vue imprenable sur les paysages de sa région natale, les Pouilles, fasciné par les chants des paysans lors des récoltes. Fronda, c’est aussi la fronde de cet adolescent rebelle et fugueur, qui finit par gagner la Suisse où ont immigré son père entrepreneur et son grand frère. Installé pour de bon en 1977 après quelques aller-retour, Mario vit de petits boulots, de la maçonnerie à la plonge. Mais sa raison de vivre, c’est la musique et notamment la guitare dont il perfectionne la maîtrise au conservatoire de Vevey. Sur la Riviera vaudoise, il invite des musiciens italiens qui lui rappellent ses racines. Ce ne sont pas celles de la nostalgie, ce sont celles du partage, ici et maintenant. Après cinq ans de germination, les premiers bourgeons de Fronda éclosent en 2019. Valérie, Massimo, Stéphane et Hélène ont rejoint Mario. Voici venu le temps de la pleine frondaison.
Rencontres et germination
Tout a vraiment commencé avec Valérie Bernard, qui enseigne le violon au conservatoire cantonal du Valais. A l’occasion d’un concert donné par un groupe que Mario Ciurlia a fait venir de Vénétie, la violoniste se met à improviser sur une pizzica. Musique et danse thérapeutiques de mise en transe, la pizzica, dérivée de la tarentelle, avait vocation de guérir des personnes atteintes de maux insondables, qui n’étaient pas nécessairement causés par une morsure de tarentule ! Très pratiquée jusque dans les années 1930, cette thérapie du son et du geste est tombée dans l’oubli sans jamais pour autant disparaître. Quelque temps après cette improvisation inattendue, Mario invite Valérie à jouer dans sa cuisine, l’accompagnant de son bouzouki, sorte de luth. « Génial comme tu joues », lui dit-il. Piqué au vif par son talent, il finit par persuader la violoniste de fonder un nouveau groupe.
Puis ce sera au tour de Stéphane Plouvin de séduire Mario avec son accordéon et « son style bien à lui teinté de jazz manouche ». Avec une âme de compositeur, Stéphane enseigne l’accordéon au sein de l’école de musique Alain Boullard, à Morges. Ensuite Mario fait appel à Massimo Laguardia, percussionniste renommé qui enseigne notamment le tambourin et la tammora aux Ateliers d’ethnomusicologie, à Genève. « Avec une peau et des cymbales, Massimo produit une infinité de sons », s’enthousiasme Hélène Pelourdeau, chanteuse lyrique et la dernière à avoir intégré l’ensemble.
C’est en voyant Hélène tenir le rôle d’Ellida dans La Dame de la mer d’après Henrick Ibsen, drame lyrique de René Falquet donné à l’Oriental à Vevey en octobre 2018, que Mario tombe sous le charme. « Une star avec une voix aussi magnifique ne va jamais vouloir jouer avec nous ! », pense-t-il alors. Mais Hélène, qui enseigne le chant comme indépendante ainsi qu’à l’École de musique de Lausanne, est en quête d’un plus-être authentique dans son art. Initiée à l’ethnomusicologie à la Sorbonne ainsi qu’à la tradition orale, elle répond sans hésiter « j’arrive !» quand, de retour d’un bref voyage de perfectionnement en Norvège, elle reçoit sur son portable le message « wanted » envoyé par Valérie.
Âmes de chercheurs
Venant d’horizons aussi divers que leurs âges – de 36 à 65 ans –, les cinq troubadours se sont donc retrouvés dans leur âme collective de chercheurs. Et aussi de guérisseurs, bien qu’ils ne le revendiquent pas. Mais leur musique et leur chant sont source d’une joie revitalisante qui chasse bien des maux engendrés par la peur et le désespoir ambiants. Qui plus est, quand Valérie transforme l’un des caprices pour violon solo de Paganini en tarentelle, on se dit qu’à l’instar de la future humanité, la vraie musique n’a décidément pas de frontière.
Après avoir donné une bonne dizaine de représentations en Suisse romande depuis 2019, Fronda est aujourd’hui, comme tous les artistes, plongée dans l’incertitude d’une pandémie qui n’en finit plus. Mais création et répétitions se poursuivent. Si les pizzica ont une bonne place dans le répertoire, ce dernier s’enrichit d’autres univers. Même la musique dite contemporaine s’invite parfois dans une pièce, comme une nouvelle couleur qui vient enrichir la palette harmonique. « Vivre intensément l’instant présent, lâcher pour écouter l’autre », souligne Mario. « Un geste qui relie le ciel et la terre et qui nous relie », poursuit Hélène.
Wagons vides
Dans son épicerie fine qu’il a ouverte en 2005 à Vevey, Mario met notamment ses talents de pâtissier, une formation de jeunesse, au service de sa clientèle. Père de trois enfants, il tient par-dessus tout à ce que personne dans le groupe ne se prenne pour une vedette. « Le nom de Fronda, c’est le groupe qui l’a choisi, pas moi tout seul », insiste-t-il. Et de poursuivre : « A chaque spectateur, nous offrons des wagons vides dans lesquels ces derniers sont invités à monter pour se laisser surprendre ».
A un public que le covid-19 prive d’art et de culture, Fronda propose des concerts privés, une pratique qui devrait se développer. Projetant par ailleurs d’acquérir un bus, la troupe envisage de parcourir villes et villages en semant des moments enchanteurs. Et aussi en donnant à son emblème l’olivier, aux prises avec une bactérie tueuse, la force de résister et de vivre. Hélène de conclure : « Pour faire du bien à la Terre ». (Paru dans L’Écho Magazine du 10 février 2021)
Charmant autant qu’enthousiasmant.
Si j’étais Jeff Bezos, leur disque serait déjà en cours, mais comme je ne le suis heureusement pas, je vais essayer de me souvenir de leur IBAN, lors d’une prochaine connection 🙂
Cher monsieur, je vous remercie infiniment pour votre commentaire et votre intention du souvenir…. Nous sommes effectivement à la recherche de fonds pour notre disque ! À votre bon cœur…
Très chaleureusement. Hélène, chanteuse de Fronda
Appelez moi Olivier, chère Hélène.
Mais vous savez en parlant de Jeff Bezos, il y a quelques années, il demandait des idées et je lui en ai soumise une.
Ni quittance, ni merci, mais il ne faut jamais désespérer, en le citant, qui sait ?
Ces gens là commencent à craindre pour leur peau, alors, une petite aide pour vous, un disque CHF 50’000.- peut-être?
Sur le web, on n’a pas idée des fois. Bonne chance, mon obole sera de peu d’importance, mais si je puis…!
🙂