Les élections se suivent dans le monde comme un rituel immuable auquel de moins en moins de gens semblent croire. Même en Occident, le berceau de ces démocraties représentatives que l’histoire a érigées en viatique de la stabilité des Etats libéraux et sociaux nés après la Guerre mondiale. Pourtant, c’est, heureusement, toujours des urnes que l’on espère un salut aux problèmes du moment, dans des processus démocratiques plus ou moins bien assimilée selon les régions du globe. La République du Congo, qui n’a jamais connu de changement de gouvernement par la voie pacifique des élections, n’échappe à la règle.
Un scrutin essentiel vient justement de s’y dérouler, dans un clame très relatif et, comme on pouvait s’y attendre, les résultats, à peine proclamés, ont fait l’objet d’une importante contestation. Le vainqueur ne serait pas celui que les citoyens congolais auraient voulu voir débarquer dans le palais présidentiel. Déclaré élu, Félix Tshisekedi aurait profité de son alliance, de dernière minute mais aussi entourée de non-dits suspects, avec le président sortant Joseph Kabila, qui avait fini par comprendre qu’une énième manœuvre pour tenter de de s’accrocher au pouvoir risquait de livrer son pays aux démons de la guerre civile.
C’est possible. Après avoir abandonné la coalition qu’il avait créée avec les autres opposants à Kabila, Tshisekedi s’était empressé de donner des gages au pouvoir en place, gages qu’il a réitérés une fois sa victoire enregistrée, à défaut d’être validée vu le recours pendant devant la cour constitutionnelle. Ainsi n’a-t-il pas hésité à rassurer l’ancien président sur son avenir au Congo et, mieux encore, a déjà fait savoir qu’il se verrait bien lui confier des missions diplomatiques au nom du futur gouvernement. Se concrétisait ainsi la délétère impression que Kabila, comme l’ont relevé maints spécialistes, était sur le point de conserver les leviers centraux du pays.
Une autre analyse, plus iconoclaste sans doute, peut cependant être proposée, même si elle n’invalide pas les observations communément admises. On a souligné qu’il s’agissait de la première transition démocratique que vivait le Congo. Peut-on légitiment imaginer que, dans un cas pareil, un régime déchu va regagner paisiblement les bancs de l’opposition en attendant la prochaine session parlementaire pour asséner tout le mal qu’il pense de son successeur ? C’est illusoire : l’histoire regorge d’exemples de transitions ratées au nom de vains espoirs nourris par les mécanismes occidentaux polis par la longue durée… et par l’évidence de ces alternances qui font le quotidien politique dans nos contrées.
Benjamin Constant avait compris le premier, dès le début du XIXème siècle, la nécessité de prévoir une place pour les représentants du régime monarchique, afin de les rassurer quant à leur sécurité… et de les empêcher de nuire. Rêver d’une transition efficace au Congo sans un arrangement entre ancien et nouveau régime (et sans entrer en matière ici sur la légalité du dépouillement) relève du pur fantasme. Dans tous les cas de figure, la démocratie a besoin de stabilité et l’Afrique, hélas, n’est pas avare d’exemples où derrière la façade électorale, les luttes claniques continuent de se jouer, sans égard pour le bien commun.
Le Chili et l’Afrique du Sud ont, en revanche, montré le chemin à suivre. Le premier est devenu une démocratie modèle et prospère en Amérique du Sud parce qu’un compromis, moralement peu glorieux peut-être mais judicieux sur le plan pratique, avait été conclu avec les partisans de Pinochet au moment où il a quitté le pouvoir. De même, c’est l’accord historique entre Mandela et le régime de l’apartheid qui a évité à son pays de sombrer ans le chaos. Alors assurément les courbettes dont de fend le vainqueur des élections devant l’ancien président n’annoncent-elles rien de bon. Mais il sera intéressant de scruter l’évolution de la situation au Congo aussi à travers le prisme d’une intégration de l’ancien dans le nouveau au nom d’une transition démocratique stable, et dans une coopération inédite entre camps opposés.
Votre analyse est plus que pertinente. Toutefois, il me semble que vous omettez une donnée essentielle dans cette problématique “démocratique”:
Soit la richesse en matières premières du bassin du Congo, au profit de quelques multis et de gouvernants corrompus.
(d’où l’interaction de l’ancien colonisateur + France +US, la remarque est valable pour tout le tiers monde).
On peut même faire la même analogie avec les Gilets Jaunes, qui ne font que se révolter contre l’accaparement des richesses par une minorité.
Et tout ça n’a rien à voir avec une sémantique obsolète de gauche ou droite.
Sinon avec un pragmatisme politique nécessaire, que ce soit en France ou en Afrique, mais là, le niveau “démocratique” n’est pas le même, d’où sans doute, beaucoup de confusions.
P.S. Pour autant que je sache et malheureusement, l’Afrique du Sud a déjà beaucoup perdu de l’apport génial de Mandela et retrouve ses vieux démons.
Bonjour,
Vous avez raison: cette mainmise des puissances extérieures sur les ressources de l’Afrique n’aide pas ce continent à prendre un nouveau départ. Mais il faut reconnaître aussi, hélas, que l’Afrique ne s’aide pas non plus elle-même, au contraire des pays asiatiques qui ont eux aussi été colonisés (à part la Thäilande) et qui ont trouvé leur propre modèle de développement, même s’il na pas été toujours démocratique… Pragmatisme… Et, oui, votre observation relativement à l’Afrique de Sud est malheureusement parfaitement exacte!