Fêtes des mères, fête amère

Chaque année, ça recommence : à l’approche de la mi-mai, les devantures des commerces croulent soudain sous des brassées de fleurs, des rivières de diamants, des stalagmites de chocolat et autres sucreries -en forme de cœur, comme il se doit-. Cette débauche de parfums, de brillants, de douceurs n’a qu’un but : nous rappeler qu’il est possible -et même obligatoire- de fêter les mamans. Mais qu’en est-il de cette fête ?
Si la fête des mères trouve ses racines dans les cérémonies de la Grèce antique en l’honneur de Rhéa, c’est dans la seconde moitié du 19ème ssiècle que sa version moderne voit le jour. Initiée par des Américaines soucieuses de donner visibilité et reconnaissance au travail familial et éducatif accompli par les mères, cette fête est, à la base, fortement politique. Très vite, hélas, elle prend un autre sens. Aujourd’hui, en Suisse, elle est avant tout la plus grosse vente de fleurs de l’année, avec la Saint-Valentin, autre création commerciale.
Plutôt que d’offrir une fois l’an des fleurs aux mères, ne faudrait-il pas d’abord leur faire cadeau de meilleures conditions cadres sur le marché du travail, et pour concilier profession et famille ? Que cherche-t-on à faire oublier aux femmes en les couvrant de bijoux ? Peut-être le fait qu’aujourd’hui encore, les travaux éducatifs et familiaux sont avant tout leur affaire. Ou que la maternité les désavantage sur le marché du travail. Sans parler des risques de pauvreté, notamment pour celles qui se consacrent à leur foyer puis se retrouvent à la tête d’une famille monoparentale.
Tous ces problèmes ne sont pas neufs, mais leur résolution n’est pas à l’agenda : la commission des finances du Conseil national vient d’annoncer que c’en était fini avec les programmes d’accueil de jour des enfants. Les jeunes familles son désespérées de trouver des solutions pour garder leurs enfants, parole de grand-mère ! Et quand les syndicats exigent des mesures concrètes pour réaliser l’égalité salariale voire même des mini-mesurettes comme le proposait le Conseil fédéral, la majorité bourgeoise du Parlement se défile courageusement. Elle a ensuite beau jeu de prétendre, la bouche en forme de confiserie de la fête des mères, qu’elle œuvre pour l’égalité…
Dans ces conditions, la fête des mères et son orgie de cadeaux apparaît bel et bien comme un susucre au goût amer. Parce que les mères doivent être à la fête 365 jours par an, parce qu’elles ont droit, comme les hommes, à un travail passionnant et une vie de famille heureuse, je n’avalerai pas ce susucre ! Et pourtant, j’aime le chocolat…

Maria Bernasconi

En tant que députée au Grand-Conseil genevois puis conseillère nationale PS, Maria Bernasconi a défendu l'égalité entre femmes et hommes, la justice sociale et le service public. Née en 1955. Elle est mariée, deux enfants et 3 petits-enfants, elle est infirmière et juriste de formation. Elle a fini son parcours professionnel en tant que secrétaire générale d'un syndicat et est à la retraite depuis 2018.

4 réponses à “Fêtes des mères, fête amère

  1. Madame, en lisant votre réflexion j’ai pensé à ces gens – nous en avons tous autour de nous – qui sont toujours dans la plainte, la souffrance, perpétuellement “en soupirs”. Sans même plus se réjouir de ce qu’ils ont. Dieu sait si j’apprécie mon autonomie (économique, sociale) qui m’a permis de me rendre autonome lorsque les choses n’allaient plus du tout (dans le couple). Je remercie sincèrement les femmes de toutes générations qui se sont battues pour que les femmes soient des êtres humains à part entière et non des sous-hommes. Cela doit continuer, me direz-vous. Soit. Mais pas de manière plaintive et geignarde, pas tous les jours, pas à propos de n’importe quoi… Ce bruit de fond incessant n’a plus d’effet. Il faut des actes forts, des actions pensées et menées avec détermination.
    Merci à vous qui vous battez au niveau politique et pardon si mon billet vous aura froissée. Il ne s’adresse pas à vous personnellement, c’est une réflexion personnelle que je voulais partager.

    1. Merci de votre réaction. Vous avez raison, il ne faut pas le plaindre mais agir. Ce que j’ai fait durant presque 30 ans, en m’engageant en politique et pour l’égalité et la justice sociale. Et vous?

      1. Merci Madame de votre réponse, je vois que vous ne m’en voulez pas… Pour répondre à votre question, j’avoue que je ne suis pas engagée dans la politique, mais je la suis de près et j’essaie d’avoir des avis objectifs et rationnels. Par manque de temps, d’occasions, j’ai eu trop à faire à trouver ma place dans la société helvétique (fille d’immigrés arrivée à l’adolescence). Mon combat est quotidien, il se déroule dans un cercle rapproché, mais c’est quand même un combat.

  2. Très juste!

    Une autre chose que je reproche à l’utilisation de cette fête est qu’elle à été utilisée dans le passé comme une propagande nataliste. Il s’agissait alors de repeupler les pays décimés par les guerres, et de célébrer des ventres destinés à produire les futurs soldats.

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