« Tout âge porte ses fruits, il faut juste savoir les cueillir » écrivait Raymond Radiguet, un écrivain français du siècle passé. Eh oui, arrêtons de prétendre que les jeunes d’aujourd’hui sont mal élevés, pénibles, bruyants et pas engagés et que les personnes âgées coûtent trop cher à la société. Je connais de nombreux jeunes prêts à donner un coup de main aux personnes plus âgées qui ne comprennent rien aux nouvelles technologies. Et combien de grands-parents permettent aux familles avec enfants en bas âge de combler le manque de structure de garde?
Nous vivons plus longtemps qu’au début du siècle passé et la population vieillit. En 2017, la Suisse comptait 430’000 personnes de plus de 80 ans, un chiffre estimé à 830’000[1] pour 2040. Cette augmentation entraîne une demande envers les politiques publiques d’adapter l’urbanisation et les services publics aux personnes âgées. Nous devons prévoir davantage de possibilités de logements pour des personnes d’âge très avancé, et réinventer une manière de vivre ensemble : mixité dans les quartiers, possibilités de demeurer proche des transports publics, mobilité douce, etc. D’autant que la majorité des personnes âgées actuelles souhaitent finir leur vie chez elles.
Pour répondre à ces défis, la Fondation communale pour le logement de personnes âgées (FCPLA) que je préside, pose le 23 mars la première pierre de son projet novateur situé près de la gare de Pont-Rouge de Lancy. Il devra permettre aux locataires de la commune de Lancy de vivre harmonieusement dans notre société de longue vie. Les logements en construction sont principalement destinés aux personnes dès l’âge AVS pour y résider à long terme, idéalement jusqu’à la fin de leur vie, mais également à des étudiants et étudiantes pour qu’ils aient accès à des appartements à loyer modéré. Cet ensemble intergénérationnel offre la continuité des soins tout en s’adaptant à la perte d’autonomie, répondant ainsi aux besoins évolutifs de ses habitant-e-s. Ce lieu de vie s’insèrera dans la collectivité locale en mettant à disposition des espaces de vie communautaire et d’échange intergénérationnel. Il rassemblera des personnes âgées, des étudiant-e-s fournissant certaines services en échange d’un loyer modéré, ainsi que des enfants accueillis dans une crèche. Certaines activités de ces enfants seront réalisées avec les locataires, les habitant-e-s étant considérés comme acteurs de leur vie avec la plus grande autonomie possible. Contrairement aux anciennes méthodes d’actions en silos (les personnes âgées parquées loin des habitations « dans la verdure », les enfants séparés des aînés et les soins non coordonnés), l’objectif est ici d’insérer toutes les personnes, de tous les âges mais aussi de toutes les cultures et couches sociales dans un quartier mixte, et de permettre le vivre ensemble harmonieux et solidaire. Le quartier est bien intégré dans le réseau des transports publics et favorise clairement la mobilité douce.
La philosophie adoptée repose sur plusieurs axes, notamment sur l’appropriation par les locataires de l’organisation et la dynamique de la structure. Un coordinateur ou une coordinatrice devra veiller au développement de la vie au sein de la structure, et faciliter la collaboration avec les partenaires externes. Le personnel des soins de l’UATR (unité d’accueil temporaire de répit) assurera les veilles auprès des locataires âgés nécessitant des soins, ce qui évite la mise en place d’un dispositif spécifique dans la structure. Last but not least, les compétences existantes au sein des actuels EMS de Lancy seront utilisées, favorisant les synergies et la réduction des coûts.
Idéalistes tout ça ? Non, simplement réaliste car nous n’avons pas le choix. Notre société doit s’adapter aux nouvelles données démographiques, et plutôt que de se plaindre de notre inéluctable vieillissement, essayons de prévenir les problèmes liés au vieillissement, à l’isolation et à la ségrégation. J’en suis convaincue : les solidarités doivent être consolidées par le biais de tels projets, pour que la société de longue vie soit un succès sur le plan médical mais aussi sur le plan humain et social.
[1] Bulletin Crédit Suisse, les nouveaux sénioisr 4/2017