Le jihad dans la religion ou la religion du jihad ?

Dans les médias, comme au café du soin, il est devenu commun de parler et d’entendre parler de jihad. Le jihad… Un mot phonétiquement si bref, mais dont la sémantique est si complexe ! Jihad… Une notion essentiellement réduite à une dimension offensive et violente, alors que ses interprétations et mobilisations individuelles sont si diverses…

De multiples interprétations

En effet, certains savants apportent un supplément épistémologique à ce concept en développant son étymologie, en contextualisant les passages du Coran et de la Sunna qui s’y rapportent, en interprétant spirituellement la portée de son action. Simultanément, d’autres théoriciens érigent le jihad en dogme et l’appliquent en divisant strictement le monde entre celui des élus et celui des « mécréants ». Un compréhension moniste et intégrée de l’univers s’opposant à une vision dichotomique et antagoniste du monde et des rapports humains.

Se dédouaner du jihad

Objet de débats émotionnels, de querelles idéologiques et théologiques, qu’on le veuille ou non, le concept de jihad est au centre des représentations que l’on se fait aujourd’hui de l’islam et des musulmans. Dans leurs interactions avec les ‘autres’, il n’est pas rare que les citoyens de confession musulmane doivent de positionner sur le terme-même, et plus généralement sur les exactions commises par les idéologues et les combattants qui se sont arrogés le monopole de l’interprétation du jihad.

Que l’on soit musulman ou non, se pose dès lors beaucoup de questions, à commencer par celle de savoir comment parler de parler d’islam quand il est question de jihad ? Comment communiquer au sujet du jihad afin de ne pas tomber dans la réduction des discours de propagande de ceux que l’on appelle les « jihadistes » ? Mais aussi, ce « jihadisme contemporain » est-il seulement religieux ? Et qu’est-ce qui séduit de jeunes européens dans « les discours jihadistes » ?

En débattre?

Ce sont là quelques unes des questions que nous traiterons le mardi 29 septembre 2015 à 18.15 à l’Université de Fribourg en compagnie de Samir Amghar, spécialiste du salafisme, et de David Thomson, journaliste à RFI spécialisé sur les départs et les retours des jihadistes français et de Géraldine Casutt, doctorante en science des religions qui rédige une thèse sur le rôle de femmes dans le jihad contemporain.

 

Plus d’informations : L’islam, le musulman et le jihad contemporain http://www.unifr.ch/sr/fr/evenements/conferences-et-media/jihad-religion

Embrigadée

Tel est le titre de l’ouvrage de Valérie de Boisrolin. Ce livre, c’est un témoignage. Celui d’une mère dont la fille a quitté le domicile familial pour partir vivre en Syrie. Valérie de Boisrolin y raconte sa fille : son enfance, son insouciance, ses premières amours. Elle parle de leur complicité, de leur foyer, des décès qui ont les affectés. Elle retrace la « rencontre décisive » de Léa avec B., son « prince charmant », l’homme qui deviendra son mari et avec lequel elle partira s’établir en Syrie alors qu’elle n’a encore que 16 ans.

Mais quels signes avant-coureurs?

Embrigadee_CoverAu fil des pages, cette maman entraine le lecteur dans son désarroi : elle le confesse, elle n’a pas su lire les éventuels signes avant-coureurs du départ de Léa. Aurait-elle dû s’inquiéter lorsque sa fille a cessé de se maquiller ? Aurait-elle dû s’alarmer lorsque l’adolescente ne voulait plus que sa mère l’accompagne sur son lieu de travail ? Valérie de Boisrolin le regrette : elle aurait peut-être dû accorder plus de crédit au chemin spirituel que Léa avait adopté. Inversement, elle n’aurait peut-être pas due s’opposer si sévèrement à la relation amoureuse de sa fille, mais plutôt l’accompagner dans cette liaison et lui permettre de réaliser par elle-même la rupture familiale que lui proposait son prétendant.

Un périple à double facette

Sans colère, mais avec une pointe d’amertume, Valérie de Boisrolin raconte le périple biographique et judiciaire que traverse sa famille ; la culpabilité qu’elle ressent dans ses relations avec les autorités ; la solitude qui l’habite jusqu’au jour où elle réalise que leur histoire n’est pas unique : d’autres familles, de tout milieu social, de toute origine, de toute région sont aussi happées dans la tourmente par le départ d’un enfant, d’une sœur ou d’un frère.

Dans son récit, Valérie de Boisrolin ne condamne personne. Elle ne s’atermoie pas non plus sur son sort. Par son témoignage, elle met en revanche en lumière comment la juxtaposition de rencontres fortuites, d’expériences inopinées et de blessures émotionnelles peuvent faire basculer une personne et sa famille dans un univers parallèle.

Et en Suisse?

Une lecture sans concession qui interpelle sur le regard porté sur et le soutien apporté aux familles victimes d’un départ en Syrie. Un témoignage sincère qui devrait interroger en Suisse aussi les acteurs institutionnels et religieux sur leurs modalités d’accompagnements de ces familles victimes je le répète, et non coupables, du départ de l’un des leurs. Valérie de Boisrolin a elle choisi de se “battre pour sa fille” et de fonder une association d’entre-aide pour les parents “Malgré eux”.

 

Valérie de Boisrolin (2015) Embrigadée. Paris, L’Express, Presse de la Cité.

Métier: “sociologue des religions”

Oui, sociologue des religions est un métier. Un métier peu connu, mais qui m’occupe depuis 15 ans déjà. A quoi ressemble la journée d’une sociologue ? Mon fils vous répondrait sans doute « Passer ta journée devant ton ordinateur et le nez dans tes bouquins ». C’en est une partie, j’en conviens. Mais être sociologue, c’est avant tout être « sur le terrain » comme l’exprime notre jargon. « Sur le terrain » ? Mais quel « terrain » ? Au cœur des villes simplement, dans ses espaces de rencontres, ses institutions. Places publiques, gares, rues, cafés, administrations, écoles, hôpitaux, prisons constituent autant d’espaces témoins de la (dé-)construction des liens sociaux, autant de lieux à partir desquels le sociologue questionne le social.

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Être sociologue des religions, c’est en particulier passer du temps dans des associations et des communautés religieuses. Aller à la rencontre de ces acteurs sociaux qui (dé-)mobilisent « le facteur religieux » dans leur vie quotidienne. Être sociologue des religions, c’est échanger avec eux et partager quelques moments de sociabilité. En résumé, être sociologue des religions, c’est observer les pratiques religieuses et spirituelles des individus, décrire leurs croyances, attitudes et normes ; c’est analyser les relations réciproques entre individus, communautés et Etat.

« Facteur religieux », le titre d’un blog. Sur ces pages, mes coups de cœur et mes coups de gueules aussi. Mais surtout, les histoires d’hommes et de femmes (extra-)ordinaires dans leurs rapports au religieux, à l’Etat et à la société.