Ratha Yatra, un festival d’hier et aujourd’hui

 

C’était un samedi pas comme les autres. Le 1 juillet a eu lieu Ratha Yatra ou le festival des chars. Lors de cette fête hindoue, les divinités sortent des temples et sont promenées par les fidèles dans de grands chars en bois, richement ciselés et fleuris. Hommes et femmes réunis en une même procession les accompagnent en récitant des mantras et en chantant des hymnes.

 

Une zone industrielle revisitée

Glattbrugg, commune industrielle de l’agglomération zurichoise abrite depuis plus de vingt ans le Temple Shiva. En ce premier samedi de juillet, des familles hindoues de toute la Suisse, mais aussi des pays voisins, convergent vers le temple dédié à leur divinité. Aujourd’hui,  Shiva, sa femme Parvati et son fils Somaskanda prennent place au sommet et au centre d’un char apprêté de guirlandes de fleurs et de tresses de feuilles de bananes. Tirées par des hommes, protégées par des lions rugissant, les divinités « prennent l’air ». Elles veillent à l’harmonie de l’ordre cosmique et reçoivent les invocations des croyant-e-s.

En cette matinée ensoleillée, ce n’est pas moins de 1000 hindou-e-s qui défilent dans la localité. A quatre reprises, le char s’arrête. Le grand prêtre effectue des rituels et reçoit les offrandes, les prières et les dons des fidèles. A chaque étape, il convoque les éléments : le feu, par l’encens ou des noix de cocos en flamme ; la terre, par des lancés de riz ou de fleurs ; l’air, par des mouvements rapides des mains avec des baguettes et enfin, des projections d’eau.

Pendant quelques heures, le béton industriel résonne au son des percussions et des chants qu’entonnent les pèlerins d’un jour. La grisaille de la zone se transforme en un charivari de couleurs : sari safran, carmin, turquoise, émeraude pour les femmes ; dothi blancs, rouges ou verts pour les hommes. Tous les sens sont en émoi : la vue et l’ouïe bien sûr, mais l’odorat, le goût et le touché aussi. L’encens flotte dans les airs ; des offrandes de fruits et de riz sucré et aromatisé de bananes et noix de coco, des boissons (très) sucrées mais aussi salées et, ma foi, relevées. Et bien sûr la promiscuité des un-e-s et des autres.

 

 Une tradition vivante et en streaming

Alors que je me sens transportée en Inde ou au Sri Lanka, voilà qu’à un carrefour mon œil est attiré par deux hommes au torse nu et dothi orange qui manipulent des caméras high tech assorties de micros. Quelle n’est alors pas ma surprise lorsqu’une jeune Tamoule m’explique que la cérémonie est diffusée en streaming sur SivanTV, une chaîne de télévision online dédiée à Shiva, qui permet à toutes et à tous de participer virtuellement aux Ratha Yatra de par le monde. Ici, mais en même temps là-bas le temps d’une procession ; là-bas, mais en même temps ici grâce à la technologie. Décidément, les traditions savent vivre avec leur temps.

 

Mallory Schneuwly Purdie

Docteure en science et sociologie des religions, Mallory Schneuwly Purdie a fondé et dirige le bureau-conseil Pluralités. Elle est aussi chercheuse au Centre suisse islam et société (CSIS) de l'Université de Fribourg.