Traitement du bois et pesticides

Dans mon dernier article, je vous parlais de notre découverte, un peu par hasard, de l’usage des pesticides dans les peintures pour bâtiments.

A la suite de ces études, nous nous sommes penchés sur d’autres matériaux de construction. L’un d’entre eux nous semblait évident…le bois.

Pour ne pas pourrir trop vite, le bois doit être protégé contre les champignons et les insectes. La plupart des traitements sont à base de pesticides utilisés comme biocides (insecticides, fongicides, algicides, etc. voir article précédent). Le bois peut être imprégné avec ces produits ou il peut être peint. L’imprégnation se fait en général en scierie. Il y a deux procédés possibles: (1) le procédé en autoclave qui permet de protéger le bois jusqu’au centre de la pièce et (2) le procédé par trempage qui ne protège le bois que sur les premières couches. L’application externe, en revanche, se fait généralement avant la pose ou lorsque la pièce est en place.

Comme dans le cas des peintures, les substances utilisées peuvent être lessivées par les pluies et finir dans les lacs et les cours d’eau.

En 2008, nous avions essayé d’évaluer quelles étaient les pesticides les plus couramment utilisés pour protéger le bois, et quel pouvait être leur impact sur l’environnement. En effet, comme je l’avais également déjà mentionné dans plusieurs articles, il n’existe pas de liste des substances chimiques utilisées pour les différents usages. La démarche consiste donc à répertorier tout ce qui pourrait être potentiellement utilisé.

Nous nous sommes basés sur un “répertoire des produits utilisés pour le traitement du bois”, répertoire publié par l’Office fédérale de l’environnement en 2008. Cette liste contenait 308 produits homologués (qui peuvent être mis sur le marché) et nous avons relevé 51 substances actives.

Parmi elles, 9 substances organiques de synthèse ont une toxicité très élevée. Il s’agit principalement de fongicides comme le propiconazole ou le carbendazime, ou encore d’insecticides neurotoxiques comme la permethrine.

Des molécules inorganiques comme le chrome ou plus communément le cuivres sont également inclues dans la liste. C’est d’ailleurs le cuivre qui colore en vert certaines pièces de bois que l’on peut acheter dans le commerce.

Tout cela reste cependant très théorique. Ce sont des substances que l’on retrouve dans des produits pour traiter de le bois, mais nous n’avons aucune idée lesquelles sont réellement utilisées et dans quelle quantité.

Cependant, il faut savoir que les fongicides et les insecticides cités ci-dessus sont régulièrement détectés dans les eaux de surface. Bien sûr, difficile de déterminer quelle est la part due à l’agriculture et celle due au traitement du bois.

Toutefois, de manière intéressante, les fongicides propiconazole et carbendazime sont régulièrement mesurés dans les eaux des stations d’épuration. Ils ont donc une source urbaine qui pourrait, en partie, être liée au traitement du bois.

En 2008, un étudiant de l’Université de Franche-Comté s’était penché sur les effets des substances utilisées pour le traitement du bois (fongicides et insecticides) en aval d’une scierie. Il avait montré que non seulement ces substances se retrouvaient dans l’eau de la rivière proche de la scierie, mais qu’on les détectait aussi dans les sédiments sur au moins 2km en aval. L’entrainement se faisait principalement lors des pluies. Il a également montré que ces substances, en particulier les insecticides, avaient un impact non négligeable sur les communautés d’invertébrés vivant dans ce milieu.

Que conclure de tout cela?

Ces exemples montrent que les sources de pesticides sont beaucoup plus variées que ce que l’on peut imaginer au premier abord. Et les sources non agricoles semblent bien contribuer de manière significative à la pollution des eaux, ceci au moins localement. Malheureusement, il n’existe pas de liste des différents usages pour ces substances chimiques. Et sans cela, nous continuerons de trouver, un peu par hasard, des sources inattendues.

 

Références:

Kleijer A, Chèvre N, Burkhardt M. 2008. Biocides et protection du bois. Liste des substances chimiques à surveiller. gwa 12: 965-973.

Adam O. 2008. Impact des produits de traitement du bois sur les amphipodes Gammarus pulex (L.) et Gammarus fossarum (K.) : approches chimique, hydro-écologique et écotoxicologique. Thèse de doctorat. Université de Franche-Comté.

 

 

 

Nathalie Chèvre

Nathalie Chèvre est maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne. Ecotoxicologue, elle travaille depuis plus de 15 ans sur le risque que présentent les substances chimiques (pesticides, médicaments,...) pour l'environnement.

