«Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page.»

J'ai entendu et écouté aujourd'hui à la radio RTS Filippo Lombardi, président du Conseil des Etats à qui l'on reproche de trop voyager à l'étranger. Question qui me vient immédiatement à l'esprit: les politiciens et les journalistes qui lui cherchent noise pensent-ils vraiment qu'il s'invite lui-même dans les pays qu'il visite? On reproche à la Suisse de ne pas toujours savoir se faire des amis ou de manquer d'empathie auprès des amis qu'elle  souhaite conserver. Faut-il vraiment reprocher au président de la Chambre haute son goût pour la représentation et le contact? Pour ma part je m'en félicite.

Vu de Genève, ville et canton à vocation internationale, toute action qui vise à tisser et renforcer des liens à l'étranger doit être saluée. On oublie trop souvent que notre système parlementaire n'est pas celui de la plupart des pays de la planète. Nombre de parlements ne possèdent, en fait, que très peu de pouvoirs et servent d'alibi à des présidents et des gouverements de nature proprement dictariorale. Les parlements de ces pays sont demandeurs d'expérience démocratique et recherchent les contacts avec les représentants du parlement suisse. Ce n'est pas qu'une vue de l'esprit, c'est une expérience vécue par tous les élus parlementaires qui ont participé, un jour ou l'autre, à l'accueil d'une délégation parlementaire étrangère.

Par ailleurs, pour toutes celles et ceux qui se soucient de faire avancer la cause des droits de l'homme, le dialogue sur ce sujet rencontre souvent une écoute plus ouverte et moins défensive dès lors que la discussion se déroule au niveau parlementaire.

Et enfin, pour convaincre les plus regardants quant à la dépense publique: les frais de voyage des représentants de notre parlement restent bien inférieurs à tous les moyens investis pour valoriser l'image de la Suisse à l'étranger. Rendre une invitation, répondre à une invitation qui nous est faite relève de la politesse, dans la vie courante. Pourquoi en irait-il autrement dans la vie politique et la politique étrangère de la Suisse? Nous sommes réputés pour notre savoir-faire, mais pas nécessairement pour notre capacité à partager. Voyager, c'est aussi partager et se montrer curieux du monde de l'autre, du monde des autres. Peut-on vraiment prétendre jouer un rôle sur le plan international sans nous intéresser aux autres au point de refuser de leur rendre visite?

 Qui peut mieux le dire que Saint Augustin? : Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n'en lisent qu'une page….

Un peu moins de naïveté, un peu plus de professionnalisme, svp!

Grande nouvelle: les Américains écoutent et esprionnent l'ensemble de la planète, à commencer par les autorités politiques et administratives de l'Union européenne. Grande nouvelle? Pas vraiment. Une simple recherche à la lecture de cette information nous indique qu'avant PRISM, il y avait ECHELON comme nous l'apprenait le Monde diplomatique de juillet 1999 (Philippe Rivière). Ceux qui s'étonnent aujourd'hui sont-ils de grands naïfs ou de tristes amateurs?

"Avec un budget annuel de 26,7 milliards de dollars — autant que pendant la guerre froide —, les services de renseignement américains sont les mieux dotés de la planète. Des alliances stratégiques et une technologie puissante leur permettent d’espionner de manière routinière téléphone, fax et courrier électronique dans le monde entier." Le même article de 1999 nous apprend que, technologie mise à part, le phénomène n'est pas nouveau: "Déjà la Cour suprême avait imposé, en 1967, l’arrêt du projet « Minaret », fichage de milliers d’organisations et d’individus sur des « listes de surveillance » où figuraient des « dissidents » tels que Martin Luther King, Malcom X, Jane Fonda ou Joan Baez ; en 1975, c’est le directeur de la NSA qui, face au tollé déclenché au Congrès, mettait un terme au projet « Shamrock » de surveillance, avec la complicité des principales compagnies de télégraphe, de tous les messages télégraphiques entrant ou sortant des Etats-Unis…"

La seule question que je me pose aujourd'hui: les services de renseignement suisses et européens sont-ils incapables, depuis 1967, de trouver une parade à cette activité d'espionnage civil? Si nous en sommes incapables, dans l'ensemble de l'Europe, il est grand temps de se poser les bonnes questions en matière de sécurisation des échanges et des transferts de données. Si nous en sommes capables, l'indignation actuelle n'a pas de sens. Si nous en sommes incapables, il est grand temps de faire le ménage au sein du renseignement helvétique et européen!