L’école, le voile et la laïcité

La saga religio-vestimentaire qui opposait les autorités scolaires de la commune saint-galloise de Sankt Margrethen à une famille de confession musulmane a tiré sa révérence. Vendredi dernier, les juges du Tribunal fédéral ont rendu leur décision : l’adolescente aura le droit de porter le foulard sur les bancs d’école. Cette décision fera dès lors jurisprudence : elle pourra servir de référence législative à d’autres affaires similaires dans tout le pays.

Lorsqu’il est question de foulard à l’école, les débats sont vifs. Les arguments mobilisés par les partisans du « pour » comme du « contre » mélangent les registres. C’est ainsi que des notions d’intégration, de sécurité, de liberté de conscience et de croyance, de laïcité et de neutralité confessionnelle se trouvent entremêlées dans les discours.

La Suisse n’est pas un Etat laïc

A l’inverse d’une représentation communément admise, la Suisse n’est pas un Etat laïc. Pour rappel, le préambule de la Constitution fédérale débute par « Au nom de Dieu Tout-Puissant ! ». En revanche, la négociation des relations entre l’Etat et les communautés religieuses étant du ressort des cantons (art. cst. 72), la majorité des cantons helvétiques reconnaît constitutionnellement certaines communautés religieuses, alors que d’autres y affirment le principe de la laïcité (Genève et Neuchâtel). La question de savoir ce que désigne « laïcité » en Suisse est épineuse. Séparation des pouvoirs politiques et religieux, reconnaissance du rôle des traditions judéo-chrétiennes dans la construction historique de la Suisse, invisibilisation de tout signe religieux dans l’espace public ? Clarification.

Laïcité et neutralité confessionnelle

La laïcité est un principe participant à la régulation des rapports entre l’Etat et les communautés religieuses, un précepte aiguillant les conduites des individus en regard d’une autorité étatique. Elle n’est pas un état, mais un processus : la réponse d’une société géographiquement et temporellement ancrée aux questions (et aux défis) que lui pose la cohabitation d’une pluralité (croissante) de systèmes du croire sur son territoire. En Suisse, elle suppose la séparation des sphères d’influences de l’Etat de celles des individus et privilégie une neutralité confessionnelle de l’appareil étatique. Davantage qu’un principe, la neutralité confessionnelle est une attitude que l’on adopte. L’Etat, les espaces et les individus le représentant, se doit d’adopter une conduite neutre confessionnellement afin de garantir la liberté de conscience de ses utilisateurs (les résidents). A l’inverse, ceux-ci ne sont pas astreints aux mêmes devoirs et conservent leur droit de manifester leurs convictions religieuses, y compris dans les institutions étatiques.

L’école, espace de socialisation

La décision du Tribunal fédéral va dans le sens de cette neutralité confessionnelle. L’appareil professoral doit être neutre confessionnellement, mais l’espace scolaire peut être investi par les signes d’appartenance religieuse des écoliers. Dans le respect des convictions des uns comme des autres, cela va de soi. En ce sens, il est utile de rappeler que la neutralité confessionnelle garantit aussi l’incroyance. L’article sur la liberté de conscience (art.cst. 15, alinéa 4) rappelle à juste titre que nul ne peut être contraint d’adhérer à un message religieux.


Photo: devant le Tribunal administratif de St-Gall le 11 décembre 2015 lors du procès – Keystone