4 réponses à “Traitement du bois et pesticides

  1. Bonjour,
    Je suis médecin du travail et votre blog m’intéresse beaucoup parce que vous faites des recherches pertinentes qui permettent de mettre en évidence de potentielles expositions professionnelles. Par exemple je vois en consultation un salarié du bâtiment qui a un lymphome non Hodgkinnien. Seuls les pesticides sont reconnus potentiellement en cause dans la survenue de ce cancer, il a travaillé dans le bâtiment et ne serait donc pas exposé. Votre article me permet d’avoir une piste de recherche. Merci pour votre partage de connaissance.
    Très sincères salutations

    1. Chère Madame, je suis ravie si cela peut faire avancer votre suivi. Une amie avait fait analyser son lait et elle avait trouvé des insecticides à relativement haute concentration. Or elle faisait très attention à son alimentation. Une hypothèse avait été qu’elle pouvait être exposée via l’air intérieur et les grosses poutres dans sa maison. Mais nous n’avons jamais été plus loin dans les investigations malheureusement.

  2. Chère Madame,

    Je prends connaissance avec intérêt de votre article de blog dont je vous remercie. Je me permets de partager mon expérience personnelle récente d’exposition au propiconazole et à la perméthrine. Ayant acquis une maison à la fin de l’été 2020, j’ai constaté après emménagement que la structure en bois était attaquée en plusieurs endroits (charpente, cave) par des insectes xylophages (vrillettes, capricornes). Je me suis alors basé sur la principale certification des entreprises de traitement du bois en France, référencée par la préfecture de mon département de résidence, pour faire appel à une entreprise compétente afin d’éliminer ces insectes menaçant ma maison (voir site de la préfecture de la Vienne : https://www.vienne.gouv.fr/layout/set/print/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-construction-et-logement/Logement-construction/Qualite-de-la-construction/Risques-et-securite-des-constructions/Lutte-contre-les-termites-et-autres-insectes-xylophages). La certification semblant sérieuse et encadrée par l’Etat français, je ne me suis pas questionné sur de potentiels risques d’intoxication pour ma famille et moi.

    L’entreprise est intervenue chez moi début janvier 2021 et a injecté et pulvérisé un gel insecticide et fongicide dans la charpente et sur le solivage de ma cave, sans que mes proches et moi n’ayons reçu la moindre consigne de sécurité. Quelques heures après le début des pulvérisations, j’ai commencé à être gêné par l’odeur des vapeurs remontant de la cave (et ce bien qu’ayant pris de mon propre chef l’initiative d’étanchéifier la porte d’accès à la cave). Ressentant par la suite des étourdissements, j’ai été télécharger le fiche de données de sécurité du gel utilisé par l’entreprise de traitement sur le site internet du fabriquant. Le substances actives sont le propiconazole, la perméthrine, et le TMAC (chlorure de cocotrimethylammonium), présents à des concentrations de 0,51%, 1, 17% et 0,0001% dans le gel dont j’estime qu’au moins 5 litres ont été déversés dans ma cave si les instructions du fabriquant ont été respectées. Je suis encore estomaqué de constater qu’un cancérigène, mutagène et reprotoxique connu comme le propiconazole peut être utilisé librement au domicile de particuliers sans que ceux-ci ne soient avertis des risques encourus. Sachant que ce type d’entreprise doit intervenir avec des produits similaires au domicile de centaines de particuliers tous les ans, elles constituent sans doute une source importante de diffusion du propiconazole dans les milieux naturels, en plus du traitement du bois en usine avant mise en oeuvre. Je vous partage le lien vers la longue liste de produits certifiés pour le traitement curatif du bois en France. Presque tous contiennent du propiconazole : https://ctbpplus.fr/fr/liste/curatif.pdf

    En ce qui me concerne, je suis en contact avec le Centre anti-poison de ma région afin de déterminer si je dois quitter mon logement, et, si oui, pour quelle durée.

    Sincères salutations

    1. Cher Monsieur,
      Merci pour le partage de votre expérience. Je suis désolée pour l’expérience que vous avez vécue et j’espère que vous vous remettrez rapidement.
      Je me demande si la perméthrine n’est pas, dans ce cas, tout aussi problématique que le propiconazole. C’est un neurotoxique et il peut entraîner des vertiges.
      J’espère en tout cas que vous trouverez une solution.
      Meilleures salutations

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